EGLISE ORTHODOXE D'ESTONIE

Chapitre

Orthodoxie

 
 
 
 

LE TRIODE DU GRAND CAREME

NOTES LITURGIQUES
Le lundi qui suit le Dimanche de l'abstinence de laitage est le premier jour du Grand Carême proprement dit. Pendant quarante jours l'Eglise nous invite à nous préparer au temps de la Passion et au temps de Pâques.
1) LE JEUNE
On ne peut ignorer ou traiter à la légère la question du jeûne alimentaire, à laquelle s'attache une authentique valeur spirituelle. Car le jeûne est une "mise en disponibilité" envers le Christ et sa Parole. Mais il ne faut pas non plus le restreindre autour de la seule abstinence alimentaire. Le jeûne doit surtout nous aider à mieux contrôler nos actes, nos pensées, nos paroles ; à mieux concentrer notre attention sur les exigences du Seigneur, à nous ramener à nos vraies dimensions pour que le prochain soit rehaussé. Le jeûne est un "tout" dont on ne doit pas scinder les aspects intérieurs et les aspects extérieurs, mais où les premiers sont les plus importants.
2) LES LITURGIES EUCHARISTIQUES
a) En semaine
Selon notre discipline, les jours de jeûne (c'est-à-dire tous les jours de Carême, sauf le samedi et le Dimanche, jour de la Résurrection), il n'y a pas de célébration de la Divine Liturgie en signe de pénitence. Pour permettre cependant aux fidèles de communier, les Saintes Espèces son soigneusement conservées après la Liturgie du Dimanche et sont offert aux fidèles, les mercredis et vendredis, au cours d'une Liturgie dite des Présanctifiés, c'est-à-dire où les Saintes Espèces ont été consacré préalablement. Aussi cette Liturgie qui est plus exactement un office de Vêpres suivi de communion, ne comporte pas de consécration eucharistique.
Le Samedi, on célèbre la Divine Liturgie de Saint Jean Chrysostorme.
b) Le Dimanche
Durant tout le Carême, on célèbre la Liturgie de Saint Basile le Grand au lieu de celle de St Jean Chrysostome.
Cette Liturgie est célébrée dans notre Eglise dix fois par an, comme suit :
- les 5 premiers Dimanches de Carême,
- le Jeudi Saint, le Samedi Saint,
- la veille de Noël et de l'Epiphanie (mais si ces fêtes tombent un dimanche ou un lundi, la Liturgie de St Basile aura lieu le jour même de la fête),
- le 1er janvier, fête de Saint Basile.
3) LES GRANDES COMPLIES
C'est le dernier des offices du jour, que l'on dit les lundis, mardis, mercredis et jeudis du Grand Carême.
Dans cet office on lit une grande prière biblique de pénitence, celle de Manassé, roi de Juda.
4) LE GRAND CANON DE ST ANDRE DE CRETE
Il est lu par partie aux Grandes Complies, les lundi, mardi, mercredi et jeudi de la première semaine de Carême, et intégralement le mercredi soir de la cinquième semaine. C'est un grand poème de 250 strophes, réparties en neuf odes.
5) L'HYMNE DE L'ACATHISTE
C'est un long poème de louange à la Sainte Vierge Marie, qui comprend 24 strophes, disposées selon un ordre alphabétique et divisées en quatre parties. Les quatre premiers vendredis de Carême, on en lit successivement une partie le soir à Complies. Le cinquième vendredi, on lit tout l'hymne.
L'office s'appelle "acathiste" parce qu'on le chante debout. (Littéralement c'est l'hymne pendant le chant duquel on ne s'assoit pas).
En 626, les Avares et les Perses assiégeaient Constantinople, dont l'Empereur était Héraclius. Le clergé et le peuple auraient alors passé la nuit entière en prière, chantant debout cet hymne à la Vierge. Et la ville fut sauvée. On ajouta par la suite le souvenir de deux autres délivrances de Constantinople, lorsque la ville eut à soutenir le siège des Arabes en 677 et 717. L'auteur de l'hymne serait pour les uns le Patriarche Serge de Constantinople, pour les autres son archiviste, Georges le Pisside.
6) LE PREMIER SAMEDI DE CAREME
nous faisons mémoire du miracle des kolybes de St Théodore le conscrit, qui mourut martyr au 4è siècle de notre ère. Voici comment eut lieu ce miracle : Julien l'Apostat ayant ordonné d'exposer au marché des produits déjà offerts aux idoles et pollués par le sang des victimes, le saint martyr apparut au Patriarche de Constantinople Eudoxe pour avertir les chrétiens de ne se nourrir que de kolybes, grains de blé bouillis à l'eau et assaisonnés de sucreries, et que nous consommons encore quand nous célébrons nos requiem.

Dimanche 28 janvier 2018

Dimanche du publicain et du pharisien

Ton 1 ; Matines 1er Evangile

Epître : 2Tm III,10-15 ; Evangile : Lc XVIII,10-1

St Ephrem le Syrien

Ga 5, 22-6, 2 ; Mt 11, 27-30

Mardi 30 janvier 2018

Synaxe des saints hiérarques Basile le Grand,

Grégoire le Théologien et Jean Chrysostome

Epître : Hb 13, 7-16 ; Evangile : Mt 5, 14-19

Tropaire, ton 1

Aux trois immenses luminaires du triple Soleil divin qui ont embrasé le monde sous les rayons de leurs divins enseignements, aux fleuves mellifères de la Sagesse, qui ont irrigué, sous les flots de la divine connaissance, l'entière création, Basile le Grand, Grégoire le Théologien et l'illustre Jean au verbe d'or, nous tous, les amants de leurs paroles, réunis, chantons des hymnes en leur honneur, car ils ne cessent d'intercéder pour nous auprès de la sainte Trinité.

