La
deuxième partie de la Liturgie est appelée
Liturgie des Fidèles. C'est pourquoi elle commence
par une invitation faite par le diacre, tourné
vers l'autel, à leur intention :
«Et nous, les fidèles,
encore et encore prions le Seigneur».
Les fidèles, qui représentent le peuple
des baptisés, sont appelés par la prière
commune à se préparer à l'offrande
eucharistique. Autrefois, les portes de l'église
restaient fermées, afin de signifier que l'Eglise
n'est plus de ce monde, étant le corps du Christ.
Cependant, si elle se sépare du monde, elle le
fait pour le monde afin d'apporter le sacrifice du Christ
« pour tous et pour tout
», comme nous l'explicitera la longue prière
de l'anaphore.
1)
PRIERES POUR LES FIDELES
La
Liturgie des Fidèles débute par deux prières
que prononce le prêtre. Elles sont précédées
chacune d'une courte ecténie dite par le diacre.
Dans la première prière, le prêtre
demande pour lui et pour les autres célébrants
la grâce de Dieu pour célébrer dignement
le Saint Sacrifice de l'Eucharistie. Dans la seconde,
il prie particulièrement pour les fidèles,
afin qu'ils soient jugés dignes de participer
aux Saints Mystères.
2)
LA GRANDE ENTREE
La
Grande Entrée est un des moments les plus solennels
de la Liturgie. Elle est marquée par un grand
encensement, la procession des offrandes et par le chant
des chérubins.
Actes
et prières des célébrants
Le prêtre commence par dire une prière
qui lui est tout spécialement destinée.
C'est la seule prière de toute la Liturgie que
le prêtre prononce à sa propre intention,
et non pour tous ceux qui composent l'assemblée
ecclésiale :
«Je Te supplie donc, Toi
seul es bon et bienveillant, abaisse ton regard sur
le pécheur et l'indigne serviteur que je suis,
purifie mon âme et mon cur de toute pensée
mauvaise et donne-moi la force, par la puissance de
ton Esprit-Saint, de me tenir revêtu de la grâce
du sacerdoce devant ta sainte table que voici, et de
consacrer ton Corps saint et sans tache, et ton Sang
précieux. Je viens à Toi inclinant la
tête et je Te supplie, ne détourne pas
de moi ta Face et ne me rejette pas du nombre de tes
enfants, mais rends-moi digne, tout pécheur et
indigne serviteur que je suis, de T'offrir ces dons».
Puis le prêtre s'adresse au Christ pour affirmer
que nos dons qui vont être portés vers
l'autel, sont une offrande effectuée par le Christ
Lui-même. Car, comme il est dit ensuite, «c'est
Toi qui offres et qui es offert, Toi qui reçois
et qui es distribué».
Nous pouvons offrir cette offrande parce que le Christ,
Lui-même, s'est offert en sacrifice une fois pour
toute, et que Son sacrifice contient tous les nôtres.
C'est parce que le prêtre est revêtu du
sacerdoce du Christ qu'il peut lui seul opérer
le sacrement de l'Eucharistie et manifester, non pas
sa séparation d'avec l'assemblée, mais
son unité avec elle. C'est pourquoi le prêtre
demande d'être secouru et d'être «revêtu
de la puissance de l'Esprit-Saint».
Le
grand gncensement
Après cette prière, et précédé
du diacre qui tient à la main un cierge allumé,
le prêtre fait le grand encensement de l'autel,
de tout le sanctuaire puis de toute l'église,
en récitant secrètement le psaume 50 et
les tropaires de pénitence.
Rentrés au sanctuaire et après avoir encensé
l'autel, les célébrants font trois métanies
devant l'autel en baisant celui-ci après la seconde.
Puis, se retournant vers les fidèles, ils s'inclinent
devant eux et se rendent à la prothèse.
Le prêtre enlève l'aër qui recouvre
le calice et la patène, et le met sur les épaules
du diacre. Celui-ci reçoit la patène des
mains du prêtre qui prend lui-même le calice.
La
procession
A présent commence la procession des dons qui
sont d'abord portés à travers l'église.
Les célébrants s'arrêtent au milieu
de la nef et se tournent vers le peuple. Le prêtre
demande au Seigneur qu'il se souvienne des Pasteurs
de l'Eglise, des gouvernants, des fondateurs du lieu
où se déroule la Liturgie, des défunts
et de tous les chrétiens orthodoxes.
Cette entrée solennelle accompagnée par
le porte-cierge et le second diacre qui encense les
saints dons pendant toute la procession, signifie, aussi,
notre propre mouvement de montée vers le Royaume
de Dieu.
Le
chant des Chérubins
Dès les prières et l'encensement qui précèdent
la procession d'entrée, le chur chante
l'hymne des Chérubins
«Nous, qui dans ce mystère
représentons les chérubins, et chantons
l'hymne trois fois sainte, à la vivifiante Trinité,
déposons maintenant, tous les soucis de ce monde».
«La prière de la petite entrée évoquait
l'entrée des anges unie à la notre. Dans
la grande entrée, nous faisons plus. Nous déclarons
que, mystérieusement, par une grâce divine,
nous sommes devenus les figures, les représentants
des anges.» (Un moine de l'Eglise d'Orient, L'offrande
liturgique, coll. Foi Vivante, éd. Cerf, 1988,
P31)
Avec eux nous glorifions la Sainte Trinité car
«voici que le Roi des rois et le Seigneur des
seigneurs, le Christ notre Dieu, s'avance pour être
sacrifié et donné en nourriture à
ses fidèles. C'est pourquoi, en cette minute
transformante, nous devons écarter tout souci
mondain, nous dépouiller de tout ce qui ne regarde
pas Dieu.» (Idem Op. cit. P31)
Quand le prêtre et le diacre entrent dans le sanctuaire,
la chur entonne à nouveau : «Pour
recevoir le Roi de toutes choses, invisiblement escorté
par les armées des anges. Alléluia, Alléluia,
Alléluia !»
3)
L'ENTREE DES SAINTS DONS
«L'entrée
des saints dons dans le sanctuaire symbolise le transfert
du Corps du Seigneur au saint Tombeau. C'est pourquoi
les portes saintes se referment et le rideau est tiré.
Elle évoque également l'entrée
du Christ, notre Grand Prêtre, dans le sanctuaire
céleste.»
Le prêtre dépose le pain et le vin sur
l'autel en les offrant à Dieu, pour rappeler
que le Corps du Seigneur fut déposé au
Tombeau comme sur un autel et offert en sacrifice pour
le salut du monde.
Puis le prêtre enlève les voiles du calice
et de la patène et les dépose pliés
sur l'autel. Il prend alors l'aër des épaules
du diacre, l'encense et recouvre les saints dons en
disant : «Le noble Joseph,
descendit de la Croix ton Corps très pur, l'enveloppa
d'un linceul immaculé, l'oignit d'aromates et
le déposa dans un sépulcre neuf.»
