L'Eglise
Orthodoxe use abondamment des symboles. Ce sont des
signes ou des objets capables de manifester Dieu aux
hommes, et qui nous conduisent, par-delà leur
apparence matérielle, à l'union et à
la connaissance authentique des réalités
éternelles. Ainsi en est-il par exemple de la
Croix : pour les chrétiens elle est le symbole
central, non seulement parce qu'elle est l'instrument
du salut opéré par le Christ, mais aussi
parce qu'elle témoigne de la vocation des disciples
du Christ : " Celui qui veut venir à ma
suite, qu'il se renie lui-même, qu'il prenne sa
croix et qu'il me suive " (Mc 8,34 ). D'où
le signe de la Croix que les chrétiens orthodoxes
font sur eux-mêmes : réunissant le pouce,
l'index et le médius de la main droite en signe
de la Sainte Trinité, ils se signent du front
vers la poitrine et de l'épaule droite vers l'épaule
gauche (au lieu de la manière latine). Ce symbole
unique résume et récapitule toute notre
vie chrétienne.
Le symbole est donc une réalité dans le
monde visible, qui correspond à une autre réalité,
parfois visible elle aussi, parfois invisible mais au
delà de ce qui est représenté.
Le symbole est un signe qui pointe vers cette vérité
originelle plus vaste, dont le sens est inépuisable,
et avec laquelle il est mystérieusement relié.
Le symbole n'est jamais déchiffré une
fois pour toutes. On peut ainsi méditer sans
fin sur ses significations possibles et par lui se laisser
guider sur la voie qui reconduit au symbolisé,
c'est-à-dire à son origine vraie. Le symbole
est une réalité vivante qui nous transforme.
Il est de ce fait, dit le P. Thomas Hopko, " un
mode de révélation et de communion qui
transcende la simple communication verbale ou intellectuelle.
La mort du symbole survient lorsqu'on se met à
l'inventer de toute pièce, à l'expliquer
en termes rationnels ou à le réduire à
une banale illustration dont le sens n'est plus immédiatement
saisi dans l'expérience spirituelle vivante de
l'homme. "
Les symboles ont surtout commencé à être
utilisés pendant les persécutions des
premiers siècles : ne pouvant pas s'exprimer
librement, les chrétiens d'alors utilisèrent
des signes pour rester en contact entre eux et se reconnaître.
Plusieurs de ces symboles sont aujourd'hui utilisés
dans les arts ecclésiastiques tels l'iconographie,
la sculpture sur bois, les vases sacrés, les
ornements sacerdotaux, les éditions de livres
religieux, l'ornementation des iconostases...
Nous vous en proposons ici quelques-uns :
L'Alpha
et l'Omega
Ces deux lettres de l'alphabet grec se réfèrent
au livre de l'Apocalypse de Saint Jean 11, 8. Ils signifient
le commencement et la fin, le premier et le dernier,
qui sont Dieu et le Christ. Autrement dit, ils traduisent
la divinité et l'éternité du Seigneur.
Ces lettres sont tantôt écrites séparément
et tantôt entrelacées ou composées
avec les lettres grecques X et P (= Christ ) ou encore
avec la Croix.
L'Ancre
Elle symbolise la sécurité, l'espérance
et le salut des membres de l'Eglise, qui croient en
Christ et à son oeuvre salvatrice. Cette signification
nous est donnée dans l'épître aux
Hébreux (6, 19). L'ancre est représentée
tantôt seule tantôt mêlée à
d'autres compositions.
L'Agneau
Ce mot et cette représentation revêtent
une signification messianique. Il symbolise Jésus-Christ,
qui est l'agneau de Dieu et qui s'offre en sacrifice
pour la libération et le salut de l'homme. Il
nous a paru utile et nécessaire de nous étendre
d'avantage sur ce symbole et c'est pourquoi nous reproduisons
ici ce que nous enseigne le livre de catéchèse
Dieu est vivant (Ed. du Cerf, 1987, pp. 181-184) sur
la signification de l'Agneau dans la tradition biblique.
La
Fête de la Pâque
Quand vos fils vous demanderont que signifie pour vous
ce rite ? vous leur répondrez : c'est le sacrifice
de la PÂQUE, en l'honneur du Seigneur, qui a passé
devant les maisons des Fils d'Israël, en Egypte,
lorsqu'il a frappé l'Egypte, tandis qu'il épargnait
nos maisons (Exode 12, 26-27).