Homélie

Mes chers amis,
Nous voici réunis ce matin pour honorer la mémoire des trois saints et grands Docteurs de notre foi, Basile le Grand, Grégoire le Théologien et Jean Chrysostome. Plus que la perpétuation de leur souvenir, je dirai que nous nous retrouvons avec eux dans une authentique "synaxe" au sens le plus liturgique du terme.
Nous savons que l'origine de cette fête se situe au 11ème siècle et devait mettre un terme aux querelles qui divisaient alors les chrétiens de Constantinople les plus cultivés et les plus vertueux, qui cherchaient à savoir lequel des trois saints était le plus grand. Dans un songe, le métropolite Jean dit Mavropous les vit tous les trois ensemble lui dire d'une même bouche : "Nous ne formons qu'un auprès de Dieu et rien ne peut ni nous séparer ni nous diminuer l'un par rapport à l'autre car il n'y a pas de premier ou de second entre nous. Va donc dire à ceux qui en viennent aux mains à cause de nous que nous n'avons qu'un seul désir, la paix et la concorde de tout le peuple !" Il en fut donc ainsi et le métropolite choisit la date du 30 janvier, considérant que c'était le jour le plus propice puisque dans ce même mois on fête Basile le 1er de l'an, Grégoire le 25 et Chrysostome le 27.
Ainsi, par cette initiative, on signifia l'égalité et l'unité des trois Docteurs de la Foi et depuis ce jour nos icônes les représentent toujours ensemble, vêtus de leurs habits pontificaux, tenant dans une main le saint Évangile et de l'autre bénissant, unis dans un même esprit et comme formant un seul corps. Ils restent pour l'éternité l'exemple de l'idéal chrétien. Par-dessus tout ils ont réussi à concilier à la perfection non seulement l'éducation mais aussi la culture et la philosophie grecques avec la foi véritable. Bien plus, ils jouèrent un rôle majeur dans l'évolution de la vie cultuelle de notre Eglise à tel point que les Divines Liturgies que nous célébrons portent leurs noms. Et que dire des prières et des hymnes qu'ils nous ont léguées ! Telle est l'image que nous conservons d'eux : sans cesse ils nous enseignent les mystères de l'Eglise, sans cesse ils nous gardent dans ce lien de communion entre tous les membres du Corps du Christ, vivants ou endormis, sans cesse ils participent à nos actes de louange à Dieu, unissant leurs intercessions à celles de toute l'Eglise, où qu'elle soit sur terre et dans le ciel.
Mais si nous célébrons avec joie leur mémoire commune, ce n'est pas uniquement pour les honorer. C'est surtout pour nous inspirer dans notre vie et dans nos actes des enseignements qu'ils nous ont laissés. Et plus spécialement nous, chrétiens orthodoxes, qui vivons en Occident ; d'autant que nous savons bien que l'histoire ne doit pas seulement être entendue comme une grandeur purement humaine ou purement divine, mais comme cette réalité à laquelle prennent part à la fois Dieu et l'homme. D'autant aussi que, mieux que nos frères qui vivent en Orient, nous pouvons comprendre, nous qui sommes confrontés en permanence aux réalités de l'Occident, que bien plus que les différences théologiques en elles-mêmes, ce qui importe en premier de nos jours, ce sont bien les conséquences de ces différences sur la vie et sur l'action. Le moment serait donc mal venu pour nous de renoncer au spirituel, alors qu'il s'agit d'apporter à l'homme d'aujourd'hui, si souvent mis à mal, si souvent plongé dans le désespoir et dans des souffrances qui ne servent apparemment à rien, la certitude de sa transcendance et les forces intérieures indispensables à la maîtrise de la technique et de la machine. Garder le monde actuel, c'est garder son orientation et sa tendance vers le dépassement continuel jusqu'à l'incréé, jusqu'à sa finalité extrême qui est la communion avec Dieu. Garder le monde actuel, c'est garder la foi. Garder le monde actuel, qui est, nous le savons bien, en même temps en création et en corruption, c'est aussi garder le dynamisme créateur que Dieu nous a donné afin que justement nous le sauvegardions de cette même corruption.
C'est sur ce point que nous saisissons toute l'importance de la fête de ce jour : Basile, Grégoire et Jean Chrysostome nous rappellent que cette sauvegarde ne peut être accomplie que par l'intégration des réalités du monde dans l'Eglise, par leur transformation en "corps de l'Eglise".
Sa Sainteté le patriarche Bartholomée, en parlant de l'Europe, insiste sur le fait que, dans un monde "désorienté", autrement dit qui a perdu le sens de l'existence parce qu'il n'est plus capable de se reconnaître "image de Dieu" et d'aborder l'existence comme don et comme parole de Dieu, nous devons apprendre à nous "réorienter", c'est-à-dire à retrouver d'une certaine manière notre "véritable Orient intérieur". Si nous sommes convaincus que l'Eglise, comme projet divin et comme destin, est bien coextensive du monde, pourquoi n'oserions-nous pas affirmer que cette même Eglise, ainsi que le dit si bien le métropolite du Mont Liban Mgr Georges Khodr, "passionnée de son Epoux, le Christ Roi, sereine à l'égard des enfantements de l'histoire, toujours accueillante de la créativité et de la liberté, vivant humblement dans l'absolue métaphysique de la pauvreté et témoignant devant les puissances et le pouvoir" est bien ce parfum du Royaume
Plus que jamais l'homme d'aujourd'hui a besoin d'apprendre à aimer et à admirer ; plus que jamais il a besoin de cette paisible beauté "qui crée, selon Denys l'Aréopagite, toute communion" ; plus que jamais il est appelé à libérer la "parole muette du cosmos", à "nommer les vivants", à respecter, à embellir et à spiritualiser l'univers non pas en se "cosmisant" c'est-à-dire en disparaissant comme existence personnelle, mais en "personnalisant" tout le cosmos pour peu qu'il inscrive dans son savoir et dans son vouloir cette "contemplation de la gloire de Dieu cachée dans les êtres et les choses" dont ont si bien parlé nos grands spirituels et plus particulièrement les trois saints Docteurs qui font ce matin l'objet de toute notre attention. Ce que je retiens d'eux, c'est principalement ceci :
-un vrai enseignement de théologie orthodoxe devrait pouvoir nous apprendre à mettre l'homme devant "ce qui ne sert à rien mais éclaire tout" parce qu'il existe encore des réalités secrètes qu'on ne peut ni expliquer, ni acheter, mais seulement contempler ;
-un vrai enseignement de théologie orthodoxe devrait pouvoir permettre à l'homme de saisir son existence comme une célébration, comme une fête où il pourrait enfin trouver une parole, des images et des gestes de vérité même si l'histoire folle de cette fin de siècle semble sans cesse le faire taire ;
-un vrai enseignement de théologie orthodoxe devrait permettre, en ne se situant prioritairement qu'au niveau des légitimations ultimes, de faire réfléchir la société et lui rappeler sa possibilité et son sens surtout de l'amour et non pas la laisser s'enfermer dans cette fascination par la mort que désormais elle ne cesse de sécréter, engendrant par-là même en elle une sorte d'angoisse du crime contre l'autre ou contre elle-même.
Par-delà nos ritualismes, nos intégrismes et nos nationalismes à la limite du paganisme, nous autres Orthodoxes devrions pouvoir saisir, de façon plus clairvoyante, plus responsable, cette opportunité que nous offre la rencontre avec l'Occident, et notamment grâce au dialogue oecuménique, afin de sortir l'homme d'aujourd'hui de la sécheresse de son rationalisme et de la tristesse de ses positions par trop souvent unilatérales et ce, dans le but de lui rappeler que l'être humain n'est pas simplement fait de parole et de raisonnement, de pensée ou de liberté de pensée. L'être humain est, au-delà de tout, "mystère". Un mystère qui s'inscrit et se circonscrit dans un visage. Et ce visage ne peut vivre avec les autres que dans la communion née de l'amour, à l'exemple de celle des trois saints Docteurs, sans quoi il ne peut y avoir de véritable communion. Une telle vision doit nécessairement être prise en compte dans notre vécu ecclésial pour exclure toutes nos peurs qui n'ont rien de commun avec l'amour et inclure toutes les formes d'amour qui, elles, n'ont rien de commun avec la peur. Sans cette exigence, pourquoi aux yeux de nos semblables le témoignage évangélique de notre Eglise serait-il encore crédible, encore authentique ? Mais pour ce faire, il nous faut changer de mentalité afin de promouvoir le gratuit, l'inassimilable, ce qui, comme cela a déjà été dit plus haut, "ne sert à rien mais éclaire tout". Pour insister aussi sur les deux dimensions inséparables de communion et de transfiguration et ainsi, enfin, mieux comprendre que Dieu est la liberté de l'homme, c'est-à-dire Quelqu'un qui s'interpose à jamais entre le néant et nous.
Mes chers amis, ne nous leurrons pas. Notre Eglise, devant le défi de la modernité et de la mondialisation a besoin aujourd'hui d'interprètes capables de proposer une nouvelle traduction de la Parole évangélique en partant de l'homme lui-même. Cette grande responsabilité, Basile, Grégoire et Jean Chrysostome l'ont pleinement assumée à travers leur théologie. A notre tour maintenant de mettre nos pas dans les leurs, à notre tour d'oser prendre le risque de nous arracher de ce monde, quitte à le retrouver comme "buisson ardent", afin de souligner avec vigueur et courage que l'Evangile, c'est avant tout la croix et la résurrection et non pas la croisade. Amen !

Mgr STEPHANOS Métropolite de Tallinn et de toute l'Estonie
Institut Saint Serge (Paris, France), le 12 février 1999

Vendredi 2 février 2018

La Sainte Rencontre de Notre Seigneur, Dieu et Sauveur Jésus-Christ

CHANDELEUR

Liturgie : Epître : Hb 7, 7-17 ; Evangile : Lc 2, 22-40

En ce jour, le Créateur du ciel et de la terre était porté dans les bras par le saint vieillard Siméon ; et celui-ci s'écriait dans le Saint-Esprit : "Maintenant je vais être libéré car j'ai vu mon Sauveur."

