EGLISE ORTHODOXE D'ESTONIE

Chapitre

Orthodoxie

 
 
 
 
PAGE SPIRITUELLE POUR LE TEMPS DE PENTECOTE

Extraits de l'homélie 41 de saint Grégoire de Nazianze

" Le séjour corporel du Christ parmi nous a pris fin les actes de l'Esprit commencent "
Nous célébrons la Pentecôte ; la venue de l'Esprit Saint, l'accomplissement d'une promesse et la réalisation d'une espérance. Et quel mystère ! Comme il est grand et vénérable ! La vie corporelle du Christ prend fin ou plutôt ce qui regarde son séjour corporel parmi nous ; car j'hésite à dire " ce qui a trait au corps de Jésus " jusqu'à ce que le raisonnement d'un orateur m'ait convaincu qu'il vaut mieux s'être débarrassé du corps. Les actes de l'Esprit commencent. Quels furent ceux du Christ ? La Vierge, la nativité, la crèche, le berceau, les anges glorifiant le Seigneur, les bergers qui accourent, l'étoile qui s'avance, l'adoration des mages et leurs présents, le massacre des enfants par Hérode, la fuite de Jésus en Égypte, son retour, la circoncision, le baptême, le témoignage céleste, Jésus trahi, crucifié, enseveli, ressuscité, montant au ciel, toutes vicissitudes qu'il supporte pour une grande part ; des adversaires du Christ, il supporte les oeuvres d'impiété, car il est patient et magnanime ; de la part de ses amis, il agrée les hommages ; et si, loin des premiers, il retient sa colère, de même, à notre égard, il diffère sa bonté ; peut-être pour donner à ses ennemis le temps du repentir, et quant à nous, pour éprouver la valeur de notre amour, la solidité dans les épreuves et les combats soutenus en vue de la sainteté. Auparavant c'étaient les plans de Dieu et les décisions impénétrables de sa Providence par lesquelles, avec sagesse, il gouverne les choses humaines ; semblable est la volonté du Christ dont nous verrons plus clairement dans l'avenir la réalisation progressive, et puissions-nous la voir personnellement. Mais pour dévoiler les mystères de l'Esprit Saint, que celui-ci nous assiste en personne, qu'il nous accorde le don de la parole, sinon celui que nous désirons, du moins une aisance qui soit à la hauteur de la circonstance. De toute façon c'est en maître, non en esclave, qu'il sera là : il n'attendra pas un ordre venant de nous, comme certains le pensent. L'Esprit souffle où et sur qui il le veut, quand et comment il lui plaît. Ainsi donc, nous avons besoin du souffle divin pour penser et parler de l'Esprit Saint. ( ... )

L'Esprit Saint est Dieu : Il possède donc tous les attributs de la divinité

L'Esprit Saint a toujours existé, il existe et existera toujours, n'ayant ni commencement ni fin, mais toujours étroitement uni au Père et au Fils et compté avec eux; il ne convenait pas, en effet, que le Fils manque au Père ou que l'Esprit manque au Fils. Dans ce cas, en effet, la divinité serait en proie à la plus grande imperfection comme qui arrive à s'accomplir après pénitence (privation). L'Esprit a donc toujours été perceptible, non participant, parfait, non perfectible, complet, non complété, sanctifiant, non sanctifié, déifiant, non déifié. Il est lui-même, pour lui-même, et pour ceux avec qui il est uni, toujours le même. Il est invisible, intemporel, indéfinissable, immuable, exempt de qualité, de quantité, de forme, de matière, il tient de lui-même un mouvement éternel (il ne s'agit évidemment pas ici d'un mouvement matériel, mais d'une sorte d'activité spirituelle au sein de l'Etre), une liberté compète de détermination, une puissance autonome qui est la toute-puissance, bien qu'il faille rapporter à la cause première, non seulement tout ce qui concerne le Fils unique mais aussi ce qui regarde l'Esprit Saint. Il est vie et donneur de vie, lumière et principe de lumière, la bonté en elle-même et source de bienfaits; c'est un Esprit droit, conducteur, maître, il envoie (la lumière), sépare (la vérité de l'erreur), bâtit son temple (dans l'âme docile), indique la route à suivre, opère sa volonté, distribue ses grâces. Il est l'Esprit d'adoption, de vérité, de sagesse, d'intelligence, de science, de piété, de conseil, de force (Is. 11, 12), de crainte (de respect), bref, il est l'Esprit de toutes les vertus énumérées (par Isaïe). C'est par lui qu'est connu le Père, qu'est glorifié le Fils et c'est par ceux-là seuls qu'il est lui-même connu, formant avec eux, un seul et même ordre, étant avec eux l'objet d'un seul et même culte et adoration, partageant avec eux la même puissance, la même perfection, la même sainteté. Pourquoi en parler plus au long ? Tout ce que possède le Père, appartient aussi au Fils, sauf l'absence de naissance. Tout ce qui est la propriété du Fils est aussi celle de l'Esprit, à part le fait que le premier a été engendré (de toute éternité). Tout cela ne fait pas qu'ils diffèrent de substance, à mon avis du moins, mais qu'ils sont distincts dans la même substance.