De génération en génération,
les pères vont transmettre à leurs fils
le sens de cette fête. L'Agneau pascal ne doit
pas être un sacrifice vain dont on a oublié
la signification. Depuis la nuit des temps, à
travers la Loi transmise par Dieu à Moïse,
et de Moïse à son peuple (Deutéronome
6, 20-25), le symbole de l'Agneau sera gardé
avec vénération et restera toujours présent
à la mémoire d'Israël. L'Agneau sans
tache rappelle aux Hébreux que leurs premiers-nés
ont été sauvés de la mort et que
le peuple tout entier a été libéré
de la servitude et des travaux forcés pour marcher
vers la Terre promise...
A la fête de la Pâque, célébrée
selon les préceptes de la Loi, le plus jeune
de chaque famille pose, depuis l'époque de Moïse,
la question suivante : " Pourquoi cette nuit est-elle
différente des autres nuits ?" Alors le
plus ancien de la communauté, autour de l'Agneau
immolé (la Pâque dans la Tradition de l'ancien
Israël était célébrée
autour de l'Agneau immolé selon les préceptes
de Moïse jusqu'à la destruction du Temple
de Jérusalem, destruction que le Seigneur comparera
à la mort de son Corps) évoque l'exode
du peuple juif, le grand départ dans la nuit,
sous la conduite du Seigneur Dieu lui-même manifesté
dans la Nuée ou la Colonne de feu. L'ancien fait
surgir de la nuit des temps, devant l'enfant émerveillé,
l'image de Moïse brandissant son bâton sur
la Mer Rouge, les flots fendus en deux et le Grand Passage
(Pesah = Pâque) d'Israël à pied sec
à travers les hautes murailles d'eau. Puis la
Main toute-puissante de Dieu délivre à
tout jamais les juifs de leurs oppresseurs égyptiens
car les trombes d'eau se referment et recouvrent Pharaon,
ses chars et ses cavaliers.
Isaïe
et l'Agneau pascal
" Nous l'avons entendu et connu, nos pères
nous l'ont raconte, nous ne le tairons pas à
leurs enfants, nous le raconterons à la génération
qui vient " (Psaume 77, (78) 3-4).
Le prophète Isaïe a reçu, comme tout
juif, l'Agneau pascal en héritage par le récit
de ses pères ; lorsqu'il décrira les affres
du Serviteur souffrant, humilié, outragé,
homme de douleur qui ne résiste pas au mal, qui
tend son dos aux coups et reçoit soufflets et
crachats sans détourner la face (Isaïe 50,
4-9), Isaïe fera coïncider ce sacrifice volontaire
et expiatoire du Messie ou Christ à venir (Isaïe
53, 4-5) avec l'Agneau immolé de la tradition
mosaïque. En effet, le quatrième chant du
Serviteur de Dieu se termine sur la mise à mort
de l'Agneau innocent :
" Comme un Agneau conduit à la boucherie,
comme devant les tondeurs une brebis muette et n'ouvrant
pas la bouche, par coercition et jugement il a été
saisi, qui se préoccupe de sa cause ? Oui ! Il
a été retranché de la terre des
vivants ; pour nos péchés, il a été
frappé à mort. On lui a dévolu
sa sépulture au milieu des impies et son tombeau
avec les riches alors qu'il n'a jamais fait de tort,
ni sa bouche proféré de mensonge !...
Il s'est livré lui-même à la mort
et a été compté parmi les pécheurs
alors qu'il supportait les fautes des multitudes et
qu'il intercédait pour les pécheurs "
(Isaïe 53, 7-9, 12.)
Jean-Baptiste
et l'Agneau pascal
L'image de l'Agneau rédempteur, transmise de
père en fils, de bouche à oreille, éclaira
le prophète du Très Haut, Jean le Baptiste
qui s'écria, sur les bords du Jourdain, à
la vue d'un homme de modeste apparence : " Voici
l'Agneau de Dieu qui ôte les péchés
du monde" (Jean 1, 29) désignant ainsi Jésus
comme le Serviteur souffrant d'Isaïe qui serait
livré à la mort en supportant les fautes
des multitudes.
Jean
l'Evangéliste et l'Agneau pascal
Le Serviteur souffrant " transpercé à
cause de nos péchés" (Isaïe
53, 5) Agneau immolé, sera présent à
la mémoire de l'autre Jean, l'Apôtre, l'Evangéliste,
le disciple bien-aimé témoin de la plus
grande injustice de tous les temps. Il se souviendra
que l'Agneau sans tache ne devait avoir, selon les préceptes
de Moïse, aucun os brisé et s'émerveillera
de ce que le soldat chargé d'achever les crucifiés
en leur brisant les os des jambes préférera,
arrivé devant Jésus, percer son côté
d'un coup de lance (Jean 19, 33-37).