4)
ECTENIE
Le
diacre sort par la porte nord du sanctuaire pour se
tenir devant les Portes Saintes tourné vers l'iconostase.
Elevant son étole de la main droite, il prononce
une longue ecténie.
Puis les Portes Saintes s'ouvrent, le prêtre prononce
l'ecphonèse de la prière et dit : «Paix
à tous.»
Le choeur répond: «Et
à ton esprit.»
5)
LE BAISER DE PAIX
Le
diacre proclame :
«Aimons-nous les uns les
autres, afin que dans un même esprit nous confessions.»
Le chur :
«Le Père, le Fils
et le Saint-Esprit, Trinité consubstantielle
et indivisible.»
Cet élément liturgique du baiser de paix
était anciennement partagé entre tous
les membres de l'assemblée, alors qu'aujourd'hui,
seuls les prêtres et les diacres se donnent l'accolade
en se saluant ainsi : «Le
Christ es parmi nous». Tandis que l'interpellé
répond «Il l'est
et le demeurera».
Cet amour que l'on nous demande de partager est radicalement
nouveau. Car le Christ nous recommande non seulement
de nous aimer les uns les autres, mais aussi d'aimer
nos ennemis. Cette dernière proposition, qui
semble irréalisable, a été cependant
rendue accessible à tout homme grâce à
l'Incarnation de Jésus-Christ. Celui-ci nous
a en effet révélé cet amour total,
qui est dans la nature de Dieu même, par ses discours,
par tous ses actes, et qui culmine dans son sacrifice
volontaire sur la Croix où il priait pour ses
bourreaux. A Sa suite, les saints de l'Eglise ont fait
preuve de ce même amour pour leurs ennemis, depuis
saint Etienne le protomartyr qui tout en étant
lapidé priait pour ses bourreaux jusqu'à
saint Silouane de l'Athos dont la prière pour
le monde entier englobait même ses ennemis. Ainsi
tous les saints ont témoigné par leur
vie et leurs uvres que ce commandement d'amour
total est réalisable.
De même, tout homme uni au Christ reçoit
de Lui cet Amour, croît en lui et peut, à
son tour, offrir cet Amour. «A cela tous reconnaîtront
que vous êtes mes disciples, si vous avez de l'amour
les uns pour les autres». Seul l'amour du Christ
dont nous sommes embrasés va nous rendre frères
en Christ.
«Le baiser de paix est également placé
à cet endroit de la Liturgie, avant le début
du Sacrifice, pour obéir au précepte du
Seigneur, qui nous demande de nous réconcilier
avec nos frères avant de présenter notre
offrande.»
6)
LE SYMBOLE DE LA FOI
Avant
la lecture du symbole de la foi, le diacre prononce
ces mots
«Les Portes! Les Portes!
Soyons attentifs dans la sagesse !»
«Cette exclamation s'adressait jadis aux portiers
qui devaient veiller à ce qu'aucun païen
n'entre dans l'église. Elle s'adresse aujourd'hui
à tous les fidèles pour qu'ils gardent
les portes de leur cur qu'ils viennent de convertir
à la charité parfaite, contre toute intrusion
de l'ennemi. Que seule y demeure la présence
de Dieu. Le Seigneur nous a recommandé dans l'Evangile
de fermer la porte de notre chambre et de prier dans
le secret. Nous sommes invités à fermer
«certaines» portes de notre cur.»
«Et inversement, il y a des portes qu'il faut
de manière invisible, ouvrir dans notre cur.
«Soyons attentifs!» dit le texte de la Sainte
Liturgie. Devenons ouverts et attentifs aux paroles
et aux inspirations qui viennent de Dieu. Le Seigneur
adresse à chacun de nous la phrase qu'il prononça
sur un malade
« Ephpheta! Ouvre-toi »(Op. cit P36)
« Pendant la récitation du symbole de la
foi le prêtre agite sur le pain et le vin de la
communion l'aër qui recouvrait la coupe. Ce balancement
du voile au-dessus du pain et du vin est considéré
comme le symbole du souffle du Saint-Esprit, du vent
qui emplit la maison lors de la Pentecôte. On
est en train de prononcer les paroles de la confession
de foi. Or on ne peut confesser comme il le faut la
foi chrétienne si, au même moment, le Saint-Esprit
ne souffle pas sur nous. Si son inspiration fait défaut,
nous pourrons bien lire des formules correctes, mais
le rite sera un rite mort, stérile. Que le Saint-Esprit
vienne donc animer et vivifier les paroles que nous
disons! » (Op. cit P37)
Dans l'Eglise primitive et encore aujourd'hui, la confession
solennelle de la foi achevait la préparation
des catéchumènes à leur entrée
baptismale dans l'Eglise. Depuis le VIème siècle,
elle est introduite dans la Liturgie pour mieux signifier
la liaison entre l'unité de la foi de tous les
participants de l'Eglise, et son accomplissement par
l'Eucharistie. «Nous tous qui communions au Pain
et au Calice uniques, réunissons-nous les uns
les autres dans la communion de l'Unique Esprit.»
(Prière Eucharistique de saint Basile.)
«Le texte du Credo est une icône de la Trinité,
il nous apprend à adorer le Dieu Un et trois
fois Saint. En méditant le symbole de la foi,
nous l'imprimons dans nos curs pour qu'il devienne
notre souffle. Dire «je crois», c'est là
mon adhésion libre et personnelle à la
foi chrétienne. Mais en même temps, chacun
de nous participe à la foi de l'Eglise tout entière.
Par notre confession, nous sommes unis à Dieu
et aux chrétiens du monde entier, ceux de tous
les temps et de tous les lieux, pour les siècles
des siècles.» (Le Credo de Nicée-Constantinople,
catéchèse orthodoxe, éd. du Cerf
1987, 4ème de couverture)
Le Credo, après avoir confessé que Dieu
est Unique. présente les trois Personnes de la
Trinité :
Le Père, Première Personne de la Trinité,
est source unique de la divinité, Il est le principe
de l'unité des trois Personnes divines et le
créateur de toutes choses ;
Le Fils, Deuxième Personne de la Trinité
qui partage l'éternité avec le Père,
engendré et non créé, est l'artisan
de la création, par son Incarnation, par sa Passion
volontaire, sa Résurrection et sa montée
au ciel, il est le rédempteur du genre humain
et nous attendons son retour définitif ;
Le Saint-Esprit, Troisième Personne de la Trinité
qui procède du Père est consubstantiel
(de même substance) que le Père et le Fils
et partage donc leur éternité, c'est Lui
qui donne la vie à toute chose.
Puis nous confessons aussi notre foi dans le Mystère
de l'Eglise, qui, comme le Christ est divino-humaine
et fondée par Lui ; et en un seul baptême,
car le baptême est indélébile et
rien ne peut le dissoudre.