Manifestations de l'Esprit Saint

Au commencement l'Esprit Saint exerçait sa puissance sur les esprits angéliques, les vertus célestes et toutes les créatures qui viennent immédiatement après Dieu et l'entourent. Car c'est de l'Esprit seul que celles-ci tiennent leur perfection, leur splendeur, leur difficile inclination ou pour mieux dire, leur inaptitude complète à faire le mal, Ensuite, il communiqua sa force aux patriarches et aux prophètes, dont certains virent Dieu, par des représentations, ou le connurent (par d'autres manifestations venant de lui : par exemple des voix, etc…), et d'autres aussi eurent la prescience de l'avenir, ayant reçu dans leur intelligence l'empreinte de l'Esprit Saint, qui les fit assister aux événements futurs comme s'ils étaient présents. Tel, en effet, est le pouvoir de l'Esprit. Il se manifesta ensuite aux disciples du Christ, je ne parle pas du Christ, qu'il assistait, non en lui conférant la puissance mais en l'accompagnant comme son égal, et à ceux-là il le fit de trois manières, dans la mesure où ils étaient capables d'en profiter, et en trois circonstances; avant la glorification du Christ par sa Passion, après son élévation par la Résurrection et enfin après son Ascension dans les cieux. (...) Ceci montre à suffisance que la guérison de la première des maladies, celle des esprits, ne peut évidemment pas avoir été opérée sans le concours de l'Esprit Saint ; que l'insufflation qui eut lieu après l'accomplissement du salut est due sans aucun doute à une intervention divine ; enfin que le partage des langues de feu dont nous célébrons aujourd'hui le souvenir, est lui aussi don de l'Esprit.

La première manifestation était obscure, la deuxième, plus claire ; mais celle d'aujourd'hui est lumineuse : l'Esprit ne participe plus seulement à notre vie par sa puissance, il est avec nous par son être, pourrait-on dire, il vit avec nous. Il convenait cri effet que, le Christ ayant habité corporellement parmi nous, l'Esprit se manifestât lui aussi de manière visible ; que, tandis que le Christ remontait dans son royaume, l'Esprit descendit chez nous, que, s'il y venait comme un maître, il ne fut pas envoyé comme un substitut de Dieu : de telles formules en effet, si elles expriment la conformité des sentiments, maltraitent plutôt l'unité de nature.

Saint GRÉGOIRE DE NAZIANZE Collection les écrits des Saints, Ed. du Soleil Levant, Namur, Belgique, 1962.

"C'était bien vrai ce que l'Esprit-Saint fit entendre à vos pères par la bouche du prophète Isaïe : Va vers ce peuple... " (Actes 18,15).

Roi céleste, Consolateur, Esprit de vérité,
fais-nous comprendre que notre prière à Dieu ne Lui est pas adressée pour uniquement nous éloigner de nos préoccupations et de nos besoins matériels mais pour que nous restions avant tout fidèles au rôle libérateur de son Eglise ; à celui de son Amour fou pour l'homme, emprisonné dans les exigences torturantes de sa nature mortelle ;

Toi qui es partout présent et qui remplis tout, Trésor de grâces et Donateur de vie,
fais que notre prière devienne une contestation dynamique et réelle du système de la consommation qui réduit en esclavage une grande part de l'humanité, la privant de Tes bienfaits par l'aveuglement qu'il engendre ;

Viens et demeure en nous,
fais que notre prière ne se limite pas à la seule vision myope d'une simple amélioration des mœurs mais que plus encore elle manifeste avec force notre discernement radical entre la vie et la mort : la vie comme liberté de l'amour et la mort comme emprisonnement dans l'individualité naturelle ;