C'est ainsi que la tradition du peuple de Dieu transmet
de l'Ancienne à la Nouvelle Alliance le même
symbole : le sang de l'Agneau dont les Hébreux
badigeonnaient les linteaux de leurs portes devient
le sang de la Nouvelle Alliance, le sang du Crucifié-Ressuscité.
Le symbole de l'Agneau n'a pas fini et ne finira jamais
de se dessiner jusque dans les siècles des siècles,
jusque dans l'éternité du monde à
venir... Il nous est en effet révélé,
par l'Apocalypse, qu'après la fin du monde, les
justes contempleront et acclameront l'Agneau égorgé
sur le Trône de Dieu : " Heureux les invités
au festin de noces de l'Agneau" (Apocalypse 19,
9) s'écrie un ange d'une voix forte à
saint Jean en contemplation. Qui sont ces invités
? Qu'est-ce que le festin de noces de l'Agneau ? Soyons
attentifs ! Ne laissons pas échapper l'héritage
qui nous vient de Moïse, éclairé
par Isaïe, désigné par Jean-Baptiste,
l'ami de l'Epoux, reconnu au coup de lance par Jean
l'Evangéliste : cherchons l'Agneau de Dieu et
courons à son festin de noces ; notre "
Pâque incorruptible " est préparée
pour nous, purifions-nous pour y communier (le morceau
de pain prélevé du pain d'offrande (prosphore)
et posé sur la patène (diskos en grec)
s'appelle l'Agneau dans notre liturgie. Lorsque le prêtre
découpe cette parcelle pour l'offrande eucharistique
(durant la prothèse), il récite les versets
d'Isaïe " comme un Agneau conduit à
la boucherie... " Isaie 53 ,7) comme nous y exhorte
saint Paul : " purifiez-vous du vieux levain pour
être une pâte nouvelle, puisque vous êtes
des azymes. Car notre Pâque, le Christ, a été
immolée. Célébrons donc la fête,
non pas avec du vieux levain, ni un levain de malice
et de perversité, mais avec des azymes de pureté
et de vérité" (1 Corinthiens 5, 7-8).
La
vigne
Elle symbolise d'abord le Seigneur qui est la Vigne
et ensuite les membres de son Eglise, qui en sont les
sarments. Elle nous rappelle aussi le mystère
de la Divine Communion.
L'aigle
bicéphale
Dans l'art ecclésiastique et ornemental on en
fait grand cas. Ceci apparaît clairement à
partir du 12ème siècle. Cet oiseau a été
utilisé par beaucoup d'empereurs byzantins et
des hautes personnalités particulièrement
durant les années de la " turcocratie ".
L'aigle bicéphale était l'emblème
de beaucoup d'empereurs. Aujourd'hui il est celui de
nos Patriarches, de nos Evêques et de certains
Dignitaires.
Le
Poisson
Durant les premiers siècles, surtout durant les
persécutions, les chrétiens utilisaient
le mot grec ou le représentaient sous forme de
poisson. De ces deux manières ils symbolisaient
le Christ. Car chacune des lettres qui compose ce mot
en grec donne, en acrostiche, le nom et le titre du
Christ, c'est-à-dire " Jésus (I)
Christ (X) de Dieu (T) le Fils (Y) Sauveur (S) ",
soit IXTYS. Lorsque l'on représente deux poissons
avec des pains, cela nous rappelle le miracle de la
multiplication des pains (Mt, 14,19) mais aussi la Divine
Communion qui spirituellement nourrit les fidèles.
Le
Crâne
Dans l'iconographie, sous la croix du Christ, dans une
petite caverne, apparais souvent un crâne. Il
représente celui d'Adam, qui fut transféré
de Mésopotamie au Golgotha, le lieu étant
appelé par la suite " lieu du Crâne
". Lorsque le Christ fut crucifié sur ce
mont, le sang qui fut versé sur la terre lava
de ce fait le péché originel des premiers
parents.
Le
Paon
La représentation de cet oiseau est plutôt
héritée des anciens Grecs. A l'époque
paléochrétienne elle fut utilisée
avec un sens symbolique. Avec les byzantins ce fut dans
un but exclusivement ornemental. Toutefois le paon symbolise
l'immortalité de l'âme, la résurrection
(sans doute parce que son plumage se renouvelle au printemps
et que son corps ne se putréfie pas), la Divine
Grâce qui descend sur le baptisé et le
fait renaître, l'incorruptibilité de l'âme,
le fidèle qui communie au corps et au sang du
Christ.