Nous affirmons également notre croyance en la
résurrection des morts dont la Résurrection
du Christ fut le prémisse et en la vie à
venir, c'est à dire en la vie éternelle.
7)
LE CANON EUCHARISTIQUE OU ANAPHORE
Présentation
générale
Les différentes parties de la Liturgie que nous
avons vu précédemment : petite entrée,
lectures, grande entrée, confession de foi, nous
ont conduits par un mouvement ascensionnel à
cette partie capitale de la Liturgie que l'on appelle
canon eucharistique ou anaphore. Le terme canon eucharistique
vient du grec : «canon» signifiant règle
ou loi, et eucharistie signifiant «action de grâce».
Ainsi, le canon eucharistique obéit à
une règle fixe qui lui donne sa structure.
Le mot grec anaphore signifie élévation
et manifeste bien le mouvement général
de cette prière eucharistique au cours de laquelle
les fidèles, tout en élevant leur offrande,
s'élèvent eux-mêmes vers Dieu, afin
qu'en retour Dieu envoie son Esprit-Saint sur eux et
sur les dons.
Structure
La structure de cette prière forme un ensemble
d'une unité profonde. Elle correspond aux trois
bénédictions (berakoth) que faisait Israël
après le repas juif. C'est cette même prière
de remerciement qu'a prononcé le Christ le soir
du Jeudi Saint après avoir pris le pain et le
calice. Les trois parties de cette prière revêtent
à présent, dans l'Eglise, un caractère
trinitaire :
La première partie est une prière de remerciement
pour la création s'adressant au Père;
La deuxième partie est un mémorial reconnaissant
(anamnèse) de l'uvre rédemptrice
et libératrice du Fils.
La troisième partie est une supplication, ou
invocation, ou épiclèse pour la descente
du Saint-Esprit afin que, par Lui, nous recevions la
«plénitude du Royaume» (Cette distinction
en trois parties est tirée de «Dieu est
vivant», éd. du Cert. p 321)
Déroulement
L'anaphore débute par un appel du diacre : «Tenons-nous
bien ! Tenons-nous avec crainte ! Soyons attentifs à
offrir en paix la sainte oblation.» Le
diacre nous appelle à nous tenir comme il convient
devant Dieu : avec piété et sainteté,
crainte et audace confiante, attitudes spirituelles
de la paix intérieure propice à la louange
de Dieu.
Le chur répond : «L'offrande
de paix, le sacrifice de louange.»
Non seulement nous offrons dans la paix, mais c'est
la paix elle-même que nous offrons en guise de
présent et de second sacrifice. Car nous offrons
la miséricorde à Celui qui a dit : «Je
veux la miséricorde et non le sacrifice.»
Or, la miséricorde est un fruit de la solide
et authentique paix. Car lorsque nulle passion ne trouble
l'âme, rien n'empêche celle-ci d'être
remplie de miséricorde. Mais (nous offrons) aussi
un « sacrifice de louange ». (St Nicolas
CABASILAS op. cit. P171)
Le prêtre s'avance sur l'ambon et donne la bénédiction
en disant :
«Que la grâce de notre
Seigneur Jésus-Christ, l'amour de Dieu le Père,
et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous.»
Cette formule trinitaire de saint Paul (Il Cor. 13,
13) utilisée ici, n'a pas l'ordre habituel de
l'énonciation des trois personnes de la Sainte
Trinité. Ici, la bénédiction commence
par invoquer le Christ, par communiquer sa grâce.
Ceci parce que la grâce nous vient du Seigneur
Jésus, et parce que c'est Lui qui nous révèle
l'amour du Père, et qui nous communique le Saint-Esprit.
A cette bénédiction, le chur répond
par : «Et avec ton esprit.»
Le prêtre : «Elevons
nos curs.»
Le chur : «Nous les
avons vers le Seigneur.»
Par cette réponse, l'élévation
(l'anaphore) est déjà manifestée.
Cette exhortation à tenir haut les curs
nous rappelle que l'Eucharistie ne s'accomplit pas sur
la terre mais au ciel. Comme membres du Christ ressuscité
nous sommes avec Lui, déjà assis à
la droite de Dieu. «Nous autres, morts à
cause de nos fautes, Dieu nous a vivifiés avec
le Christ, et il nous a ressuscité avec Lui,
et fait asseoir dans les cieux en Jésus-Christ.»
(Éphès, 2, 56).
Le prêtre : «Rendons
grâce au Seigneur»
Le chur : "Il est digne
et juste" (d'adorer le Père, et le
Fils, et le Saint-Esprit; Trinité consubstantielle
et indivisible). (Cette partie entre parenthèses
est parfois omise).
8)
LA PRIERE EUCHARISTIQUE
Etant
rentré dans le sanctuaire, le prêtre commence
la prière eucharistique. Dans cette prière
d'action de grâce, nous exprimons notre reconnaissance
à Dieu «pour tout». Nous nous souvenons
devant Lui de tout ce qu'il a fait à notre égard.
«Du néant tu nous
as amenés à l'être».
Il a relevé les hommes après la chute.
Il ne cesse d'agir pour nous porter jusqu'au royaume
à venir. «Pour cela
nous Te rendons grâce, à Toi et à
ton Fils unique et à ton Esprit-Saint ; pour
tous les bienfaits connus ou ignorés de nous,
manifestés ou cachés, répandus
sur nous».Pour toute cette bonté
répandue sur nous chaque jour sous une infinité
de formes.
«Mais notre action de grâce se précise,
devient plus immédiate et plus concrète
«Nous te rendons grâce
aussi pour cette liturgie que tu as daigné recevoir
de nos mains, bien que Tu aies pour te servir des milliers
d'archanges...». Une adoration plus digne
que la nôtre pourrait être offerte à
Dieu par les puissances célestes seules.. Mais
Dieu accepte ce que nous lui présentons de nos
mains pécheresses.» (Un moine de l'Eglise
d'Orient Op. cit. P41-42)
Par ces paroles d'action de grâce, nous reconnaissons
également l'uvre du Créateur, nous
lui exprimons notre reconnaissance, en tant que créatures
qui, désormais, grâce au sacrifice du Christ,
vont être appelées et capables de transfigurer
le monde et d'être elles-mêmes déifiées
et «participantes de la nature divine» (St
Grégoire Palamas).
Cette vocation de l'homme une fois affirmée,
nous sommes d'autant plus conscients de notre nature
pécheresse. Cependant nous sommes à même
de le reconnaître parce que nous avons accès
auprès du Père et que nous sommes faits
participants du Royaume futur : «Tu n'as pas cessé
d'agir jusqu'à ce que tu nous aies élevés
au ciel et fait don de ton Royaume à venir.»
