EGLISE ORTHODOXE D'ESTONIE

Chapitre

Orthodoxie

 
 
 
 

OFFICE DE LA PASSION ( 12 EVANGILES )
( jeudi soir 1er avril 2010, matines du grand et saint vendredi )

Chers Frères et Soeurs,
"Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis" (Jean 15,13). En cette phrase est contenue l'explication la plus complète, la plus profonde de la Passion du Sauveur. Le plus grand amour est maximal. Il exige le don qui va jusqu'à la mort. Le Golgotha : non une exigence de justice ; une exigence d'amour.
La Passion de Jésus est un fait de l'histoire. Mais elle dépasse le temps historique parce qu'elle appartient au Temps du Christ, qui transcende l'évènement et l'histoire. En Christ, le passé et l'avenir se mêlent à l'instant que nous vivons. Son éternité enferme en elle-même chaque moment présent de notre temps humain, et en même temps aussi le passé et le futur. Au pied de la Croix nous découvrons que c'est le flot de boue, de mort et de désespoir du monde entier, du début à la fin de l'histoire, qui déferle sur le Christ crucifié. Il porte tout péché, toute mort, toute souffrance qui atteint chaque être humain venu au monde".
Permanence, actualité de la Passion du Sauveur ! Les saints ont toujours senti que la Passion de Jésus n'était pas qu'un simple évènement du passé. Ils s'en faisaient en quelque sorte les contemporains. Toutefois, la souffrance de Jésus est un mystère qui ne se démontre pas, dont on ne peut parler que par analogie et approximation. Plutôt que de nous obstiner à raisonner sur ce thème, plutôt que de chercher à l'expliquer par autant de mots qui ne seront que balbutiements lamentables, contentons-nous de cette parole de Saint Augustin: "Donne-moi quelqu'un qui aime et il sentira ce que je dis"...
„...Il sentira ce que je dis“: parce que toutes nos détresses sont devenues les détresses de Jésus à l'heure de sa croix, "une fois pour toutes" et que pour cette raison tout est retourné vers la vie. "Du fait qu'il a souffert lui-même l'épreuve, écrit Saint Paul dans sa lettre aux Hébreux (2,18), il est capable de venir en aide à ceux qui sont éprouvés". D’une part le saint et grand Vendredi et Pâques ne font qu’un dans l’éternité de la vie divine, même si, historiquement, la Passion précède la Résurrection ; d’autre part, non seulement le Christ a été au moment de sa Passion un Dieu souffrant mais, d’une certaine manière, il le demeure encore. C’est cela qui fait dire aux saints qu’ils se font les contemporains de la souffrance humaine que le Christ a prise avec lui sur la croix. Et c’est aussi cela qui nous fait dire que la puissance de la résurrection du Christ devient nôtre, puisqu'il prend sur lui toute notre faiblesse.
L’Eglise nous exhorte ce soir à entrer dans les dimensions mystérieuses de l’amour de notre divin Sauveur; à faire l’expérience de la longueur et de la patience de cet amour envers tous et chacun; à mesurer sa largeur qui dilate nos coeurs si avares d’amour; à nous enfoncer dans sa profondeur qui nous atteint et nous guérit à la racine de notre mystère personnel.
Au cours de cette célébration le Christ est mis en croix après la lecture du cinquième évangile. "Etiez-vous là, quand on a crucifié mon Seigneur?", s'exclame de façon actuelle et poignante une phrase tirée d'un chant du répertoire du negrospiritual. Et nous, sommes-nous vraiment là où l'on crucifie notre Sauveur? Là au Golgotha où Jésus est cloué à notre souffrance, à celle des autres, au centre même de notre péché? Là au Golgotha où aujourd'hui encore on torture, on crucifie Jésus partout dans le monde et à toute heure?
En toute vérité, Jésus sur la croix, c'est vous et moi et les milliards d'humains "à l'image de Dieu" mais combien défigurés, qui sont transfigurés "à sa ressemblance". Non pas pour anesthésier la souffrance mais pour lui faire porter, de la manière la plus poignante, son fruit de vie, son fruit d'amour.
Cela parait fou à l'homme d'aujourd'hui qui pense parvenir à éliminer la mort par la survie biologique. Mais pour quelle vie ? La sagesse de la croix est la source de la vie divine en nous, à chaque instant, si nous consentons à contempler "celui que nous avons transpersé"; à nous laisser attirer par lui; à tenir ferme, puisque c'est lui qui combat pour nous.
Il s’est laissé couronner d’une couronne d’épines (kibuvitsakroon) pour manifester que la terre a été rachetée de l’antique malédiction de la Loi. Il a permis que l’on arrache ses vêtements et qu'il soit revêtu d’un manteau de pourpre dérisoire (pilke purpurmantel) pour que tombent les tuniques de peau avec lesquelles s’était recouvert Adam après avoir désobéi. En guise de sceptre il a tenu dans sa main un roseau pour signer avec l’encre de son sang très précieux la lettre de pardon de nos péchés. Il a été abreuvé de fiel et de vinaigre pour anéantir le goût douceureux du fruit défendu. Il a étendu ses mains sur l’arbre de la croix pour guérir les bras tendus d’Adam et d’Eve qui enlaçaient l’arbre défendu et pour unir ce qui était distant l’un de l’autre, les anges et les hommes, le ciel et la terre. Il est mort pour vaincre la mort. Les étoiles se démunirent de leur éclat en signe de deuil pour le Crucifié. Les pierres se sont fendues du fait de la Passion; à cause des souffrances de Celui qui est la „Pierre de vie“. Il est monté sur la Croix pour guérir Adam de la corruption et de la mort. Enfin il est ressuscité en vue de notre propre résurrection.
Frères et Soeurs bien-aimés,
Bienheureux, trois fois bienheureux est celui qui, tout au long de cette grande et sainte semaine, est capable de mettre de côté ses soucis quotidiens pour s’unir au Christ dans son immolation. Aussi purifions-nous de tout péché et d’un coeur sincère prions-le : Lève-toi, Seigneur, et sauve-nous. Amen !

Retour au sommaire

 


 

RESSOURCES
Archives du site
Liens du Web
 
CHAPITRES
Page accueil
Orthodoxie
 
VERSIONS
Estonienne