Aujourd'hui, le saint vieillard Siméon entre dans le Temple, l'esprit en joie, pour recevoir Celui qui donna la Loi à Moïse et qui l'accomplit. Moïse avait été jugé digne de voir Dieu au travers d'un nuage et de voix indistinctes, et c'est la face voilée qu'il avait convaincu les coeurs infidèles des Hébreux. Siméon, lui, porta le Verbe éternel et il découvrit la lumière des Gentils, la Croix et la Résurrection. Et Anne la prophétesse se montra pour annoncer le Sauveur libérateur d'Israël. Crions-lui : Christ notre Dieu, par la Mère de Dieu, aie pitié de nous.

La prière des Eglises de rite byzantin

"Allons, nous aussi... à la rencontre du Christ et accueillons-le, ornez votre chambre... et recevez le Christ Roi... et accueillez Marie, la porte du ciel." Ces chants de la fête de la Présentation s'appliquent aussi à notre âme. Chaque âme devrait être un temple de Dieu, où Marie apporte Jésus. Et chacun de nous, comme Siméon, devrait prendre l'enfant dans ses bras et dire au Père : "Mes yeux ont vu ton salut." La prière de Siméon, "laisse ton serviteur s'en aller en paix", ne signifie pas seulement que celui qui a vu Jésus et l'a tenu dans ses bras peut maintenant quitter cette vie, mourir en paix. Elle signifie encore pour nous que, ayant vu et touché le Sauveur, nous sommes délivrés de la servitude du péché et nous pouvons nous éloigner en paix du royaume du mal.

Un moine de l'Eglise d'Orient : "L'an de grâce du Seigneur"

Samedi 3 février 2018 : Sts Siméon le Juste et Anne la Prophétesse

Fête de la cathédrale de Tallinn

Hb 9, 11-14 ; Lc 2, 25-28

Dimanche 4 février 2018

Dimanche du Fils Prodigue

Ton 2 ; Matines : 2è Evangile

Epître : 1Co 6, 12-20 ; Evangile : Lc 15, 11-32

MEDITATION
L'Eglise nous ouvre les portes du repentir par la voie de l'humilité. Avec le Fils prodigue elle nous définit le sens véritable de la métanoïa, qui dépasse et englobe à la fois la notion courante du repentir comme moyen conscient de l'existence personnelle. Le saint sera donc ce pénitent, pécheur toujours plus conscient d'être le premier des pécheurs et, de ce fait, ouvert à la grâce. Tant il est vrai, comme l'affirme Saint Isaac le Syrien, que la "seule porte de la grâce" est le repentir.
Le Fils prodigue s'est imaginé pouvoir exister et agir en dehors de son Père, poussé par quelque désir aussi trompeur que secret, de curiosité, d'aventures et de vanité. En cela il ne diffère pas beaucoup de nous et de notre époque: ce que son Père lui offrait ne lui suffisait plus; il lui fallait se libérer aussi d'une tutelle qui l'empêchait de devenir maître de son destin, voire même de le commander. Il va donc s'en aller loin, très loin, vers ces lieux nouveaux d'un monde nouveau. Pour mieux les dominer!
Et ainsi de s'égarer! Son âme perd la simplicité du discernement Le cœur qui se durcit se laissera peu à peu gagner par toutes les incertitudes. A force de tout désirer avec exagération, le voici plongé dans le tragique de toutes les
insignifiances. "Tout m'est permis, écrit St Paul, mais j'entends, moi, ne me laisser dominer par rien." Le fils indigne ne le comprendra que beaucoup plus tard, après avoir porté dans sa chair et dans son esprit les terribles stigmates du mirage de "sa vie libre". A ses cris douloureux, qui ne sont pas encore "douloureuse affliction", répondront la faim, la misère, la déchéance totale.
Alors il va rentrer en lui-même: chaque nœud de son bâton qui le conduit au Père est une larme de repentance. Le retour au Père! A la crainte qui le saisit encore succèdent la foi et l'espérance: le cœur durci fond enfin; oui, la seule vraie voie conduit au Père.
Car le Père est Amour. Le frère aîné ce troisième personnage; de la parabole, se montre jaloux. Il s'irrite du pardon généreusement donné. Il refuse, malgré les instances de son Père, de prendre part aux réjouissances.
Comme si la miséricorde divine faisait tort à la justice. Comme si l'Amour distingue le premier du dernier selon nos convenances propres et nos appréciations. Tout ce qui était au Père, n'était-il pas toujours au fils aîné ?
Mais dans la maison du Père brûle aussi un amour sans limites, une brûlante affection pour le pécheur. Le fils aîné, dans sa colère, ne comprit pas qu'au pécheur repentant Dieu accorde la plus grande grâce qu'il puisse recevoir, un maximum de grâce.

Kondakion (t.3)

Quittant follement ta gloire paternelle, j'ai dissipé dans le mal la richesse que tu m'avais donnée. Et je te dis les paroles du fils prodigue : j'ai péché contre Toi, Père compatissant. Reçois-moi qui me repens et fais de moi l'un de tes serviteurs.

Texte à méditer

Eveille-toi, lève-toi d'entre les morts et sur toi luira le Christ. (Ephés 5, 14) ET TU TOUCHERAS LE CHRIST !