Purifie-nous de toute souillure,
fais que par notre prière nous reconnaissions la faiblesse de notre nature humaine, nos divisions, nos scandales, l'indignité des représentants et des membres de ton Eglise et que cette reconnaissance soit pareillement humble à celle du Christ, qui a accepté la mort de l'humanité jusque sur la croix et jusqu'au plus profond des enfers ;

Et sauve nos âmes, Toi qui es bonté,
fais que notre prière en ce temps de la Pentecôte nous identifie avec les faiblesses de tous les hommes afin que, pleinement renouvelés par la paisible beauté du Visage du Ressuscité qui crée toute communion, nous puissions nous aussi réellement remplir notre vocation propre comme signe et sacrement du Royaume.
0, divin Paraclet, que brille en nous la Lumière véritable afin qu'en Elle nous puissions contempler Celui que nous osons appeler Père, grâce à Toi. Amen.

Monseigneur Stephanos métropolite de Tallinn et de toute l'Estonie

LA PENTECOTE
Homélie (29 mai 1988)

Cette Pentecôte que nous vivons annuellement et que nous célébrons aujourd'hui, est un moment suprême de notre existence, dans laquelle apparaît la finalité même du calendrier liturgique tout entier orienté de la venue de Jésus vers la venue de l'Esprit. La venue de l'Esprit c'est ce pourquoi Jésus est venu. La finalité du calendrier liturgique, c'est aussi le sens profond, la substance même du mystère de l'Eucharistie dans lequel nous sommes rassemblés en ce moment. Car cette Eucharistie n'est rien d'autre que le don, la permanence et le renouvellement de l'Esprit Saint, dans notre vie, dans la vie profonde de chacun, dans notre communauté et dans le rayonnement que chacun d'entre nous et nous tous ensemble, nous sommes appelés à vivre. (...)
A cause de cet anniversaire, la réalité du mystère de l'Esprit Saint ressort plus fortement peut-être aujourd'hui dans les consciences par l'actualité, par les mass media, par toutes les rencontres oecuméniques. Rien de cela, certes, n'est à négliger. Il faut pourtant prier et espérer que cette " effervescence " que nous vivons particulièrement en cette année 1988 ne soit pas un feu de paille et que cette " découverte " pour quelques uns peut-être, du mystère, de la réalité de l'essentiel que constitue pour nous le Saint Esprit soit un acquis pour toujours, soit un passage à un autre mode de notre propre vie.
Parler de l'Esprit Saint c'est à la fois parler de l'Esprit Saint comme mystère de Dieu, mystère de la troisième personne et c'est parler de l'Esprit Saint comme celui dans lequel, par lequel et pour lequel l'homme a été créé. L'Esprit Saint est " l'Esprit du Père ", " procédant du Père ", comme le dit l'Evangile de Jean, comme le répète le symbole de foi, comme le redit aussi le chant liturgique de la Pentecôte : " Saint Immortel, Esprit Consolateur qui procèdes du Père et qui reposes dans le Fils ".
L'Esprit Saint est l'Esprit du Père, Celui qui crie en nous " Abba Père ", mais il est aussi l'Esprit du Fils sans lequel nous dit Saint Paul, nul ne peut appeler Jésus " Seigneur ". L'Esprit Saint introduit donc à ce banquet, à cette communion trinitaire que constitue l'Eucharistie.
Mais si l'Esprit Saint nous introduit à cela, c'est que l'Esprit Saint nous a été donné pour être en nous, dès le premier instant de notre existence humaine. C'est pourquoi, dans le passage de la Bible au second chapitre de la Genèse, verset 7, selon lequel Dieu crée l'homme en le modelant de la glaise, il est dit que Dieu insuffla en lui l'Esprit de vie et que l'homme devint une âme vivante. Saint Irénée aimait répéter que Dieu par " ses mains divines que sont le Fils et l'Esprit " modèle l'homme, le façonne, le crée, le constitue comme un composé d'argile et d'Esprit Saint. C'est pourquoi l'Esprit Saint, même s'il vient sur nous de l'extérieur, nous appartient. Non pas qu'il soit notre possession, non pas qu'il soit notre chose, non pas que nous puissions en disposer. Il nous appartient néanmoins, dans un autre sens, comme l'élément constitutif de la vie humaine, sans laquelle l'homme n'est pas homme, sans laquelle il est réduit à plus bas que l'humanité. C'est pourquoi, lorsque nous voulons parler de l'homme, le décrire, le définir, le chanter, le célébrer, aussi, nous devons nous souvenir que l'homme est créé à l'image de Dieu, qu'il y a cette empreinte, ce caractère, ce sceau divin caché, et souvent caché très profondément en raison du péché, mais qu'il y a aussi un souffle divin en lui, sans lequel l'homme ne pourrait ni subsister, ni chercher à réaliser sa destinée, ni reconnaître le bien et le mal, il serait un être neutre, un être quelconque, un être loin de la vie véritable. Il faut nous rappeler cela aujourd'hui lorsque l'on réfléchit tellement sur notre existence dans ce 20ème siècle et lorsque nous perdons espoir en la valeur, en la dignité de l'homme.