Le prêtre termine la prière par ces quatre
mots «Chantant, clamant,
criant l'hymne triomphale et disant»
«A travers ces quatre termes, la tradition chrétienne
a vu une allusion aux cris des quatre «vivants»
de la vision d'Ézechiel (Éz. 1, 6ss) et
de l'Apocalypse (Apoc. 4, 67) qui symbolisent à
la fois les Puissances angéliques qui portent
le rayonnement de la Gloire de Dieu vers les quatre
points cardinaux, c'est à dire dans le cosmos
tout entier et les quatre Evangélistes qui portent
le message du Verbe aux extrémités de
la terre. C'est pourquoi, tandis que le célébrant
prononce cette formule, le diacre marque la patène
d'un signe de croix en touchant les bords en quatre
points, avec les branches de l'astérisque qui
couvre les saints dons.»
Le chur entonne alors le chant des Séraphins
: «Saint, saint, saint,
le Seigneur Sabaoth. Le ciel et la terre sont remplis
de ta Gloire. Hosanna au plus haut des cieux ! Béni
est celui qui vient au Nom du Seigneur ! Hosanna au
plus haut des cieux !»
« Le chant triomphal des séraphins, qui
fut entendu des prophètes dans leurs saintes
visions et repris par le chur tout entier, entraîne
les pensées des fidèles en prière
vers les cieux invisibles.» (Nicolas Gogol op.cit.)
9)
L'ANAMNESE
Anamnèse
est un mot grec signifiant «souvenir, mémoire,
acte rendant actuel un événement passé
cri le rappelant non seulement à la mémoire
des hommes, mais aussi de Dieu.»
Le récit de la Sainte Cène qui va suivre
maintenant, sera le récit de l'institution, c'est
à dire ce que Jésus a fait la veille de
sa mort, au cours du dernier repas du Jeudi Saint, récit
qui nous est rapporté dans les Evangiles de saint
Matthieu (26, 26-28), saint Marc (14, 22-25) et saint
Luc (21, 19-20), ainsi que chez saint Paul (II Cor.
23-25).
Le prêtre : «Nous
joignant à ces bienheureuses puissances, nous
aussi, Maître, ami des hommes, nous clamons et
disons : Tu es saint, Tu es parfaitement saint, Toi
et ton Fils unique et ton Esprit Saint. Tu es saint.
Tu es parfaitement saint, magnifique est ta gloire.
Toi qui as aimé le monde jusqu'à donner
ton Fils unique afin que quiconque croit en Lui ne périsse
pas mais ait la vie éternelle. Il est venu et
Il a accompli tout ton dessein à notre égard.
La nuit où Il fut livré, ou plutôt
se livra Lui-même pour la vie du monde, Il prit
un pain dans ses mains saintes, pures et immaculées,
rendit grâce, le bénit, le sanctifia, le
rompit et le donna à ses saints disciples et
apôtres en disant : Prenez et mangez, ceci est
mon corps qui est rompu pour vous, en rémission
des péchés.»
En même temps, le prêtre montre le pain
de la main droite, Le chur répond : «Amen.»
Puis, tout en désignant le calice le prêtre
dit «De même, Il prit
le calice après le repas en disant : Buvez-en
tous, ceci est mon Sang, le Sang de la Nouvelle Alliance,
qui est répandu pour vous et pour la multitude,
en rémission des péchés.»
De nouveau, le chur répond par «Amen»
«En offrant le pain et le vin, Jésus-Christ
devient l'offrande du sacrifice, remplaçant toutes
les victimes immolées et tous les holocaustes
(Hébr. 9, 11-28). Comme Abraham, mis à
l'épreuve, avait dressé un autel et offert
son fils à Dieu en sacrifice (Gen.22, 1-18),
de même Jésus s'offre Lui-même à
son Père. Le Sacrifice de la Croix est de toute
éternité, reçu et accepté
par le Père, pour la vie du monde.» (catéchèse
orthodoxe, t2, la Résurrection, éd. Cerf
P101)
Nous comprenons mieux pourquoi dans nos églises
sont unis l'autel et la croix. C'est le Saint-Esprit
reçu par l'Eglise à la Pentecôte,
qui nous permet de réunir sur nos autels le repas
eucharistique et le sacrifice de la Croix dans la lumière
de la Résurrection du Christ.
A présent le prêtre fait mémoire
de tout ce que Jésus a fait pour nous : «Commémorant
donc ce commandement salutaire, et tout ce qui a été
fait pour nous : la Croix, le Tombeau, la Résurrection
au troisième jour, l'Ascension au ciel, le Siège
à la droite, le second et glorieux Nouvel Avènement.»
«Ainsi pendant la Divine Liturgie, on ne participe
pas seulement à l'unique sacrifice du Sauveur
mais encore à sa Résurrection, à
son Ascension et à son retour glorieux à
la fin des temps. «Il est caractéristique,
écrivait l'archimandrite Cyprien, que la commémoration
s'étende à tous les temps et pas seulement
au passé. Dans la commémoration eucharistique,
se mêlent les frontières du passé,
du présent et de l'avenir. Le service eucharistique,
en paroles et non sanglant, est hors du temps, non soumis
aux lois de nos perceptions sensibles et de notre logique.
Nous nous souvenons, dans notre liturgie, même
de l'avenir ». (Evkaristia, Ymca Press, 1946,
p230-231)
Puis le prêtre termine par : «Ce
qui est à Toi, le tenant de Toi, nous te l'offrons
pour tout et en tout.»
Ces dernières paroles prononcées sont
l'anaphore proprement dite, c'est à dire l'offrande
que le célébrant offre à Dieu,
en remerciement de l'offrande du Christ, en obéissance
à cet ordre ainsi qu'en mémorial reconnaissant
(Faites ceci en mémoire de moi).
Au moment où ces paroles sont prononcées
le diacre en croisant les mains prend la patène
de la main droite et le calice de la main gauche, il
les élève en faisant un signe de croix
au-dessus de l'autel, et le chur entonne : «Nous
te chantons, nous te bénissons, nous Te rendons
grâce, Seigneur, et nous Te prions, ô notre
Dieu.»
10)
L'EPICLESE
L'anaphore
se conclut par l'épiclèse. C'est un mot
grec qui signifie «invocation». Il s'agit
en effet de la demande faite par le prêtre au
Père d'envoyer son Saint-Esprit «sur nous
et sur les dons qui sont présentés ici»,
et de faire du pain et du vin le corps et le sang du
Christ.
La Liturgie est traversée dès son début
par les demandes à Dieu de l'envoi du Saint-Esprit,
pour que ce dernier transfigure les dons et les êtres
qui vont les recevoir.
«La transformation du pain et du vin en Corps
et Sang du Christ n'est pas une uvre de magie
sacerdotale. Le texte de la Liturgie dit : «...
les changeant par ton Saint-Esprit». Ce
changement, réponse de Dieu à notre prière,
n'est pas un but en lui-même. Il est opéré
«afin qu'ils deviennent pour ceux qui les reçoivent
purification de l'âme, rémission des péchés
», et aussi « communion de ton Saint-Esprit»
Tout se fait par l'Esprit et dans l'Esprit. »
(Un moine de l'Eglise d'orient, op. cit. p. 48.)