La
colombe
Ce symbole fait partie des plus anciens et des plus
aimés du Christianisme. En premier lieu elle
symbolise l'Esprit Saint. Mais encore la paix (lorsqu'elle
tient dans son bec un rameau d'olivier), l'âme
qui a trouvé sa justification devant le Seigneur
(lorsqu'elle tient une branche de laurier ou une couronne),
la participation des fidèles à la Divine
Communion (lorsqu'une ou plusieurs colombes se désaltèrent
dans une fontaine ).
Le
bon Pasteur
Cette représentation provient des paroles que
le Christ a Lui-même prononcées : "
je suis le bon Pasteur " Jn 15,11).
Il convient aussi de se souvenir ici de la parabole
de la brebis perdue que le berger, après l'avoir
retrouvée, porta sur ses épaules. Ainsi
ce symbole représente le Seigneur qui, tel un
bon berger, n'aura de cesse que lorsqu'il aura sauvé
l'homme pécheur.
La
Croix du Christ
Nous en avons touché un mot déjà
au début de cet article. Rappelons encore une
fois qu'Elle préfigure le sacrifice et la résurrection
de Notre Seigneur. La Croix est représentée
de multiples façons et sous diverses formes,
simples ou complexes.
L'utilisation
de la lumière (cierges, lampes à
huiles, veilleuses...)
Le point de départ de cette utilisation est d'abord
pratique : donner de la lumière lors des offices
liturgiques. De là naquirent plusieurs sens symboliques,
comme, par exemple, la lumière qui jaillit de
l'Évangile, la chaleur de la foi, Dieu le Père
ou Jésus-Christ, qui a dit "Je suis la Lumière
du monde... "
L'encens
Conformément à la tradition biblique,
l'Eglise orthodoxe utilise l'encens (Exode 30, 8 ; Ps
140 (Septante) ; Lc 1, 9-10) comme symbole de la prière
qui monte vers Dieu et du parfum du Royaume. Il symbolise
aussi, pendant la prière du fidèle, la
propre élévation de sa pensée et
de son cur vers le ciel tout comme l'esprit de
sacrifice qui doit caractériser chaque chrétien.
Ajoutons ici que le pain, le vin, le blé, l'huile,
les fleurs et les fruits qui sont intégrés
dans nos célébrations sont à leur
manière des expressions de l'amour de Dieu, de
sa miséricorde et de sa bonté, manifestés
aux hommes dans sa Création.
La
nef
Le navire qui voyage sur la mer symbolise l'Eglise du
Christ, laquelle subit la fureur des vagues de l'athéisme,
du matérialisme, de ceux qui de diverses façons
la combattent. Mais ce navire qu'est l'Eglise ne coule
jamais et sans peur il maintient son cap jusqu'à
l'arrivée au bon port qui est le Royaume.
Le
cerf
Le cerf qui boit à la fontaine symbolise les
chrétiens qui sont issus de toutes les nations
et qui, assoiffés, accourent aux sources de la
vérité chrétienne.
Voici
donc brièvement décrit la plupart de nos
symboles chrétiens. Par cette approche, nous
avons tenté très modestement de faire
pressentir cette expérience fondamentale de notre
spiritualité : " Dieu est avec nous "
(Isaïe 8, 10 ; Mt 1, 23).
BIBLIOGRAPHIE
.-
ASPECTS DE L'ORTHODOXIE EN GRECE
Revue publiée avec le concours du Centre National
des Lettres, N°7
Articles utilisés : 1) S. E. le Métropolite
JEREMIE, SYMBOLIQUE et SYMBOLES, pp. 50-51. et 2) Dr
J. NOURRY : L'ESPACE INTERIEUR D'UNE EGLISE ORTHODOXE,
pp. 66-67.
.-
DIEU EST VIVANT,
réf. déjà citées plus haut.
.-
GEORGES VERGOTIS : LEXIQUE DES
TERMES LITURGIQUES ET DU TYPIKON (en
grec), Salonique 1991/ 2ème édition, p.
136
.-
Archimandrite GEORGES STEPHAS
: QUESTIONS LITURGIQUES ET DU RITUEL
(en grec), Ed. de la Ste Métropole de Stagon
et des Météores, Kalambaka 1993, pp. 59-62.