Il faut rappeler que l'homme est créé à l'image de Dieu, que l'homme est pénétré d'un souffle... mais d'un souffle qui nous échappe constamment... Je disais tout à l'heure que cette découverte de l'Esprit Saint, que cette " effervescence " ne doit pas être un feu de paille. Il faut dire maintenant : cet Esprit Saint qui nous est donné, Il nous échappe par tous les pores de notre être, de notre être qui est une sorte de vase percé, troué, et par lequel nous ne savons pas retenir en nous cette substance divine. Nous ne savons pas retenir en nous la présence de Dieu parce que, justement, le péché a brisé en nous notre intégrité véritable, le péché nous a éloignés de Dieu, et le péché fait que, comme le sentait le judaïsme au temps du Christ, l'Esprit est loin, l'Esprit est absent.
Tout l'Ancien Testament est une histoire de l'action de l'Esprit Saint, mais d'un Esprit Saint qui agit encore, si l'on peut parler ainsi, de l'extérieur. Il intervient , bien sûr, dans des moments choisis, cela aussi est très important. Il parle par les Prophètes. Et cette parole de l'Esprit Saint par les Prophètes signifie que toute l'histoire humaine, même marquée par la chute, par le péché et par l'oubli de Dieu est néanmoins une histoire sacrée. Si elle n'était pas une histoire sacrée, elle ne serait pas une histoire tout court. Le monde n'existerait pas. " Ote seulement l'Esprit ", dit Saint Basile, " et les puissances angéliques se désagrègent, et le monde lui-même retourne dans le néant ", répétant en cela la parole du psaume 103 " Tu ôtes ton Esprit et ils s'épuisent et ils retournent à leur poussière ".
L'Esprit Saint est bien la condition de la vie véritable. Il est à la fois l'initiateur, celui qui nous introduit, celui qui nous révèle le Nom, le Visage, la Présence de Jésus et, par Lui, du Père. Garder donc l'Esprit, c'est découvrir ce que nous sommes, comme le disait Saint Augustin : " Devenez ce que vous êtes ", devenez ce que vous êtes, des hommes pneumatophores, christophores, porteurs d'Esprit, générateurs d'Esprit. Mais le devenir signifie : dégager les sources profondes de notre être, de notre cœur, pour que selon la parole de Jésus, jaillissent des fleuves d'eau vive, s'écoulant vers la vie éternelle : " Celui qui croit en moi, de son sein, de son cœur, des flots d'eau vive jailliront ". Mais ces flots ne jaillissent pas ! Ces flots sont comprimés à l'intérieur de nous ! Notre être est brisé et il est lourd ! Il est loin de Dieu…
Par conséquent, le but unique de notre vie, pour reprendre la parole de Saint Séraphin, c'est " d'acquérir le Saint Esprit ", c'est le redécouvrir, c'est lui rendre sa véritable place, seigneuriale et royale dans notre vie. Et cela exige de notre part une ascèse véritable. Nous n'aimons pas parier de cela parce que nous représentons souvent la vie chrétienne ou l'orthodoxie, comme quelque chose de léger, de joyeux, de pascal, oubliant qu'il y a toute l'ascèse des saints, des justes, des martyrs et de chaque chrétien derrière cela.
Et je voudrais pour terminer, dire un simple mot encore : que l'ascèse ne signifie pas seulement se préparer se purifier pour recevoir le Saint Esprit.
Quand l'Esprit Saint descend en nous à l'image de la manière dont il demeurait sur Jésus dans le baptême au Jourdain - " Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer... c'est Lui, c'est Lui, l'élu de Dieu " - quand donc l'Esprit Saint descend sur nous, demeure en nous, trouve son repos en nous, lorsque nous-mêmes nous trouvons notre repos en Dieu, alors... l'ascèse n'est pas terminée. Je dirai même elle ne fait que commencer.
Parce qu'alors il faut apprendre et réapprendre à retenir constamment l'Esprit, à garder cet Esprit de paix, de joie, de silence intérieur, de prière... et combien souvent dans notre existence, nous sommes à peine sortis de l'Eglise, nous venons à peine de communier, que déjà nous retombons, déjà nous sommes pris, nous sommes saisis par le mouvement, par le tourbillon, nous sommes saisis par le rythme effréné de l'extérieur qui correspond aussi à notre propre rythme d'hommes pécheurs et d'hommes distraits, d'hommes dispersés.
Il faut donc apprendre et demander au Seigneur la grâce que ce que nous recevons dans la fête, dans la Pâque, dans la Pentecôte, dans le Dimanche, dans la communion eucharistique, dans cette rencontre chaque fois unique et renouvelée avec le Seigneur, avec la divine Trinité, eh bien que ce soit un " trésor sans prix " que nous gardions dans notre cœur. Que nous le gardions sous forme de délicatesse, sous forme de miséricorde, sous forme de vigilance, sous forme de désir de progrès spirituel, de désir de prière, sous forme d'ouverture à nos frères surtout.
Sachons que cette église qui est pour le moment un enclos aux portes fermées, va s'ouvrir et chacun de nous la quittera. Chacun de nous, rentrant dans son quotidien, dans cette vie banale et ordinaire de notre famille, de notre profession, nous devons porter, garder 'l'Esprit Saint. C'est à dire porter l'Eglise entière en nous, comme un joyau, comme un trésor sans prix. Amen.