HOMELIE par le P. André Borrely

Dimanche dernier, la Sainte Eglise nous prévenait que le Grand Carême qui approche, devrait être pour nous un temps de repentir, de conversion, à l'exemple du publicain, et non une occasion d'imiter le pharisien en faisant du jeûne et de l'ascèse des "œuvres" qui nous vaudraient des mérites et nous donneraient des droits sur Dieu.,
Aujourd'hui, elle poursuit le même enseignement en nous mettant en garde contre le danger d'imiter, durant le Carême, le fils aîné de la parabole. C'est un peu à tort qu'on appelle cette parabole "la parabole de l'Enfant prodigue". Il serait plus exact de l'appeler soit "la parabole de l'amour du Père" soit "la parabole des trois fils" : le fils prodigue, le fils aîné et Jésus qui est le vrai Fils aîné.
Le fils prodigue dit: "Père, j'ai péché contre le Ciel et contre toi". "Contre le Ciel" signifie "contre Dieu". Le père de la parabole n'est donc pas Dieu, mais un père terrestre. Il est cependant évident que son amour paternel est une image de l'amour divin. Quand donc le père dit à l'aîné : "Tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi", cette affirmation de l'unité de l'être, d'où s'ensuit une parfaite communication de tout l'avoir familial, convient aussi bien à la vie divine de la Sainte Trinité. C'est exactement ce que dit Saint Jean : "Au commencement le Verbe était face à Dieu"... "Croyez-Moi : Je suis dans le Père et le Père est en Moi"..."Tout ce qui est à Moi, Père, est à Toi, et tout ce qui est à Toi est à Moi". Il y a identité littérale entre cette parabole et ce qui se passe dans les profondeurs de la vie trinitaire telles que nous les révèle le quatrième Evangile.
Le fils aîné de la parabole apostrophe son père et le couvre de reproches parce qu'il crève de jalousie. Il refuse d'appeler "frère" celui qui vient de rentrer. Jésus, lui, est le vrai fils aîné. Il est parti à la recherche des fils prodigues que nous sommes, pour nous restituer l'esprit familial et l'héritage perdu. Cette parabole nous dit que le Dessein éternel de Dieu sur l'humanité se réalise à travers, voire au moyen des péchés des hommes, qu'ils soient infidèles comme l'enfant prodigue ou mal fidèles comme le fils aîné. Elle nous décrit la bonté paternelle, c'est-à-dire, en fin de compte, la bonté divine. Le père de famille traite celui qui revient à la maison, non comme un journalier, mais comme un hôte de marque. La robe de fête est en Orient la marque d'une haute distinction. Il n'existait alors aucune "décoration" et lorsqu'un roi voulait honorer un de ses dignitaires particulièrement méritant, il lui offrait un vêtement luxueux. C'est pourquoi le fait de revêtir un vêtement neuf est un symbole du temps du salut. L'enfant prodigue est traité en invité d'honneur. L'anneau qu'on lui remet est une bague-cachet ; la remettre à quelqu'un, c'était lui donner les pleins pouvoirs. Quant aux souliers, c'était un luxe et seuls les hommes libres en portaient : le fils ne doit pas plus longtemps courir pieds nus comme un esclave. On mange le veau gras: il est rare à cette époque de manger de la viande. C'est ici un signe de joie et de fête pour la maison et les domestiques, et un symbole de l'accueil solennel du fils qui revient s'asseoir à la table familiale. Ces marques d'honneur sont la manifestation visible du pardon : le fils prodigue retrouve sa situation de fils et tout le monde doit le savoir. Comme ce père qui organise un festin, Dieu, bon, indulgent, miséricordieux, débordant d'amour, est plein de joie, lorsque celui qui était perdu, rentre au bercail.
Mais Jésus a raconté la parabole à des hommes qui ressemblent au fils aîné. Gare à nous qui nous apprêtons à jeûner, si nous demeurons sans joie, froids, insensibles, ingrats et infatués de nous-mêmes ! Malheur à notre Carême s'il ne sert qu'à alimenter notre égoïsme et la trop bonne opinion que nous avons de nous-mêmes ! L'intérêt du Carême, sa raison d'être, c'est que les morts ressuscitent, que ceux qui étaient perdus reviennent à la maison du Père. Si elle est satisfaite d'elle-même, notre "justice" nous sépare de Dieu. Le Carême ne doit donc pas être un temps d'autosatisfaction.
L'erreur primordiale du cadet fut de n'avoir pas pris conscience du privilège qui était le sien, d'être de naissance de la famille de son père. Son tort a été de n'en vouloir que l'avoir. Il exige non seulement d'avoir le droit de propriété, mais aussi le droit de disposer des biens. Il veut donc être indemnisé et pouvoir s'organiser une vie indépendante. Il transforme "tout son bien" en argent et émigre. Il doit s'occuper d'animaux impurs (les cochons) et il est ainsi perpétuellement obligé de renier sa religion (sans doute aussi doit-on garder les porcs le jour du sabbat !). Son père a accepté le partage demandé et le départ de son fils. Par là il révèle de quelle sorte est son amour : non seulement de don total ("tout ce qu'il avait acquis"), mais laissant liberté entière aux fils de choisir à leur gré le type de rapports qu'ils entendent garder avec leur père : soit d'un père tirelire, soit d'une "vie avec". Mais la "vie avec" ne doit pas être celle du fils aîné.
Au moment de Pénétrer dans le temps du Carême, nous devons nous dire que celui-ci ne doit pas faire de nous seulement des "justes". Car il y a quelque chose au-dessus de la justice, c'est la bonté d'un cœur s'ouvrant, tout grand et librement. Sans la bonté, la justice devient froide. L'homme ankylosé dans la justice a le sentiment qu'en se convertissant le pécheur sort de l'ordre établi. Qu'est-ce-que cela signifie que ce vaurien, après avoir tout gaspillé, devienne maintenant vertueux et se tire ainsi d'affaire ?
Ceci dit, il reste que l'expression «Tout m'est permis" ne signifie pas qu'il faille se dispenser de Carême et d'ascèse. Ce "tout M'est permis" par lequel commence l'épître d'aujourd'hui, est probablement un adage de Paul qu'avaient adopté, Pour en fausser le sens, les pagano-chrétiens de Corinthe, partisans de la liberté absolue. L'ascèse est indispensable au corps dans la mesure où celui-ci est "Je temple du Saint-Esprit". Je n'ai pas un corps comme on possède un vêtement ou une montre. Je suis mon corps. Mon corps, c'est moi, c'est le phénomène de contact de ma personne créée à la réplique de Dieu et selon sa ressemblance. A l'ère du Minitel rose et de la grande bouffe, des films porno, d'un Internet où les sites vulgaires pullullent et d'une humanité divisée en deux : ceux qui meurent de malnutrition et ceux qui meurent (du cancer, des maladies cardio-vasculaires) pour avoir trop mangé durant trop longtemps, il est salutaire de rappeler la nécessité du jeûne et de l'ascèse : pour que je parvienne à "ne me laisser dominer par rien". Le tout est que nous jeûnions avec la mentalité du publicain et non avec celle du pharisien, que nous pratiquions l'ascèse dans l'esprit de repentir du fils cadet et non dans le sentiment de justice ankylosée du fils aîné. Alors nous deviendrons les fils du Père par l'entremise de l'Unique Fils aîné.

Samedi 10 février 2018 : Samedi des défunts

Epître : 1Th 4, 13-17 ; Evangile : Jn 5, 24-30

En ce samedi des défunts, les divins Pères ont prescrit de faire mémoire de tous ceux qui, depuis l'origine des siècles, se sont endormis dans l'amour de Dieu et l'espérance de la résurrection, de la vie éternelle.

Dimanche 12 février 2018

Dimanche du carnaval ou du dernier jour de viande

Dimanche du Jugement dernier

Ton 3 ; Matines : 3è Evangile

Epître : 1Co 8, 8 - 9, 2 ; Evangile : Mt 25, 31-46

Texte à méditer

"...Epuiser volontairement son corps au point de fatiguer l'esprit, c'est faire une mortification déraisonnable, même si on le fait pour acquérir la vertu. (...) Il faut se nourrir chaque jour autant qu'il est nécessaire pour que le corps fortifié soit l'ami et l'aide de l'âme dans la pratique de la vertu ; sinon il peut arriver que le corps n'en pouvant plus, l'âme s'affaiblisse elle aussi."

(St Séraphim de Sarov. Instructions spirituelles in Ascètes russes pp64-75 Ed Soleil levant Namur 1957)

Ce jour nous faisons mémoire de la seconde et intègre Parousie de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Juge de tous, quand Tu siégeras pour juger la terre, juge-moi digne d'entendre ta voix qui dira : Venez.

Dans ton ineffable amour de l'homme, Christ-Dieu, donne-nous d'entendre ta voix désirée.

Compte-nous avec ceux qui sont à ta droite.

Aie pitié de nous.

MEDITATION
Dieu a dit par le prophète: "Ceci est mon repos : Fais reposer ceux qui sont accablés." (Is.28/12)
Fais donc le repos de Dieu ô homme et tu n'auras pas besoin du "pardonne-moi". Fais reposer les accablés, visite les malades, occupe-toi des pauvres, et cela est la prière. Et je t'assure, mon ami, chaque fois qu'un homme fait ainsi le repos de Dieu, cela est prière (...).
Sois donc attentif, mon ami : s'il se présente à toi quelque chose d'agréable à Dieu, ne dis pas : "C'est le temps de la prière. Je vais prier et je ferai cela après". En attendant que tu aies fait la prière, la chose qui aurait fait plaisir à Dieu, t'aura échappé. Tu auras ainsi perdu l'occasion de faire la volonté et le bon plaisir de Dieu. Par ta prière, tu auras commis un péché. Fais ce qui plaît à Dieu. C'est cela prier.(...)
Ecoute la parole de l'apôtre : "Si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions pas jugés" (1 Cor. 11/31).
Juge toi-même ce que je vais te dire. Si tu pars pour un long voyage et qu'à cause de la chaleur il t'arrive d'avoir soif, si tu rencontres alors un frère et que tu lui dises : "Soulage-moi de la soif qui m'accable", et qu'alors il te réponde : "C'est l'heure de la prière. Je vais prier, et ensuite je me rendrai chez toi" ; en attendant qu'il ait pitié et revienne a toi, tu mourras de soif.
Que t'en semble ? Qu'y a-t-il de meilleur pour toi, qu'il aille prier, ou qu'il apaise ton tourment ?
Quelle utilité aura la prière de celui qui ne soulage pas la souffrance du prochain ? Le Seigneur n'a-t-il pas déclaré que nous serions jugés sur nos œuvres ?(...)
Ce que je t'ai écrit : "Quand on fait la volonté de Dieu, cela est prière", cela me semble beau. Mais parce que je te l'ai dit, ne va pas te relâcher de la prière et ne cède pas à l'ennui selon ce qu'il est écrit que Notre Seigneur a dit : "Priez et ne vous lassez pas". Applique-toi à la veille, chasse de toi la somnolence et la pesanteur. Sois en éveil jour et nuit, et ne te laisse pas aller au découragement.
(Aphraate le Persan. UNE NUEE DE TEMOINS, pp. 66-67, Ed. du Cerf, 1974).