En effet «la matière n'est pas imperméable
à l'action du Saint-Esprit, et la communion au
Pain et au Vin n'aurait aucun sens si ces dons n'avaient
été changés par l'action de l'Esprit
en Corps et Sang du Christ Ressuscité».
(Dieu est vivant, op. cit. P326.)
«Et voici une remarque très importante.
Le prêtre a dit : «Envoie ton Esprit-Saint
sur nous et sur les dons...» Il n'a pas demandé
que l'Esprit vienne d'abord sur les dons, mais qu'Il
vienne premièrement sur nous. C'est là
le moment de Pentecôte dans la Liturgie Eucharistique.
L'Esprit vient dans nos curs avant de venir sur
les éléments matériels, pain et
vin, objets d'offrande et de consécration.»
(Un moine de l'Eglise d'orient, op. cit. p. 48-49)
«Je crois encore que ceci
même est ton Corps très pur et que ceci
même est ton Sang précieux»
; disons-nous plus tard à la prière avant
la communion. Mais «le but de l'Eucharistie n'est
pas de transformer du pain et du vin, c'est de communier
avec le Christ devenu notre nourriture, notre vie ;
c'est la manifestation de l'Eglise comme Corps du Christ.
» (Alexandre SCHMEMANN, l'Eucharistie, Sacrement
du Royaume, p. 250).
La Liturgie de saint Basile est très explicite
à ce sujet : «Et nous tous, qui communions
au pain unique et au même calice, fais que nous
soyons unis les uns aux autres dans la communion de
l'unique Esprit Saint ». (Dans certains usages
russes après «nous te chantons» le
prêtre dit par trois fois à voix basse
et en élevant les mains, une prière préalable
d'invocation de l'Esprit-Saint : «Seigneur, qui,
à la troisième heure, as envoyé
ton très Saint-Esprit sur tes apôtres,
ne nous le retire pas dans ta bonté, mais rénove-nous,
nous qui T'implorons». et le diacre, en réponse
dit les versets du Psaume 50 : «Créé
en moi un cur pur, ô Dieu, et renouvelle
en ma poitrine un esprit droit. Ne me rejette pas loin
de ta face, et ne retire pas de moi ton Esprit-Saint.»)
Ainsi préparés pour l'épiclèse,
le prêtre prononce à voix haute «Nous
T'offrons encore ce culte spirituel et non sanglant,
et nous T'invoquons, nous Te prions et nous Te supplions
: envoie ton Esprit Saint sur nous et sur les dons qui
sont présentés ici»
Le diacre désignant le Pain «Bénis,
Père, le saint Pain».
Le prêtre bénissant le Pain «Et
fais de ce Pain, Corps précieux de ton Christ.»
Le diacre, parfois avec le chur, et parfois toute
l'assemblée (selon les usages locaux) : «Amen»
Puis désignant le calice, le diacre dit : «Bénis,
Père, le saint calice»
Le prêtre en bénissant : «Et
ce qui est dans ce calice Sang précieux de ton
Christ»
Le diacre seul (ou voir ci-dessus) : «Amen»
Le diacre désignant le Pain et le Vin :
«Bénis, Père, l'un et l'autre.»
Le prêtre faisant un signe de croix «Les
changeant par ton Esprit-Saint.»
Le diacre seul (ou voir ci-dessus) :
«Amen, Amen, Amen.»
Le prêtre : «Afin
qu'ils deviennent pour ceux qui les reçoivent
sobriété de l'âme, rémission
des péchés, communion de ton Saint-Esprit,
plénitude du Royaume des cieux, confiance en
Toi, et non jugement ou condamnation. Nous T'offrons
encore ce culte raisonnable pour ceux qui ont trouvé
le repos dans la foi : les Ancêtres, les Pères,
les Patriarches, les Prophètes, les Apôtres,
les Prédicateurs, les Evangélistes, les
Martyrs, les Confesseurs, les Ascètes et pour
toute âme juste décédée dans
la foi.»
Le prêtre va maintenant inclure dans son action
de grâce l'Eglise tout entière : celle
des défunts et des vivants, avec une place toute
particulière à la Mère de Dieu,
celle qui fut «le Temple incarné et que
l'Eglise exalte comme plus glorieuse que les saints
et même que les puissances angéliques.»
(La Divine Liturgie de saint Jean Chrysostome, éd.
Cerf, p. 67)
Le prêtre encense l'autel et les saints dons en
commémorant la Mère de Dieu : «
Et en premier lieu pour notre très sainte, immaculée,
toute bénie et glorieuse Souveraine, la Mère
de Dieu, et toujours Vierge, Marie.»
Le chur répond par un chant de louange
à la Mère de Dieu «Il
est digne en vérité de Te célébrer,
ô Mère de Dieu, Bienheureuse et très
pure et Mère de notre Dieu. Toi, plus vénérable
que les Chérubins, et plus glorieuse incomparablement
que les Séraphins. Qui, sans tache, enfantas
Dieu le Verbe, Toi, véritablement Mère
de Dieu, nous T'exaltons.»
Le prêtre continue de commémorer les saints
et en particulier les saints du jour, les défunts
et tous les vivants.
«Le prêtre conclut : «Et
souviens-toi de tous ceux à qui chacun de nous
pense, et souviens-toi de tous et de toutes.»
Le chur répète : «Et
de tous et de toutes.» Voyons bien tout
ce qu'implique cette phrase. Elle exprime l'universalité
de la prière de l'Eglise et de notre prière
personnelle. Nous n'excluons personne de notre prière.
Nous ouvrons nos bras, nous les tendons vers tous les
besoins, vers toutes les détresses. A vous tous,
à vous toutes, nous appartenons, nous nous unissons.»
(Un moine de l'Eglise d'orient, op. cit., P54)
Enfin le prêtre intercède pour tous les
besoins humains et la prière eucharistique se
conclut par une doxologie trinitaire.
C'est donc l'Eglise tout entière, terrestre et
céleste qui se retrouve dans l'unité de
la foi et la communion du Saint-Esprit, grâce
au mystère de l'Eucharistie. Cette unité
de tous dans le Corps du Christ nous permet de recevoir
la bénédiction qui conclut la prière
de l'anaphore : «Que les
miséricordes de notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ
soient avec vous tous.» Le chur : «Et
avec ton esprit.»
La nécessité d'avoir à présenter
la Divine Liturgie en différentes parties, ne
doit pas nous faire oublier le lien essentiel qui les
relie toutes entre elles : à savoir la montée
de l'Eglise, du peuple de Dieu vers le Royaum ; ce Royaume
qui nous est manifesté et légué
au cours de cette cène mystique.
