Citation
des "Cent cinquante homélies spirituelles".
18. La persévérance dans la prière
est le fondement de tout bon effort et la cime où
s'accomplissent les oeuvres droites. C'est par elle,
quand nous appelons Dieu à tendre une main secourable,
que nous acquérons les autres vertus. C'est dans
la prière en effet qu'est donné à
ceux qui en sont jugés dignes de communier à
l'énergie mystique et de rencontrer l'état
de sainteté qui, par l'ineffable amour du Seigneur,
tourne vers Dieu également l'intelligence elle-même.
Il est dit : "Tu as donné la joie à
mon cur". Et le Seigneur lui-même :
"Le Royaume de Dieu est au-dedans de vous".
Que le Royaume de Dieu soit au dedans, qu'est-ce que
cela peut signifier d'autre que ceci : la joie céleste
de l'Esprit marque clairement de son empreinte les âmes
qui en sont dignes ? Car les âmes qui, par la
communion efficace de l'Esprit, sont dignes d'une telle
grâce reçoivent les arrhes et les prémices
de la réjouissance, de la joie, du bonheur que
donne l'Esprit, et auquel ont part les saints dans la
lumière éternelle au cur du Royaume
du Christ. C'est là, nous le savons, ce qu'a
montré l'Apôtre divin. Il dit en effet
: "Il nous console dans notre affliction, afin
que par la consolation que nous mêmes recevons
de Dieu, nous puissions consoler ceux qui sont dans
la détresse". Mais également : "Mon
cur et ma chair crient de joie vers le Dieu vivant",
et : "Comme de graisse et de moelle mon âme
sera rassasiée". De même les versets
qui s'accordent à ceux-ci veulent dire la même
chose, et font allusion à la joie et à
la consolation efficaces de l'Esprit.
19. De même que l'uvre de la prière
est plus grande que les autres, de même celui
qui est épris d'amour pour elle doit se donner
plus de peine et de souci afin de ne pas se faire voler
à son insu par le vice. Car en ceux qui visent
un plus grand bien, le malin attaque avec de plus grands
efforts. Un tel homme aura ainsi besoin d'une grande
vigilance et d'une grande sobriété pour
porter davantage encore les fruits de l'amour et de
l'humilité, de la simplicité et de la
bonté, et enfin du discernement, en persévérant
chaque jour dans la prière. Ces fruits lui rendront
manifestes son propre progrès et sa propre croissance
dans les choses de Dieu, et ils inviteront les autres
à éprouver la même ferveur.
20. L'Apôtre divin lui-même enseigne qu'il
faut prier continuellement et persévérer
dans la prière. Et le Seigneur l'a dit : "Combien
plus Dieu fera-t-il justice à ceux qui l'appellent
nuit et jour" et : "Veillez et priez".
Il faut donc "toujours prier et ne pas se lasser".
De même que celui qui persévère
dans la prière a choisi une oeuvre plus fondamentale,
de même il lui faut mener un grand combat et soutenir
un effort continu, car à la persévérance
dans la prière s'opposent les nombreux obstacles
du vice : le sommeil, l'acédie, la pesanteur
du corps, l'égarement des pensées, l'agitation
de l'intelligence, le relâchement, et les autres
oeuvres mauvaises. Puis viennent les afflictions, les
soulèvements des esprits du mal eux-mêmes,
qui nous combattent et nous résistent avec acharnement
et empêchent d'approcher Dieu l'âme qui
sans relâche le recherche en vérité.