HOMELIE par le P. André BORRELY

Durant tout le Grand Carême nous nous abstenons de viande, d'œufs et de tout laitage. Mais l'Eglise qui est une mère pleine de bonté, nous invite à entrer dans le Carême progressivement. L'usage de la viande est autorisé aujourd'hui encore. A partir de demain, seulement le laitage restera autorisé jusqu'à dimanche compris. Et demain en huit commencera le Carême proprement dit.
De là le choix de l'épître de Saint Paul aux Corinthiens. Comme elle ne cesse de le faire depuis le dimanche du publicain et du pharisien, la sainte Eglise nous encourage certes à jeûner, mais tout de suite elle ajoute : "Quand vous jeûnez, ne vous prenez pas au sérieux. L'usage des aliments (carnés ou non) ne doit jamais devenir une fin en soi mais toujours demeurer un moyen au service de l'essentiel qui est la conversion du cœur de pierre en cœur de chair". Au temps de Saint Paul, dans la communauté pagano-chrétienne de Corinthe, la question était de savoir si des chrétiens pouvaient s'approvisionner dans les boucheries où l'on vendait des viandes qui avaient été immolées aux idoles et que les bouchers avaient achetées dans les temples païens. Saint Paul se sentait libre de consommer de telles viandes. Mais il y avait des "faibles" (notamment des judéo-chrétiens, d'anciens juifs qui avaient reçu le baptême) qui étaient viscéralement hostiles à une telle consommation et scandalisés par ceux qui croyaient pouvoir l'accepter. Et Saint Paul de conseiller de mettre l'amour des "faibles", le souci de ne pas les scandaliser, au-dessus de la liberté qu'il éprouve devant les viandes immolées aux idoles. "Je me passerai de viande à tout jamais, afin de ne pas causer la chute de mon frère". La liberté de l'Apôtre, nous devons la faire nôtre en temps de Carême : si je jeûne, je ne dois pas devenir esclave de mon jeûne. Ne pas manger de viande durant des semaines est un non-sens, si durant des semaines je continue à dire du mal des autres, si je me permets de juger ceux qui ne font pas le Carême, etc... Si je suis invité chez des gens qui ne savent plus du tout ce qu'est le jeûne, ni l'Eglise, ni le christianisme, et qui, pleins de bonté et d'amour cependant, ont fait des frais pour me recevoir, qu'est-ce qui sera le plus important aux yeux du Christ : que je puisse lui dire au soir de ma vie qu'aucun produit d'origine animale n'a pénétré en moi en temps de Carême, ou bien que mon souci a été de ne pas décevoir des gens qui avaient fait tout leur possible pour me témoigner leur amitié et leur hospitalité ? Paul était prêt à se «passer de viande à tout jamais" plutôt que "de causer la chute de (son) frère" à cause d'un aliment. En cette fin du XXème siècle, dans une civilisation désormais post-chrétienne, il peut arriver que nous soyons amenés à consommer de la viande afin d'éviter une telle chute. C'est le jeûne qui, comme le sabbat, est fait pour l'homme et non point l'homme pour le jeûne.
Mais cet avant-dernier dimanche avant le début du Carême est aussi bien celui du Jugement dernier. Il ne s'agit plus seulement, comme dans certaines paraboles, du jugement particulier qu'opèrent la mort et la parution devant Dieu, mais de la Parousie proprement dite. Et en nous faisant lire ce passage du premier Evangile, la sainte Eglise poursuit le dessein qu'elle a exprimé dès le dimanche du publicain et du pharisien : le jeûne, l'ascèse ne sont que des moyens d'aller en Enfer s'ils ne sont pas au service de la miséricorde et de l'amour. Pour s'entendre appeler par le Christ installé sur son trône de gloire : "les bénis de mon Père", il ne suffira pas d'avoir jeûné. Encore faudrait-il que notre jeûne ait manifesté sa fécondité dans les six "œuvres de miséricorde" retenues par le Nouveau Testament et la tradition chrétienne : donner à manger et à boire à qui en a besoin, accueillir l'étranger, vêtir celui qui est nu, visiter les malades et les prisonniers. L'Ancien Testament prescrivait déjà ces œuvres en y ajoutant l'aide aux veuves et aux orphelins et l'ensevelissement des morts. Ce sont les besoins humains les plus criants : manger et boire, avoir un logement et des vêtements, être secouru dans la maladie. L'aumône est une réponse globale à ces besoins divers, aussi a-t-elle été de tout temps recommandée. Le tout est qu'elle soit effectuée avec cœur et personnalisée.
Mais le plus important est ici la révélation d'une rencontre entre les païens eux-mêmes et le Christ. En s'identifiant à ceux qui sont dans le besoin, Jésus affirme la possibilité pour celui qui l'ignore, de le rencontrer cependant en la personne des pauvres auxquels le païen aura témoigné de l'amour. Et malheur aux jeûneurs qui, en pareilles circonstances, auront été inférieurs à ces païens ! De nos jours, nous pouvons remplacer "païens" par "agnostiques", par "athées", voire par «le-chrétien-qui-ne-va-pas-à-la-messe". Comment oser situer hors de l'Eglise telle qu'elle, apparaît aux yeux de Dieu, l'homme qui, sans être chrétien ou sans être "pratiquant", aura donné au Christ qu'il ignore ou connaît mal, le témoignage d'un amour agissant envers les frères du Christ ? Chaque fois qu'un homme en aime un autre, il est engendré de Dieu, Dieu est présent en lui. L'amour qui unit un homme à un autre homme, procède de Dieu, a sa source en Dieu, part de Dieu, dont Saint Jean nous dit qu'il est Amour. Chaque fois qu'il est authentique, l'amour est pour l'homme communion à la génération divine du Fils, communication de la Vie même du Fils, c'est-à-dire du Saint-Esprit. Chaque fois qu'il est authentique, l'amour se trouve donc dans l'Eglise intérieure (visible ?, invisible ?, cela dépend). A l'insu de l'incroyant qui aime, l'amour descend de Dieu et germe dans le cœur de cet incroyant par le don que ce dernier fait de lui-même à autrui. Hors de l'amour point de salut ! Celui qui prétend être dans l'Eglise par l'ascèse du Carême tout en "haïssant" son frère (= sans l'aimer), est en fait hors de l'Eglise. L'amour humain de l'incroyant pour l'homme qui est dans le besoin, signifie la présence cachée mais effective en cet incroyant de l'Amour qui est Dieu lui-même. Le don désintéressé qu'un homme (fut-il incroyant) fait de lui-même aux autres, le fait entrer à son insu dans l'Eglise, dans la mesure où ce don procède du don du Père à son Fils et prolonge inconsciemment le don vivifiant du Fils qui communique aux hommes l'Esprit Saint "libéré" par la résurrection du Christ d'entre les morts.
Si Dieu est Amour, l'incroyant qui est dans l'amour de Dieu, est en Dieu et celui qui jeûne sans aimer, est hors de Dieu. Nous devons jeûner durant le Grand Carême, mais à la condition expresse que ce soit pour mourir à nous-mêmes et pour aimer. Alors, mais alors seulement, étant capables de donner la vie à autrui, nous ne serons pas étrangers à l'acte divin et incréé par lequel le Père donne à son Fils sa Vie divine, son Saint-Esprit, et à l'acte divino-humain par lequel le Fils meurt sur la Croix pour faire éclater en sa Résurrection l'écorce charnelle assumée à l'Annonciation et ainsi vivifier et diviniser dans le Saint-Esprit les enfants du Père.

