Cette
fête a pris au 2è siècle en grec
le nom de Pentecôte, ce qui signifie cinquante.
Elle célèbre la Descente de l'Esprit
Saint sur les apôtres réunis en prière
dans la chambre haute (Actes 2 : 1-41), survenue le
jour de la fête juive des Semaines qui a lieu
cinquante jours après la Pâque en remerciement
pour la moisson ( Nombres 28 : 26 et Exode 23 : 16).
Comme en témoignent les Actes des Apôtres,
la descente de l'Esprit Saint sur les apôtres
est une irruption puissante : " Et comme s'écoulait
le jour de la Pentecôte, ils étaient
tous réunis ensemble. Et tout-à-coup,
vint du ciel un bruit comme d'un violent coup de vent,
qui remplit toute la maison où ils étaient
assis. Et ils virent apparaître des langues
comme de feu, qui se partageaient, et il s'en posa
une sur chacun d'entre eux. Et tous furent remplis
de l'Esprit Saint, et ils se mirent à parler
en d'autres langues, selon ce que l'Esprit leur donnait
de prononcer, " (Actes 2 : 1-4).
Le schéma de l'icône de la Pentecôte,
représenté ci-dessus d'après
l'icône prototype du 17è siècle,
sur l'iconostase du Monastère Stavronikita
au Mont Athos, illustre cette venue des langues de
feu sur les douze apôtres qui symbolisent l'Eglise.
Le cadre de la fête est la maison où
se tenaient les apôtres à cet instant.
Ils sont assis sur un exèdre, un banc de bois
à haut dossier, en forme de demi-cercle, déjà
utilisé dans l'antiquité pour les enseignements
dans les écoles de philosophie. Mais ici, la
place du Maître reste vide.
De chaque côté du creux central, sont
assis en deux groupes les douze apôtre :
En haut, les apôtres Pierre bénissant
et Paul tenant le livre de ses écrits.
Puis les quatre évangélistes tenant
le saint Livre : Matthieu et Lue à la droite,
Jean et Marc à la gauche.
Puis, en allant vers nous : à la droite : les
apôtres Simon, Barthélémy et Philippe
ou Jude ; et à la gauche : André, Jacques
et Thomas.
Tous ceux qui ne tiennent pas l'Evangile tiennent
le rouleau, symbolisant ce qui est écrit pour
eux dans la loi et les prophètes.(1)
En bas au centre de l'exèdre s'ouvre une cavité
noire, où se dresse en buste le prophète
Joël portant les douze rouleaux, car il prophétisa
la descente de l'Esprit Saint. (2)
Remarquons qu'il est légèrement plus
grand que les apôtres. Dans certaines icônes,
c'est un empereur, représentant de l'oecouménè,
c'est à dire du monde chrétien. Ce personnage
suggère donc l'imminence de la formation de
l'Eglise
Sur les apôtres ainsi assemblés, l'irruption
soudaine de l'Esprit se manifeste iconographiquement
de trois façons :
1 . Des cieux figurés par l'arc-de-cercle gris
bleu en haut de l'icône sortent douze canaux
conduisant des langues de feu qui viennent se poser
au-dessus de la tête de chacun des apôtres.
Remarquons que dans notre icône, les apôtres
ne sont pas auréolés. Dans beaucoup
d'icônes russes (3),
ils le sont, et la langue de feu vient jusque dans
l'auréole.
2. Un voile rouge est artistiquement pendu sur le
haut du bâtiment où se trouvaient les
apôtres, et qu'on figure, comme toujours, de
l'extérieur pour montrer que le bâtiment
n'enferme pas
3. Les apôtres manifestent une parfaite unité
et un grand dynamisme. Par la perspective inversée,
ils nous apparaissent tous égaux : on a en
effet représenté légèrement
plus grands ceux qui sont en haut, que ceux qui sont
proches de nous. Donc ce qui est loin vient vers nous
et ce qui est proche s'efface légèrement.