Père Boris BOBRINSKOY Professeur à l'Institut de Théologie Orthodoxe Saint Serge à Paris

" Toute grâce vient du Saint-Esprit... "
(Stichères des Vêpres de la Pentecôte).

" Celui qui croit en moi, dit le Seigneur, deviendra une source intarissable. De son sein s'écouleront des fleuves d'eau vive " (cf. Jn 7, 38) qui le vivifieront et qui ressusciteront tous ceux qui l'entourent. Ces mots résonnent à la Pentecôte avec une force extraordinaire. Ainsi que le précise encore Jean l'Evangéliste, il est question de l'Esprit Saint : " le Seigneur dit cela de l'Esprit que recevront ceux qui croient en Lui " ( Jn 7, 39).
L'image de l'eau utilisée dans ce texte est remarquable. Elle sied si bien à l'événement que relate la fête.
Imaginons un bref instant le Christ s'adressant aux Juifs sur les rives du Jourdain. Faire mention de l'eau revêt alors toute son ampleur.

Qu'adviendrait-il en effet si soudainement ce grand fleuve venait à se tarir ?... Tout simplement plus de vie. Plus de vie ni pour les hommes, ni pour les animaux, ni pour les plantes ! Et de même imaginons nos propres existences sans la présence de l'Esprit Saint... Plus d'eau vive en nous. Et que resterait-il, en fin de compte, de nos êtres sans l'immense fraîcheur de sainteté que son souffle dépose en nous chaque jour de notre vie ? N'est-ce pas cela que clame le prophète Joël lorsqu'il annonce : " après la venue du Seigneur, dit Yahvé, je verserai de mon propre Esprit dans chaque existence humaine " ?

Et voilà que nous sommes à la Pentecôte entièrement plongés dans cet événement : l'Esprit Saint, tel un torrent fougueux se déverse dans nos cœurs pour les remplir jusqu'à ras bord.

Dans le livre des Actes ( 2/2,4 ) l'Apôtre Luc nous en donne la description et nous comprenons qu'il ne s'agit pas pour nous d'une action extérieure. L'Esprit Saint n'est pas descendu sur les Apôtres pour simplement se placer à côté d'eux ou pour les seconder en tant que simple conseiller. Agissant au contraire avec tout pouvoir et toute autorité, Il les saisit de l'intérieur ; Il plante sa tente en eux ; Il comble de plénitude tout leur être. Depuis la Pentecôte les hommes se sont intimement unis au divin Paraclet et Lui s'est intimement uni à tous les hommes, quand bien même ils ne le savent pas : " Ne voyez-vous pas, dit St Paul ( 1Cor. 3, 10 ), que vous êtes le Temple de Dieu et que l'Esprit de Dieu habite en vous ? " Il est a tel point installé en nous qu'Il se laisse saisir par nous pour devenir notre bien le plus précieux, Lui notre unique Consolateur et notre seule Force !