Dimanche 18 février 2018

Dimanche de la tyrophagie ou du dernier jour des laitages

Dimanche de l'Expulsion d'Adam

Ton 4 ; 4è Evangile

Epître : Ro 13, 11 - 14, 4 ; Evangile : Mt 6, 14-21

Ce jour nous faisons mémoire de l'exil d'Adam, la première créature , hors des délices du Paradis. Qu'avec les ancêtres amèrement se lamente le monde. Ils ont mangé la douce nourriture. Et il tombe avec eux qui sont déchus.

Homélie par le P. André Borrely

Depuis le dimanche du publicain et du pharisien, je n'ai cessé de vous dire et de vous redire que, pour la Sainte Eglise, l'ascèse et le jeûne sont certes très importants, mais que c'est à la condition expresse qu'ils redondent en œuvres de miséricorde, en amour de Dieu et des frères. C'est ce que nous redit l'Eglise aujourd'hui encore, au moment même de nous faire pénétrer dans le temps du Carême.
"C'est l'heure de nous arracher au sommeil ; le salut est maintenant plus près de nous qu'au temps où nous avons cru... Laissons-là les œuvres de ténèbres et revêtons les armes de lumière... Point de ripailles ni d'orgies, pas de luxure ni de débauche, pas de querelle ni de jalousie". Cet appel à la conversion, au repentir, sied parfaitement aux dispositions intérieures avec lesquelles nous devrons, dès demain, commencer l'ascèse du Grand Carême.
Et une fois de plus l'Eglise, par la bouche de Saint Paul, tient à relativiser les comportements alimentaires. Dimanche dernier nous avons dit dans quel contexte socioculturel et religieux (pagano-chrétien et judéo-chrétien) se posait, au temps de Saint Paul, la question. Or il est intéressant de remarquer comment l'Eglise retourne les textes : du temps de Saint Paul, le "faible", c'est-à-dire le judéo-chrétien non encore totalement affranchi de la Torah juive, "ne mange que des légumes". En contexte chrétien fortement influencé par les milieux monastiques, le "faible" c'est plutôt celui qui ne peut se passer de viande. Or l'Eglise se sert du texte de Saint Paul pour nous dire aujourd'hui (comme elle nous le redira dans la nuit de Pâques avec la catéchèse de Saint Jean Chrysostome) : "Si vous jeûnez, ne méprisez pas celui qui ne jeûne pas, et si vous ne jeûnez pas, celui qui jeûne".
Mais la sainte Eglise a gardé pour la bonne bouche, si je peux dire, le précepte en fonction duquel l'ascèse (il est encore question de l'ascèse dans l'Evangile d'aujourd'hui et toujours dans le même sens : "Quand tu jeûnes, parfume ta tête et lave ton visage, pour que ton jeûne soit connu non des hommes, mais de ton Père qui est là dans le secret." Il ne faut pas que les autres se doutent que nous jeûnons!) prend tout son sens et sans l'observance duquel elle ne saurait être authentique. Il s'agit du pardon. Dans un de ses sermons Saint Césaire d'Arles dit : "Il y a deux sortes d'aumône : l'une par laquelle nous donnons aux pauvres, l'autre par laquelle nous sommes indulgents pour nos frères chaque fois qu'ils pèchent contre nous. Avec l'aide de Dieu, faisons l'un et l'autre, car l'une sans l'autre n'a pas de valeur. Préparons-nous donc ces deux genres d'aumône comme des ailes spirituelles pour voler, libres et légers, vers notre vraie patrie, la Jérusalem céleste".
Si nous sommes durs avec les autres et refusons de leur pardonner en voulant faire respecter notre justice, Dieu s'en tiendra avec nous à notre justice stricte et purement distributive. Pardonner à nos frères nous permet de demander pardon à notre tour, de prier avec l'espérance d'être pardonnés. Or, si nous pratiquons l'ascèse durant le Carême, n'est-ce pas dans l'espérance d'obtenir le pardon de nos fautes ? Si une rancune tenace nous empêche de faire pleinement nôtre la cinquième demande du "Notre Père» c'est toute notre ascèse du Carême qui, tel un château de cartes, s'effondre : "Remets-nous nos dettes" (et nous jeûnons pour te demander avec notre corps de nous les remettre) "comme nous aussi avons remis à nos débiteurs". Notre mesure pour les autres sera celle que Dieu adoptera pour nous.
Mais le modèle de notre miséricorde et son extension indéfinie (nous devons pardonner "soixante-dix fois sept fois", c'est-à-dire toujours) et universelle, est la Miséricorde divine elle-même à notre endroit, Miséricorde qui s'est incarnée en Jésus de Nazareth. Le pardon, c'est la forme que prend l'amour quand on lui a fait du tort. Et le Christ est le pardon vivant, dans la mesure où, étant "Un de la Sainte Trinité" devenu homme, il est l'Amour incarné. Nous ne pouvons bénéficier de ce que nous appelons la "Rédemption" sans y contribuer. Or notre contribution, c'est l'amour du prochain plus encore que le jeûne, même s'il est salutaire que le jeûne creuse en nous cet amour. Le jeûne est toujours un moyen, il ne doit jamais être une fin.. La fin, c'est l'amour de Dieu et des frères. Et l'amour du prochain doit devenir en nous pardon, dès que le prochain prend à notre égard l'attitude que, si souvent, nous prenons à l'égard de Dieu, c'est-à-dire dès que le prochain nous a fait du tort.
Rabbi Yosé disait: "Si quelqu'un pèche une, deux ou trois fois, on lui pardonne ; mais non pas s'il pèche quatre fois". Rabbi Yosé se fondait sur deux versets bibliques : "Ainsi parle le Seigneur: A cause de trois crimes de Juda, même de quatre, je ne révoque pas mon arrêt. " (Amos 2/4) et " Le Seigneur... qui punit l'iniquité des pères sur les enfants et sur les enfants des enfants jusqu'à la troisième et la quatrième génération" (Exode 34/7). Quand donc Pierre demandait à Jésus s'il devait pardonner jusqu'à sept fois, il pouvait se croire généreux ! Or le Christ lui répond qu'il doit pardonner indéfiniment. Si généreux qu'il soit, Pierre se tient encore sur le terrain de la casuistique juive, où Jésus refuse de se laisser entraîner. Le judaïsme rabbinique connaissait l'idée du pardon fraternel, mais à l'intérieur du système législatif. On discutait du nombre de pardons légitimement accordés. Quand Jésus répond à Pierre qu'il doit pardonner "soixante-dix fois sept fois", il reprend le chant de vengeance de Lamech dans Genèse 4/24 : "Caïn sera vengé sept fois et Lamech soixante-dix fois sept fois" Mais Jésus retourne ce chant de vengeance dans le sens du pardon. Dans les deux cas le chiffre signifie que cette vengeance ou ce pardon n'auront pas de fin. Aux déterminismes sociologiques ou psychologiques de la vengeance s'oppose maintenant le pardon fraternel illimité.
Comme le monde, l'Eglise connaît la dure réalité du péché et des offense personnelles. Le pardon seul peut la sauver du cercle infernal : offense (= péché), donc rancune (= péché), c'est-à-dire le péché engendrant le péché. Le pardon des chrétiens ne doit pas être un pardon de bienséance, ni un pardon de caractère juridique mais personnel. Il doit être bien davantage que quelques paroles d'apaisement ou un arrangement à l'amiable. Je dois haïr le mal (c'est tout le sens des psaumes de vengeance que nous avons tant de mal à prier), toutes les formes de mal, mais je dois toujours laisser passer le "courant" divin qui de Dieu va vers tout homme, même si l'autre ferme l'interrupteur ! Il vaut mieux "se faire rouler" que de risquer le reflux du "courant". Le Christ est offert par Dieu à tout homme par son Père. Il est donc essentiel que je n'entrave pas cette communication. Il est impossible d'être chrétien, c'est-à-dire de recevoir dans le Saint Esprit la plénitude de la vie divine du Christ, et de refuser de laisser au Père la possibilité d'être, par mon humble entremise, le Mendiant qui frappe à la porte du cœur de tout homme, y compris de l'homme qui a violé ma fille, tué ma femme ou qui m'a fait passer vingt ans de ma vie en prison ou au Goulag, alors que j'étais parfaitement innocent.
Il est plus facile de jeûner que de pardonner, mais le pardon est plus salutaire encore et plus grand que le jeûne !