Tout le mouvement ascensionnel de la Liturgie nous a
menés jusqu'à cette invocation du Saint-Esprit
sur les Saints Dons, qui va nous permettre de communier
avec le Christ, devenu notre nourriture, notre Vie.
11)
PRIERES PREPARATOIRES A LA COMMUNION
A
la fin du canon eucharistique, le prêtre ayant
béni l'assemblées, le diacre sort par
la porte Nord et prononce une ecténie qui est
proche de celle qui est dite avant la confession de
foi, mais, à présent, on prie pour les
«dons précieux, offerts et sanctifiés»,
car, depuis lors, a eu lieu la consécration eucharistique.
Pendant ce temps le prêtre dit à voix basse
:
«C'est à Toi, Maître,
ami des hommes, que nous confions notre vie tout entière
et notre espoir. Nous T'invoquons, nous Te prions et
nous Te supplions : rends-nous dignes de participer
aux célestes et redoutables Mystères de
cette table spirituelle et sacrée, avec une conscience
pure, en rémission des péchés,
pour le pardon de nos transgressions, pour la communion
du Saint-Esprit et l'héritage du Royaume des
cieux, afin que nous ayons la confiance de venir à
Toi, sans encourir de jugement ou de condamnation.»
Puis le diacre termine les demandes par :
«Ayant demandé l'unité
de la foi et la communion du Saint-Esprit, confions-nous
nous-mêmes, confions-nous les uns les autres,
confions toute notre vie au Christ, notre Dieu.»
L'unité de la Foi, c'est cette certitude intérieure,
inébranlable, sans hésitation, stable,
à l'abri de remous extérieurs, du cur
de cet homme qui croit et qui sait où il va,
en toute quiétude. «Quant à la communion
du Saint-Esprit, elle signifie la grâce de cet
Esprit. On l'appelle «communion» parce que
le Seigneur, ayant abattu par sa croix, le «mur
de séparation» (Éphès. 4,
13) entre Dieu et nous, ceux qui, jusqu'alors étaient
séparés, et n'avaient rien de commun,
devaient désormais s'accorder et rester en communion
: la venue du Saint-Esprit sur les Apôtres a produit
cet effet... » (N. Cabasilas, op. cit. P119-121).
Pour «se confier à Dieu», il faut
de l'assurance. Or, l'assurance, c'est une conscience
pure qui la produit «lorsqu'en paix dans notre
cur, nous nous occupons des intérêts
de Dieu» sans nous soucier des nôtres. Tel
le «lys des champs» nous oublions alors
tout ce qui nous ramènerait à nous-mêmes
pour nous abandonner à Dieu qui sait mieux que
nous ce dont nous avons besoin.»
La
prière du Seigneur
Le prêtre dit à haute voix : «Et
rends-nous dignes, Maître, d'oser en toute confiance
et sans encourir de
condamnation t'appeler Père, toi le Dieu céleste
et dire :»
Selon la coutume locale soit le chur, soit l'assemblée,
soit le président de l'assemblée récite
le «Notre Père».
«Pour toute la tradition chrétienne, le
«Notre Père» est la prière
par excellence des baptisés, de ceux qui ne sont
plus à l'égard de Dieu des esclaves craintifs
mais des fils adoptifs auxquels l'Esprit-Saint inspire
une confiance toute filiale à l'égard
de leur Père céleste.»
« Après quoi le prêtre souhaite à
tous la paix, Il vient de leur rappeler par la prière
leur titre de noblesse en nommant Dieu leur Père
: voici maintenant qu'il les invite à le reconnaître
aussi pour leur souverain Maître et à montrer
à son égard des sentiments de serviteur
en inclinant la tête devant lui en faisant, par
cette attitude, profession d'être à son
service. Ils s'inclinent, en effet, non pas seulement
comme des êtres nés serviteurs le font
devant leur Maître, leur Créateur et leur
Dieu, mais comme des serviteurs achetés s'inclinent
devant Celui qui les a acquis au prix du sang de son
Fils unique ; en vertu de ce sang, il nous possède
à double titre : il nous a acquis comme esclaves
et en même temps il a fait de nous ses enfants.
Car c'est le même et unique sang qui a renforcé
et multiplié les liens de notre servitude et
qui a opéré l'adoption divine. »
(Idem, P221).
Pendant que les fidèles inclinent la tête,
le prêtre prononce une prière d'action
de grâces et de préparation à la
communion, qui s'adresse à tous les fidèles,
car, dès son origine, l'Eglise a considéré
la communion comme l'accomplissement par chacun de ses
membres de sa vocation chrétienne et de sa qualité
de membre du Corps du Christ, Il faut bien reconnaître
comme le souligne très fortement A. Schmémann
tout au long de son livre : «L'Eucharistie, Sacrement
du Royaume », qu'au cours des temps cette attitude
communautaire s'est transformée en un acte individuel,
privé, chacun communiant pour sa sanctification
propre et non plus pour la participation à la
réalisation de l'Eglise ; il nous faut redevenir
très conscients du fait que ces deux aspects
ne doivent jamais être séparés.
En effet, depuis le début de la Liturgie des
fidèles, rien n'indique qu'il y ait deux catégories
de fidèles : les communiants et les non-communiants.
Dans l'Eglise ancienne, ceux qui ne communiaient pas
: catéchumènes, pénitents étaient
renvoyés après la Liturgie de la Parole.
Seuls restaient pour la partie eucharistique de la Liturgie
ceux qui étaient admis à communier. La
prière suivante et celles qui précèdent
la communion vont nous le confirmer :
«Nous te rendons grâce,
ô Roi invisible, Toi qui par ta puissance incommensurable
as tout créé et qui, par l'abondance de
ta miséricorde as tout amené du néant
à l'être. Toi-même, Maître,
abaisse ton regard du haut du ciel sur ceux qui ont
la tête inclinée non devant la chair et
le sang, mais devant Toi, Dieu redoutable. Toi donc,
Maître, répartis entre nous tous les dons
posés ici pour notre bien, selon le besoin propre
de chacun...»
12)
COMMUNION
Rites
et prières préparatoires
Le prêtre dit tout bas la prière suivante
:
«Sois attentif, Seigneur
Jésus-Christ, notre Dieu, du haut de ta sainte
Demeure et du trône de gloire de ton Royaume,
et viens nous sanctifier. Toi qui sièges au ciel
avec le Père et qui es invisiblement présent
ici avec nous. Daigne nous distribuer de ta main puissante
ton Corps immaculé et ton Sang précieux,
et, par nous, à tout le peuple.»
«Il nous faut devenir capable, par les yeux de
la foi et de l'amour, de voir le Seigneur Jésus
Lui-même venir vers chacun de nous et, comme il
le fit avec ses disciples, nous présenter les
Saints Dons à travers lesquels il se donne. Ce
n'est pas le prêtre qui nous donne la communion,
c'est, au-delà du prêtre, le Seigneur,
qui, à la fois, offre et est offert et qui s'approche
personnellement de nous.» (Un moine de l'Eglise
d'Orient, L'Offrande Liturgique, op.cit.)