Les apôtres sont à la fois avec nous,
car ce demi-cercle s'ouvre vers nous, et en Dieu qui
est au-delà de tout.(4)
Enfin, mais cela peut se dire de chaque icône,
tous les éléments représentés
resplendissent de la lumière incréée
des énergies divines. L'exèdre, particulièrement
fait l'objet d'un fin travail de lumières d'or
(assist). Cet exèdre est pour nous le signe
que l'Eglise qui naît à cet instant de
l'Esprit Saint, est parfaitement unie.
Quand un seul apôtre, Pierre, prit la parole
et s'adressa à tous les habitants de Jérusalem
qui entouraient les apôtres, les soixante-dix
et sans doute la Mère de Dieu, il ne parlait
pas de lui-même, mais selon ce que lui inspirait
l'Esprit. Notons que la Mère de Dieu n'est
pas représentée, bien que les Actes
signalent sa présence dans les réunions
de prière des apôtres (Actes 1 : 14).
En effet, elle est celle qui a enfanté le Verbe
dans le silence (5).
Ce jour-là furent baptisées " environ
trois mille âmes " (Actes 2 : 41).
Après la Pentecôte, " les apôtres
parcouraient la terre et parlaient au peuple du Seigneur
et du Royaume des Cieux, mais leurs âmes languissaient
et aspiraient à voir le Seigneur. Aussi ne
craignaient-ils pas la mort, mais allaient avec joie
à sa rencontre ; et s'ils désiraient
vivre sur terre, c'était uniquement par amour
pour Ies hommes. " (Starets Silouane, 20è
s.)
(1)
Une icône de la fin du XV' s., conservée
à l'Office Archéologique de l'Académie
Ecclésiastique de Moscou, reproduit le prototype
grec. Mais, dans beaucoup d'icônes russes du 16è
s. et après, chaque apôtre bénit
de la main droite, montrant qu'il a reçu la force
du Saint Esprit qui repose en Christ de toute éternité.
C'est le cas par exemple d'une icône de l'école
de Moscou du 16è siècle, d'une icône
du Père Grégoire Krug du 20è siècle.
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(2)
" Il adviendra, après cela que je répandrai
mon esprit sur toute chair, vos fils et vos filles prophétiseront,
vos vieillards songeront des songes, vos jeunes gens
auront des visions ; et même sur les esclaves
- hommes et femmes - en ces jours-là, je répandrai
mon esprit. J'opérerai des prodiges dans le ciel
et sur la terre : du sang, du feu des colonnes de fumée,
le soleil se changera en ténèbres et la
lune en sang, avant que vienne le jour de l'Eternel,
le grand et terrible [jour] ; et alors quiconque invoquera
le nom de l'Eternel sera sauvé..." ( Joël
3 : 1-5 cité par St Pierre dans Actes 2 : 17-2
1). Retour au texte
(3)
L'icône russe, école de Moscou 16è
s., citée précédemment. En Bulgarie,
au 14è s., on l'a remplacé par le Patriarche
du moment, Ephrem 3, dans l'église Saint Dimitrios
de Pecs. Après le 12è s., on a parfois
représenté dans cette cavité les
peuples évangélisés, comme à
Hosios Loukas en Grèce ou à la Basilique
Saint Marc à Venise. Très rarement, on
en a fait une allégorie du cosmos.
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(4)
Parfois, par exemple pour l'apôtre Thomas dans
notre icône prototype, un apôtre soulève
son pied, comme Jésus Christ dans l'icône
de la mi-Pentecôte. Retour
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(5)
Cependant, il y eut de nombreux essais en Russie après
son autonomie religieuse vis-à-vis de Constantinople,
introduisant la Mère de Dieu au centre de l'icône.
Le moine Krug s'est élevé à juste
titre contre cette disposition. On pourrait lire le
jour de la Pentecôte cette belle homélie
de Saint Jean Chrysostome : " Non, aujourd'hui
il n'est plus besoin de mère, ni d'enfantement
, de sommeil, de mariage ni d'étreinte : l'ouvrage
de notre nature s'opère dans le ciel et se forme
de l'eau et de l'esprit : c'est l'eau qui conçoit
et qui produit l'enfant. Ce que le sein de la mère
est pour l'embryon, l'eau l'est pour le fidèle,
il est conçu et enfanté par I*eau. "
(Co. Jo. Hom. 10 PG 220). Retour
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