22. Si l'humilité et l'amour, la simplicité
et la bonté, ne règlent pas le bon ordre
de notre prière, une telle prière, qui
serait plutôt l'apparence de la prière,
ne peut guère nous aider. Et nous ne disons pas
cela de la seule prière, mais de tout effort
et de toute peine, de la virginité, du jeûne,
de la veille, de la psalmodie, du service, de tout travail
fait avec attention pour l'amour de la vertu. Si nous
ne nous attachons pas à voir en nous-mêmes
les fruits de l'amour, de la paix, de la joie, de la
simplicité, de l'humilité, mais aussi
de la douceur, de la candeur, de la foi telle qu'elle
doit être, de la patience et de la bienveillance,
les peines que nous nous donnons ne nous servent à
rien. Car nous acceptons de supporter les peines pour
profiter des fruits. Mais si l'on ne trouve pas en nous
les fruits de l'amour, notre travail est tout à
fait vain. De tels hommes ne diffèrent en rien
des cinq vierges folles. Celles-ci n'avaient pas dès
maintenant dans leur cur l'huile spirituelle :
l'énergie des vertus dont nous avons parlé,
cette énergie que donne l'Esprit. Aussi furent-elles
appelées folles et rejetées lamentablement
hors du lieu des noces royales, sans recevoir en partage
le fruit des peines de la virginité. En effet,
quand on cultive la vigne, on prodigue à l'avance
tous ses soins et toute sa peine dans l'espoir d'obtenir
des fruits, mais si l'on n'a pas récolté
de fruits, le travail s'avère aléatoire.
De même si nous ne voyons pas en nous, grâce
à l'énergie de l'Esprit, les fruits de
l'amour, de la paix, de la joie et des autres vertus
que l'Apôtre a énumérées,
et si nous ne nous attachons pas à reconnaître
cette grâce en toute certitude et par la perception
spirituelle, l'effort de la virginité, de la
prière, de la psalmodie, du jeûne et de
la veille est manifestement vain. Car ces peines et
ces efforts de l'âme et du corps doivent s'accomplir,
nous l'avons dit, dans l'espérance des fruits
spirituels. Porter les fruits des vertus est une jouissance
spirituelle, accompagnée d'un plaisir incorruptible,
que l'Esprit suscite secrètement dans !es curs
fidèles et humbles. Qu'ainsi les peines et les
efforts soient considérés pour ce qu'ils
sont, comme des peines et des efforts, et que les fruits
soient considérés comme des fruits. Mais
si quelqu'un, par manque de connaissance, pense que
son travail et son effort sont des fruits de l'Esprit,
qu'il n'ignore pas qu'il se console et se trompe lui-même,
et que dans son état il est privé des
fruits réellement grands, les fruits de l'Esprit.
24. Ceux qui ne peuvent pas encore - parce qu'ils sont
des enfants s'adonner jusqu'au bout à l'uvre
de la prière, doivent accepter de servi leurs
frères avec piété, foi et crainte
de Dieu. Car ils sont au service d'un commandement de
Dieu et d'une oeuvre spirituelle. Mais qu'ils n'attende
pas des hommes un salaire, ou un honneur, et un remerciement.
Qu'ils ne se permettent aucun murmure, ni orgueil, ni
négligence, ni relâchement, à de
ne pas souiller et corrompre une telle Couvre bonne,
mais qu'ils s'efforcent cent bien plutôt de la
rendre agréable à Dieu par la piété,
la crainte et la joie.
25. Le Seigneur est descendu parmi les hommes - ô
la miséricorde divine à notre égard
! - avec tant d'amour et de bonté, cherchant
à ne pas laisser d'uvre bonne sans aucun
salaire, mais à mener tous les êtres des
plus petites aux plus grandes vertus, pour ne priver
personne de récompense, n'aurait-on donné
qu'un verre d'eau fraîche. Car il a dit: "Quiconque
donnera à boire un seul verre d'eau fraîche
à l'un de ces petits, parce qu'il est Mon disciple,
en vérité Je vous le dis, il ne perdra
pas sa récompense". Et encore : "Dans
la mesure où vous avez fait cela à l'un
d'eux, c'est à Moi que vous l'avez fait".
Seulement, qu'on fasse un tel geste pour l'amour de
Dieu, et non pour une gloire humaine. Car il a ajouté
: "parce qu'il est Mon disciple", c'est-à-dire
: dans la crainte et l'amour du Christ. Blâmant
en effet ceux qui poursuivent le bien ostensiblement,
et donnant à sa parole la force d'une sentence
ferme, le Seigneur en vient à dire : "En
vérité Je vous le dis, ils ont reçu
leur récompense".