Pendant la prière du prêtre, le diacre
a croisé l'orarion sur sa poitrine, il devient
ainsi semblable aux Séraphins «qui disposent
leurs ailes en forme de croix, sur leur sein»
afin de se voiler la face devant l'éclat de la
Lumière Divine.
Après quoi le prêtre proclame :
«Les Saints Dons aux saints
!»
«Le Corps du Seigneur, mêlé à
la divinité, est Dieu. De même, le fer
mis dans le feu devient feu et rien ne peut le toucher
ni l'approcher sans être détruit et consumé
: seul le feu peut voisiner avec le feu, seuls des charbons
ardents peuvent être en contact avec des braises
sans en subir de dommage. C'est ainsi que toute âme
purifiée par le feu de l'Esprit, devenue feu
et esprit, est capable d'entrer en contact avec le corps
immaculé du Christ. Mais l'âme non initiée
à cet Esprit ne saurait s'approcher jusque là,
ni fixer cet éclair divin, et vivre en cette
éblouissante lumière» (Saint MACAIRE
d'EGYPTE, Homélie 52, 6). Cette sainteté
requise pour la communion aux Saints Mystères
n'est pas cependant la sainteté consommée,
mais celle d'hommes qui ont reçu au baptême
le don divin et s'efforçant chaque jour humblement
de le faire fructifier dans leur vie.
Aussi les fidèles par le chant du chur
: «Un Seul est Saint, un
seul est Seigneur, Jésus-Christ à la gloire
de Dieu le Père. Amen», répondent
qu'ils ne sont pas saints : «Car personne n'a
de soi-même la sainteté, et elle n'est
pas le résultat de la vertu humaine, mais tous
la reçoivent du Seigneur et par le Seigneur.»
(N. CABASILAS op. cit. P 225).
A présent le diacre rentre dans le sanctuaire
et se place à la droite du prêtre. Le chur
entonne le verset de la communion propre au jour ou
à la fête. Puis, tandis que le chur
continue à entonner des chants, des lectures
de psaumes et des prières de préparation
à la communion, dans le sanctuaire le prêtre
partage en quatre parts l'Agneau qui avait été
préalablement incisé en forme de croix
(lors de la proscomidie). Il dispose ces parts sur la
patène, en haut, en bas, à droite et à
gauche. En accomplissant ce rite il dit :
«L'Agneau de Dieu est fractionné
et partagé, Il est fractionné mais non
divisé, Il est toujours nourriture et ne s'épuise
jamais, mais il sanctifie ceux qui y communient.»
«Ce à quoi nous allons communier est un
pain rompu, le Corps du Sauveur brisé dans sa
Passion. Ce que nous allons boire est un vin versé,
le Sang du Seigneur répandu sur la Croix. Nous
ne renouvelons pas physiquement le Sacrifice du Golgotha,
mais nous participons spirituellement à ce Sacrifice.
Toute communion eucharistique est une immolation de
celui qui communie. Le communiant se laisse pénétrer
par un glaive de feu. Il meurt à lui-même
et naît de nouveau comme un homme changé.»
(Un moine de l'Eglise d'Orient, L'Offrande Liturgique,
op. cit)
Le prêtre prend la part marquée des lettres
IC et la met dans le calice en disant : «Plénitude
du Saint-Esprit.» Le diacre répond
: «Amen» Puis
le prêtre partage la part marquée des lettres
XC en autant de parcelles qu'il y a de communiants dans
le sanctuaire. Sur la demande du diacre il bénit
le Zéon constitué d'eau chaude en disant
:
«Bénie est la chaleur
de ta sainteté en tout temps, maintenant et toujours
et dans les siècles des siècles. Amen»
Le diacre verse l'eau chaude dans le calice et dit
«Chaleur de la foi pleine du Saint-Esprit. Amen»
«Cette eau, qui, à la fois, est de l'eau
et participe à la nature du feu, signifie l'Esprit-Saint,
qui est aussi parfois appelée eau et qui apparut
comme du feu lorsqu'il tomba sur les disciples du Christ.
Le moment présent de la sainte Liturgie signifie
ce triomphe de la Pentecôte : alors, le Saint-Esprit
descendit après que tous les mystères
du Christ eurent été accomplis; maintenant,
les dons sacrés ayant atteint leur suprême
perfection on y ajoute cette eau.» (N. Cabasilas
op. cit. P229).
La
communion du clergé
Les célébrants se prosternent ensemble
au pied de l'autel et demandent pardon pour leurs fautes.
Ils reçoivent d'abord le pain dans leur main
droite. Le diacre reçoit la parcelle des mains
du prêtre. Le prêtre se donne la parcelle
en la prenant de sa main gauche pour la déposer
dans sa droite. Avant de consommer le Saint Corps, tous
disent la prière de communion, puis ils communient
au calice par trois fois : le prêtre d'abord,
le diacre ensuite.
«En communiant dans le sanctuaire fermé,
les prêtres et les ministres figurent les apôtres
qui furent, dans le Tombeau, les premiers témoins
de la Résurrection. Etant ainsi comme illuminés
par la lumière de la Résurrection, ils
donnent cette grâce au peuple, à l'ouverture
des Portes Saintes.»
Quand le clergé a communié, le prêtre
fractionne les deux parts de l'Agneau restant sur la
patène et marquées des lettres NI et KA.
suivant le nombre des communiants. Il les immerge dans
le calice qu'il recouvre du voile de communion, et sur
lequel il dépose la cuiller.
La
communion des fidèles
Les Portes Saintes s'ouvrent dans le silence devant
les fidèles prosternés. Le diacre présente
le calice et appelle toute l'assemblée à
la communion en disant :
«Avec crainte de Dieu, foi
et amour, approchez.»
«Vêtu de son orarion croisé comme
leurs ailes devant la face des Séraphins, le
diacre, portant le Saint Corps et le précieux
Sang du Christ, ressemble au Séraphin portant
le charbon ardent devant Isaïe. Le chur entonne
un chant qui affirme la présence du Seigneur
: «Amen, amen. Béni soit celui qui vient
au Nom du Seigneur »
Les fidèles, à présent, s'approchent
du calice tour à tour. Le prêtre, aidé
du diacre, leur donne la communion sous les deux espèces
avec la cuiller en nommant chacun par son nom.
De même que le Séraphin au moyen d'une
pincette a déposé sur les lèvres
du prophète Isaïe un charbon ardent
pour les purifier, de même le prêtre, au
moyen d'une cuillère dont le nom liturgique est
«pincette» dépose sur les lèvres
de celui qui communie, le Charbon Ardent par excellence
qu'est le Christ Lui même, pour le purifier et
le vivifier du Feu de l'Esprit-Saint».