" Il vient, écrit St Cyrille de Jérusalem, pour nous sauver et nous guérir. Il vient pour nous enseigner la Vérité. Il vient pour parfaire notre éducation, nous fortifier, nous consoler. Il vient pour nous illuminer. "

Alors toute notre vie devient nouvelle et clé pour notre entrée dans la réalité du Royaume. Alors, Il nous saisit avec un tel tremblement qu'Il ouvre en nous, avec les larmes de la componction qui se déversent dans nos cœurs, les vannes de la grande miséricorde de Dieu. Et quand cela est consommé, Il nous oriente vers le divin Sauveur pour nous faire voir l'éclat de Sa beauté et nous introduire dans la grande joie de Sa résurrection.

Lui qui est Dieu nous divinise.

Lui qui est Dieu nous rend participable, à sa propre vie sans qu'en retour Il n'ait besoin de nous.

Lui qui est Dieu nous sanctifie sans qu'il n'ait besoin que nous Le sanctifiions.

Lui qui est Dieu ne cesse de nous manifester sa tendresse en accueillant toutes nos demandes.

Mais revenons à l'image de l'eau vive.

Sans elle, C'est-à-dire sans Lui, que serait notre jardin intérieur et quel bénéficie en retirerait son jardinier ? Sans eau, nous le savons, point de fruits. Autrement dit, point de sainteté sans le Saint Esprit. Plus encore, ce fleuve ininterrompu ne se perd pas dans les méandres de nos propres existences ; la distribution de l'eau vive ne se fait pas dans le désordre. Point de place pour le chaos en l'Esprit Saint. Et cela, aucune parole humaine ne peut le décrire. La seule écriture possible, c'est celle du visage des Saints.
Parce que les traits du visage des Saints sont l'œuvre de Sa force et de Sa lumière. Pour cette raison, même si les siècles se succèdent les uns après les autres, la sainteté des Saints, elle, ne perd rien de son éclat.

Aucune raison humaine ne peut expliquer comment les Apôtres, de simples pêcheurs qu'ils étaient, sont devenus des pêcheurs d'hommes. Aucune raison humaine ne peut expliquer l'engagement des Martyrs qui confondaient leur propre respiration avec celle de l'Esprit Saint. Aucune raison humaine ne peut expliquer comment les Saints deviennent des vases tellement remplis de Son eau vive qu'elle ne cesse d'arroser toute la création, emportant sur son passage, tel un torrent, toutes nos faiblesses et toutes nos maladies de l'âme pour faire de nous des hommes entièrement nouveaux. Vraiment, aucune raison humaine ne peut expliquer cela.
Depuis la Pentecôte, l'Esprit-Saint a pris possession de toute l'Eglise. Accueillons-le avec empressement. Disons-lui avec confiance " Roi céleste, nous sommes ta demeure. Ne nous abandonne pas mais par le Fils ramène-nous au Père. Sauve nos âmes, Toi qui es bonté. "