Lundi 19 février 2018

DEBUT DU GRAND CAREME

Dimanche 25 février 2018 : 1er dimanche du Grand Carême

Dimanche du Triomphe de l'Orthodoxie

Ton 5; Matines 5è Evangile

Epître : Hb 11, 24-26, 32-12, 2 ; Jn 1, 43-51

TROPAIRE

Nous nous prosternons devant ta pure image, ô Dieu bon. Nous implorons le pardon de nos fautes, Christ notre Dieu. Car Tu as consenti, dans ta chair, à monter sur la Croix, afin de sauver de la servitude de l'ennemi ceux que Tu avais créés. C'est pourquoi nous Te crions, dans notre gratitude': Tu as tout rempli de joie, ô notre Sauveur, en venant sauver le monde.

KONDAKION : Ti hypermaho stratigo ta nikitiria

Τη υπερμάχω στρατηγω τά νικήτιρια

Invincible chef d'armée, à toi les accents de la victoire! Libérée du danger, ta ville, ô Mère de Dieu, t'offre les hymnes de reconnaissance. Toi dont la puissance est irrésistible, de tout péril délivre-moi, pour que je puisse t'acclamer : Réjouis- toi, Epouse inépousée !

L'Orthodoxie fête, ce jour, une grande date, celle du 11 mars 843, qui instituait le «rétablissement des icônes" après plus d'un siècle d'hérésies, de doutes, de discussions théologiques et même de persécutions. En effet la dernière hérésie qui ravagea l'Eglise d'Orient fut l'iconoclasme.
Dès 726, l'Empereur Léon 111 signait le premier décret contre les icônes, suivi de bien d'autres, jusqu'en 786/787 où le Concile œcuménique de Nicée proclama la légitimité du culte des saintes images, en ce sens que la vénération dont elles sont l'objet s'adresse à Dieu, qui est ainsi adoré, ou aux Saints qu'elles représentent. Toutefois la querelle des images avait mis l'Empire à feu et à sang, occasionnant même deux schismes avec l'Eglise de Rome d'une durée de 70 ans. C'est donc ainsi, sous le règne de l'Impératrice Théodora, décidée à rétablir l'Orthodoxie, que prit fin en 843 la lutte des iconoclastes.
Cependant plus tard l'objet de la fête fut élargi: A la condamnation des iconoclastes vint s'ajouter la célébration du 1er dimanche de Carême et les sentences contre les hérésies nouvelles ou anciennes, si bien que les noms des hérétiques sont suivis d'un triple anathème taudis qu'on acclame, avec une triple bénédiction, les noms des défenseurs de la foi. De nos jours, le Dimanche de l'Orthodoxie est la fête de la manifestation de l'unité et de la catholicité de l'Orthodoxie, dans tous les pays où elle existe. Elle est la fête du triomphe de ]'Orthodoxie, le témoignage de sa présence universelle dans le monde, confessant une même foi, vivant un même dogme, unie dans une même spiritualité, transmise par le Christ et les Apôtres.
C'est un jour émouvant que ce dimanche, "Triomphe de l'orthodoxie'', émouvant parce qu'il nous rappelle toutes ces grandes figures spirituelles qui, par leur foi, leur courage, leur persévérance, ont atteint la plénitude en Christ et nous ont conservé intact, à nous leurs héritiers indignes mais reconnaissants, le contenu de l'Orthodoxie.
L'Orthodoxie, un grand mot et un héritage encore plus grand pour nous qui avons été élevés dans son enseignement. L'Eglise aujourd'hui encourage à suivre l'exemple de tous ceux qui, avant nous, en firent l'expérience enrichissante par leur témoignage, exaltant sa présence vivifiante dans le monde.
Car l'Orthodoxie n'est pas un mythe. Elle n'est pas non plus un objet de musée, couvert de la poussière dorée des siècles. L'Orthodoxie, dynamique dans son enseignement, rayonnante dans sa spiritualité, est celle qui nous
met en relation avec la Vie Eternelle, le Christ glorieusement ressuscité', pour notre salut. Elle justifie notre propre résurrection, elle est notre "viôma". c'est-à-dire notre principe de vie, et ce, de manière éternelle et inaltérable.
Notre mission est très importante dans le monde: D'une part, quand l'humanité ne sait plus où fixer son choix, elle nous donne Jésus comme réalité de notre univers. D'autre part, en un moment où l'Occident chrétien sent la nécessité de revenir aux sources mêmes de sa foi, elle est le témoignage d'une tradition inaltérable, remontant indiscutablement aux apôtres, après avoir traversé victorieusement les vicissitudes des siècles, de cette victoire que nous fêtons aujourd'hui.
Le Triomphe de l'Orthodoxie implique pour nous la nécessité de témoigner de la qualité de ce triomphe, par notre foi notre dynamisme notre disponibilité envers les autres, notre richesse spirituelle et liturgique. Autant d'exigences que nous négligeons et qui ternissent en nous le sens réel de notre confession.
Que ce Dimanche de l'Orthodoxie nous rappelle la grandeur de notre vocation et, à l'exemple de nos prédécesseurs dont nous célébrons la mémoire, nous arme de persévérance, d'espoir et d'amour.

Homélie du Père André Borrély recteur de la Paroisse Saint Irénée à Marseille (France)