«Ce qui m'est donné est le Corps et le
Sang du Seigneur Jésus. Sous les signes physiques,
il y a la réalité, la présence
de mon Sauveur et de son action rédemptrice.
Je participe à l'offrande et au sacrifice du
Golgotha. Les saints Dons que je reçois sont
l'expression du pardon de mes péchés,
que l'Agneau immolé a ôtés de moi
et pris sur Lui-même. Je suis rendu pur par son
sang, lavé et plongé dans son sang, comme
les parcelles de ce pain que le prêtre verse dans
la coupe. Et ce Don m'est un gage de vie éternelle,
car l'Agneau immolé auquel je participe est aussi
l'Agneau réssuscité le troisième
jour. Pâques inclut la Résurrection tout
autant que la Crucifixion du Sauveur. Je communie à
la Résurrection». (L'Offrande liturgique
op. cit. P61-62)
Action
de grâces
Quand la communion des fidèles est terminée,
le prêtre remet le calice sur l'autel. Le diacre
procède alors à l'immersion des parcelles
restées sur la patène dans le Sang du
Christ que contient encore le calice. Ces parcelles
représentent la Vierge, les saints, les vivants
et les morts qui ont été mentionnés
lors de la proscomidie. Pendant que le diacre accomplit
ce rite, il dit les tropaires de la Résurrection.
Au moment où il immerge la parcelle de la Mère
de Dieu, il dit le tropaire suivant :«Illumine,
illumine-toi, nouvelle Jérusalem ! Car la gloire
du Seigneur s'est levée sur toi. Exulte maintenant
et tressaille d'allégresse, ô Sion. Et
toi, toute pure Mère de Dieu, réjouis-toi
de la Résurrection de ton Fils».
«Le Christ ressuscité en répandant
sur l'Eglise, Nouvelle Jérusalem, le feu de son
Esprit-Saint, accomplit définitivement la théophanie
annoncée dans Isaïe 60, 1-3».
Le diacre termine le dépôt des parcelles
en essuyant soigneusement la patène au-dessus
du calice avec l'éponge en disant : «Lave,
Seigneur, par ton Sang précieux et les prières
de tes saints les péchés de ceux dont
il a été fait mémoire ici.»
Ce rite manifeste visiblement l'intercession pour nos
proches, vivants et défunts. Tous ceux dont les
noms ont été mentionnés lorsque
le prêtre détachait des parcelles des prosphores
apportées par les fidèles, se trouvent
à présent, par cette immersion, associés
au mystère de la Rédemption.
Le prêtre, de l'ambon, bénit le peuple
en disant : «0 Dieu, sauve
ton peuple et bénis ton héritage.»
Le chur répond par un chant tiré
de l'office de la Pentecôte, ce qui rappelle que
chaque communion est aussi une réception du Saint-Esprit,
une Pentecôte permanente : «Nous
avons vu la vraie lumière, nous avons reçu
l'Esprit céleste, nous avons trouvé la
foi véritable, adorons l'indivisible Trinité
car c'est Elle qui nous a sauvés.»
Le prêtre rentre dans le sanctuaire pour accomplir
avec le diacre le transfert des Saints Dons de l'autel
à la table de préparation. Le diacre pose
l'astérisque sur la patène et recouvre
le tout de son voile. De même il recouvre le calice.
Puis le prêtre, par trois fois, encense les Saints
Dons en accompagnant cet encensement par ces paroles
:
«Sois exalté, ô
Dieu, au-dessus des cieux et ta gloire resplendira sur
toute la terre.»
Le prêtre évoque ici la montée du
Seigneur auprès de son Père pour y être
glorifié, exalté : c'est le thème
de l'Ascension. Avant de s'élever au Ciel, le
Christ n'avait-il pas dit : «Il est avantageux
pour vous que je m'en aille! Si je ne m'en vais pas,
le Paraclet ne viendra point à vous ; mais si
je m'en vais je vous l'enverrai.» (Jn 16, 7) Dans
la seconde partie du verset, le prêtre appelle
l'Esprit de la Pentecôte qui doit déferler
sur l'Eglise pour accomplir une uvre de transfiguration
qui se révélera dans toute sa plénitude
au jour du dernier avènement.
Le prêtre prend le calice et l'élève
en geste de bénédiction en disant : «Béni
soit notre Dieu.» Et tourné vers
le peuple il dit : «En tout
temps, maintenant et toujours et dans les siècles
des siècles».
Le chur chante un hymne d'action de grâces.
Le diacre sort du sanctuaire, décroise son orarion
pour dire une dernière ecténie ; le prêtre
dit alors la prière d'action de grâces
en pliant l'antimension et en traçant un signe
de croix avec l'Evangéliaire qu'il tient à
deux mains.
13)
CONCLUSION
Renvoi
des fidèles, bénédiction et congé
Le prêtre après cette prière sort
par les Portes Saintes et, s'étant rendu au milieu
de l'église, il dit à haute voix : «Sortons
en paix.» Par ces mots et la prière
de conclusion qui suit il donne le renvoi des fidèles
qui marque, non pas la sortie de l'église, mais
l'entrée de l'Eglise dans le monde. Comme le
dit le Père Schmemann, «le temps de la
mission» commence au moment où la Liturgie
s'achève.
Puis le diacre, qui pendant la prière s'était
tenu incliné devant l'icône du Sauveur,
rentre dans le sanctuaire par la porte Nord et demande
au prêtre sa bénédiction avant de
consommer les Saints Dons. Le prêtre prononce
la prière de la consommation des Dons et, tandis
que le diacre se rend à la table de préparation
pour consommer le contenu du calice, le prêtre
bénit le peuple, prend la croix, sort par les
Portes Saintes, et, tourné vers le peuple donne
le congé. Les fidèles baisent la croix
et prennent un morceau de pain béni, appelé
antidoron, provenant des prosphores de la proscomidie
et évoquant les agapes primitives.
La fin rapide et concise de la Liturgie rompt avec la
lente progression de l'office jusqu'à la communion.
Les communiants participants à présent
au Royaume sont en quelque sorte sortis du temps pour
entrer dans l'éternité. «Et de même
que l'avènement du Fils de l'homme sera comme
l'éclair qui part de ]'Orient et se montre jusqu'en
Occident» (cf. Matth. 24, 27), de même la
communion aux Saints Mystères nous met en présence
du Seigneur sans délai.
Cette rapidité et cette allégresse n'est
pas sans rappeler la Nuit Pascale, où, après
avoir vécu le Grand Carême et les offices
majestueux de la Semaine Sainte, la lumière et
la joie de la Résurrection nous illumine tout
à coup de sa fraîcheur et de sa jeunesse
éternelle.
Tous
les extraits de la Divine Liturgie de St Jean Chrysostome
sont tirés d'une traduction du P. Boris Bobrinskoy
sous la direction du Métropolite Damaskinos de
Suisse aux Editions Tertios.