Monseigneur Stephanos métropolite de Tallinn et de toute l'Estonie

LA VIE SPIRITUELLE

Le fondement de notre vie dans le Christ est le baptême. Quand nous recevons ce sacrement, nous obtenons la grâce du Saint-Esprit. Elle répand en nous une lumière et une force intérieures qui nous rendent capables de rompre avec le mal, de repousser les tentations de l'égoïsme, de l'esprit de jouissance et de domination. C'est en ce sens que le baptême nous fait mourir au péché et ressusciter avec le Christ pour une vie nouvelle.
Mais le baptême ne nous communique pas cette vie nouvelle dans son état achevé, dans sa pleine maturité. Il nous en donne seulement le germe, et cette semence déposée dans nos cœurs ne peut croître et se développer que si nous y apportons librement notre concours.
Le baptême laisse subsister en nous un attrait pour les plaisirs et les satisfactions égoïstes. Il faut donc que, en écoutant la Parole de Dieu telle qu'elle nous est transmise dans l'Eglise et en suppliant dans la prière le Seigneur de nous venir en aide, nous fassions violence à nos tendances mauvaises pour obéir à ce que Dieu nous demande, même si nous n'en ressentons ni le goût, ni l'envie.
En effet, à ce stade de la vie spirituelle, nous ne pouvons pas encore avoir conscience de cette vie nouvelle qui nous habite, nous ne pouvons pas encore éprouver d'une façon sensible le goût du bien, l'attrait pour les choses d'en haut. L'éveil de cette " sensibilité spirituelle " est un don que Dieu n'accorde ordinairement qu'à ceux qui ont longuement mené le " combat invisible ". En attendant, seule la foi en la Parole de Dieu nous permet de connaître avec certitude ce qui est bien et ce qui est mal, et la grâce nous vient en aide d'une façon réelle, mais que nous ne " sentons " pas.
Nous ne sommes d'ailleurs pas laissés à nous-mêmes dans notre compréhension de la Parole de Dieu. Ce n'est pas en effet ce que nous comprenons par nous-mêmes, ce que nous ressentons, ce qui nous convient ou nous semble bon, ce avec quoi nous nous sentons à l'aise, qui est nécessairement vrai et bien. La vérité ne se révèle qu'à ceux qui sont unis dans l'amour, à ceux qui n'ont ensemble qu'un seul cœur et un seul esprit dans le Christ. En d'autres termes, c'est l'Eglise seule qui peut comprendre la Parole de son Seigneur, dans la lumière de l'Esprit-Saint. Lorsque tous les chrétiens, pendant des siècles et dans les lieux les plus divers, ont compris la Parole de Dieu d'une certaine façon et en ont interprété les exigences d'une manière déterminée, cette unanimité est le signe que l'Esprit-Saint est à l'œuvre, que cette compréhension de la Parole donnée à l'Eglise vient de lui. S'en écarter pour suivre son opinion propre, ou celle d'un groupe particulier, serait pécher contre l'amour, ce serait ce qu'on a appelé un " fratricide spirituel ".
Ne croyons pas qu'il puisse y avoir, au sein du peuple de Dieu, une " évolution des mœurs " qui rendrait dépassé et périmé ce qui a été tenu " par tous, toujours et partout " dans l'Eglise. Quand il s'agit de points aussi fondamentaux que, par exemple, la nécessité de la prière, le sens du jeûne, la conception chrétienne du mariage et de la vie sexuelle, le respect absolu et l'amour de toute personne humaine, impliquant le refus de l'avortement, de l'euthanasie, du racisme, il y a simplement des comportements qui sont chrétiens, et des comportements qui ne le sont pas, même s'ils sont devenus ceux d'un plus ou moins grand nombre de gens qui se disent ou se croient chrétiens. Le christianisme ne connaît ni interdits ni " tabous " arbitraires ; mais il y a une manière de vivre qui correspond au germe de vie divine reçu au baptême, qui en procède et l'aide à se développer, et une manière de vivre qui le tue.
Le chrétien, certes, reste un pécheur. Mais au péché, il existe un remède : le repentir. Si nous reconnaissons notre péché, si nous le regrettons du fond du coeur, si nous implorons le pardon divin, si nous nous efforçons sincèrement de nous convertir, Dieu nous viendra en aide et nous pardonnera. Mais si nous essayons de nous justifier,, si nous appelons le mal " bien ", et le bien " mal ", nous nous fermons par là même au repentir, nous commettons le péché contre l'Esprit.
Dans l'Eglise, il n'y a pas de différence entre la " morale " et la " spiritualité ", il n'y a pas un minimum imposé à tous, et des exigences supérieures qui seraient le privilège d'une élite. C'est à tous que le Seigneur a dit : " Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ". Le plein développement de notre vie de fils de Dieu et de membres du Christ, commencée au baptême, est la loi de toute vie chrétienne. Ce n'est pas une loi qui s'imposerait de l'extérieur, un loi écrite sur des tables de pierre comme celle qui fut donnée à Moïse , c'est une loi inscrite dans nos cœurs par l'Esprit d'amour qui nous a été donné. Dans une certaine mesure, les moyens à mettre en oeuvre varient pour chacun, selon son état de vie et les conditions particulières qui sont les siennes; mais le but est le même pour tous : être transfigurés, par la puissance du Saint-Esprit, à l'image du Fils unique.

Archimandrite Placide DESEILLE

LA PENTECOTE PERSONNELLE
" CHRISTIFICATION " DES FIDELES

" Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ ", chantons-nous à chaque baptême, en citant Saint Paul dans son Epître aux Galates (3, 27). La vie chrétienne, ou plutôt, pour parler comme Saint Paul et comme Nicolas CAVASILAS (père de l'Eglise qui vivait au 14ème siècle), la vie en Christ ne consiste pas seulement à mettre en pratique les commandements de Dieu : ceci est demandé à un Juif et à un Musulman autant qu'à un Chrétien.
Il s'agit, en outre, il s'agit surtout, comme nous le rappelle St Paul dans l'Epitre aux Romains (6, 5), de devenir " une même plante ", "symphytoï " avec le Christ afin qu'Il demeure en nous et nous en Lui (Jean 6, 5 et 17, 23). " Je suis le cep, vous êtes les sarments " a dit le Christ Lui-même à ses disciples (Jean 15,5).
Cette intégration du chrétien au Corps du Christ se réalise par l'onction du Saint Esprit : " Vous possédez une onction (en grec " chrisma ") reçue du Saint (1, Jn 11, 20) ; " Celui qui nous affermit avec vous en Christ et qui nous donne l'onction (chrisma), c'est Dieu ". (2Cor. 1, 21)
Le mot grec " chrisma ", employé tant par Saint jean que par Saint Paul, renvoie aussitôt à " Christos " (en grec, " oint ") et nous rappelle que l'onction du Saint Esprit, le don du Saint Esprit, le don de Pentecôte nous intègre au Christ, nous unit au Christ, sur qui, en qui, repose l'onction du Saint Esprit, onction qui fait de Lui le " Oint " (" l'Esprit de Dieu est sur moi. Il m'a oint " - Il m'a fait Christ - " pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres " (Is. 61, 2). Le Christ fait don de cette même onction, de cette " chrismation " à ses disciples pour faire d'eux des " christoi ", des " oints ", des christs, des Chrétiens. C'est ce don que chacun de nous a commencé à recevoir en remontant des eaux du baptême lorsqu'il reçût le " sceau du don du Saint Esprit " dont nous avons été scellés par le Saint Chrême, par l'onction, par notre " chrismation ". Cette chrismation a donc marqué le début de notre Pentecôte personnelle, c'est-à-dire l'actualisation pour chacun de nous, la réception par chacun de nous aujourd'hui, du don fait à l'Eglise toute entière le jour de la Pentecôte.
Ce don, nous l'entretenons et le ranimons par la soif et l'espérance de toute une vie tendue vers cette " acquisition du Saint Esprit " qui, Saint Séraphin de Sarov nous le rappelle, en est le but même et lui donne tout son sens.
Nous l'entretenons et le ranimons en Eglise, chaque fois que nous participons sincèrement à la Divine Liturgie, chaque fois que nous communiant aux Saints Mystères, avec " crainte de Dieu, foi et amour ".
C'est, en effet, par la communion eucharistique que nous entrons en Christ et Lui en nous : " celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en Moi. et Moi en lui " (Jn 6, 56). Et c'est l'œuvre de l'Esprit qui change le pain et le vin en Corps et Sang du Christ afin de changer chacun de nous qui, en communiant, devient membre de ce même corps.
C'est ainsi que le Saint Esprit, en nous unissant corps et âme à Celui qui est " l'image du Dieu invisible " (Co. 1, 15), " le resplendissement de Sa gloire et l'empreinte de Sa substance " (Hb. 1, 3) rend de plus en plus brillante l'image de Dieu en chacun de nous, de sorte que " nous soyons transfigurés de gloire en gloire en cette même Image par le Seigneur qui est Esprit " (2Co. 3, 18), " jusqu'à ce que nous parvenions tous ensemble à l'unité dans la foi et dans la connaissance du Fils de Dieu, à l'état d'adultes, à la taille du Christ dans sa plénitude " (Ep 4, 13).
Croître en Christ, Image parfaite de Dieu, pour réaliser pleinement cette ressemblance selon laquelle nous avons été créés, tel est le but de la vie que nous pourrons atteindre dans la mesure où nous supplions sans cesse le Père d'insuffler en nous Son souffle, Son Saint Esprit, pour projeter en nous l'Image du Fils, nous rendre ainsi de plus en plus semblable à notre Divin modèle et ainsi " nous unir à la Divine Beauté " (kondakion du Dimanche de l'Orthodoxie), bref nous Christifier.

Père CYRILLE

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