Si nous voulons pénétrer quelque peu dans la profondeur de cette célébration dominicale, je crois que nous devons procéder en trois temps et selon une progression historique.
Dans les premiers siècles de l'histoire de l'Eglise, le baptême était administré dans la nuit pascale et non point, comme c'est le cas, hélas, de nos jours, à n'importe quel moment de l'année selon les convenances individualistes des familles. Au commencement du Carême, le catéchumène se présentait à l'Evêque accompagné de deux chrétiens qui répondaient de lui, en qualité de parrains. Il était soumis à un interrogatoire. S'il était jugé digne, l'Evêque prenait son nom et un prêtre l'inscrivait sur un registre contenant les noms de tous les chrétiens et que l'on conservait avec soin dans les archives de l'Eglise. Saint Basile compare ce registre aux rôles où étaient recensés les soldats.
De fait, plus d'un catéchumène n'arriva pas jusqu'à la vigile pascale et fut baptisé non point dans l'eau de la piscine baptismale, mais dans son propre sang de martyr. Car, au moment des persécutions, lorsque les registres étaient saisis, la police impériale faisait subir les mêmes interrogatoires aux catéchumènes et aux fidèles, interrogatoires dont l'issue pouvait être soit l'apostasie, soit le martyre.
Pour comprendre les lectures bibliques que nous venons d'entendre, il ne faut donc pas perdre de vue qu'elles formaient une partie intégrante de la catéchèse chrétienne primitive : elles avaient pour fonction essentielle de préparer les catéchumènes au mystère pascal de leur prochain baptême. De là le choix, par la sainte Eglise, du 2è chapitre de l'épître aux Hébreux : tous les justes de l'Ancien Testament, les prophètes Zacharie et Jérémie, qui furent lapidés, Isaïe à qui le roi Manassé infligea le supplice de la scie, tous ceux qui, à la période maccabéenne, c'est-à-dire de 167 à 164 avant notre ère, subirent la persécution du roi séleucide Antiochus IV Épiphane, et Jean-Baptiste lui-même dont Jésus avait dit que « le plus petit dans le Royaume des Cieux est plus grand que lui » ( Mt 11, 11 ), tous ces gens-là ne connurent pas ce que les catéchumènes vont expérimenter dans la nuit de Pâques. En cette nuit lumineuse ils vont avoir la vision de ce dont parle Jésus à ses disciples dans l'Evangile d'aujourd'hui : «Vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l'homme ». Le Christ ne vient pas conquérir la terre, mais rétablir l'échelle de Jacob, c'est-à-dire la communication entre la terre et le ciel. Il est lui-même cette échelle qui unit l'homme à Dieu. Le baptême restaure la divine ressemblance en l'homme. Par le baptême, la nature humaine pénétrée jusqu'à la moelle par les énergies divines, est restaurée et refondue, lustrée et exorcisée, repétrie et recréée, rénovée et régénérée dans le Saint-Esprit. Par le baptême s'effectue la déification de l'homme. Par le mystère pascal de l'immersion / émersion baptismale, l'homme devient icône.
De là le deuxième thème de cette célébration. Au 8e et au 9è siècles, l'Eglise eut à combattre l'iconoclasme et à lui répondre que la vénération (non point l'adoration, mais la vénération) des icônes avait pour signification fondamentale de témoigner de la foi orthodoxe en la possibilité pour l'humanité d'être transfigurée, déifiée par le Saint-Esprit. Le kondakion de ce dimanche de l'Orthodoxie affirme cette foi de l'Eglise : l'Un de la divine Trinité est devenu l'un des hommes afin que l'homme devienne icône très ressemblante de la divinité qui pénétra de part en part l'humanité de Jésus de Nazareth.
«Le Verbe de Dieu que l'univers ne peut contenir se laisse circonscrire en s'incarnant de toi, ô Mère de Dieu, et restaure l'antique image l'antique icône souillée par le péché en lui ajoutant sa divine beauté. Confessant le salut en parole et en action, restaurons nous aussi notre ressemblance avec Dieu.»
Le mystère pascal du baptême et celui des icônes témoignent de la même foi de l'Eglise orthodoxe en le fait que le salut en Christ est fondamentalement une participation, une communion réelle à Dieu, l'extension jusqu'aux hommes de l'acte générateur éternel du Père sur son Fils auquel il donne la plénitude de son Saint-Esprit. Les icônes nous montrent des hommes et femmes qui, nous dit saint Grégoire Palamas que nous fêterons dimanche prochain, «sont devenus divins par la participation à l'Esprit», des hommes et des femmes qui ont réalisé la finalité véritable de leur baptême.
Or, que le salut en Christ soit bel et bien cela, qu'il consiste, pour la créature humaine, à devenir divine tout en respectant la radicale transcendance du Tout Autre, qu'être sauvé par le Christ et baptisé dans le Saint-Esprit signifie que l'homme entre en possession d'un bien appartenant fondamentalement à Dieu, cela, non seulement n'est pas évident à nombre de chrétiens qui n'appartiennent pas à l'Eglise orthodoxe, mais cela est même délibérément rejeté par beaucoup d'entre eux.
J'en viens ainsi à la troisième dimension de cette célébration, la plus récemment apparue dans notre praxis ecclésiale. Dans le contexte socio-historique de notre diaspora orthodoxe faite, hélas, d'émiettement juridictionnel, où les diocèses, au lieu d'être, conformément à l'authentique Tradition de l'Eglise, territoriaux sont des diocèses ethniques au sein desquels on risque, en des combats d'arrière-garde, de cultiver une identité et une différence trop humaines, d'accorder à la langue, à la nation, aux traditions avec un «t» minuscule une importance idolâtrique, il est vital, il est capital que nous retournions à l'essentiel que nous indique l'approche orthodoxe du baptême et de l'icône. De toutes les religions, le christianisme, et à l'intérieur de la relation chrétienne, l'Orthodoxie, dans la mesure où nous tenons celle-ci pour «la plénitude de l'Eglise» du Christ, «to plèroma tès Ekklèsias» comme dit la prière du prêtre à l'ambon à la fin de la divine liturgie, de toutes les expressions de l'expérience religieuse, l'Orthodoxie est celle qui peut le moins conserver son intégrité dès lors que ses fidèles perdent entre eux l'unité. Car, l'unique dessein divin sur les hommes est de rendre ceux-ci, dans l'Eglise, à la réplique, à l'image (à l'icône, pourrait-on dire) et selon la ressemblance iconique de la divine Trinité, c'est-à-dire un et divers, un mais non point uniformes, un en une diversité sans divergence. En Christ est créée entre les hommes une consubstantialité, une unité d'une profondeur inouïe, celle consistant à avoir pour commune destinée une identique vocation d'acquérir le Saint-Esprit, de participer à la vie divine elle-même.
Nous autres, Orthodoxes, dans un monde désormais peuplé d'hommes et de femmes qui souffrent, parfois atrocement, du «désespoir du sens», dans une société où l'on rencontre de moins en moins de «ces chênes qu'on abat», mais plutôt de chétives et fragiles plantes d'appartement éprises de tendresse et de compassion, légitimement révoltées par la morale autoritaire, justement écœurées par la morale conventionnelle et en attente secrète d'une éthique réalisant la correspondance dynamique de la liberté personnelle et de la vérité existentielle de l'homme, dans une société (celle, notamment du SIDA) où la sexualité est omniprésente, moins refoulée que jadis mais aussi plus discontinue et où, dans ce contexte, les hommes et les femmes ont faim et soif d'un authentique accomplissement de l'éros, dans un monde post-chrétien où la personne humaine est dépossédée de tout fondement inattaquable et où les individus s'entrechoquent comme des atomes alors que l'être humain en tant que personne est pré-construit pour la communion, dans tout ce contexte de culture et de civilisation, nous autres Orthodoxes avons infiniment mieux à faire que de nous diviser, de nous jalouser pour de lilliputiennes questions de calendrier, de langue liturgique ou de myopie nationaliste. Nous devons, je le répète, aller à l'essentiel, nous préoccuper de l'Unique Nécessaire. Et l'essentiel, c'est la proclamation à la face du monde, urbi et orbi, à temps et à contretemps, que notre Père céleste enserre l'Eglise dans l'énergie divine et incréée de l'Esprit Saint, qu'alors qu'il n'a qu'un Fils Unique Engendré, Dieu, par son Saint-Esprit, se donne des fils réellement, effectivement. Affolée de souffrance et haletante pour avoir perdu l'espérance, l'humanité qui s'apprête à pénétrer dans le troisième millénaire avec la peur du SIDA et l'angoisse du chômage, a besoin de réentendre la Bonne Nouvelle, «to Evanguélion» à savoir que Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu. Or, qui d'autre que nous, je vous le demande, qui d'autre que nous proclamera cette Bonne Nouvelle-là, avec cet accent-là : Orthodoxes, allons donc à l'essentiel et allons-y sans tarder, car le temps presse et, comme dit saint Paul dans l'épître aux Ephésiens, «les jours sont mauvais» (Eph 5,16). Amen.

Dimanche 4 mars 2018 : 2ème dimanche du Grand Carême

Dimanche de St Grégoire PALAMAS

Ton 6 ; Matines : 6è Evangile

Epître : Hb 1, 10 - 2, 3 ; Evangile : Mc 2, 1-12

Nous voici arrivés à la seconde semaine de notre Carême, mais non pas au but de notre lente ascension spirituelle. Car le Carême signifie pour nous Passion, Crucifixion, avant de nous faire renaître à la Résurrection.
Il y a dans notre démarche pendant la période de Carême un parallélisme avec l'œuvre salvatrice de Jésus. Lui aussi, quand il était dans le désert, s'est préparé à sa mission par une longue période de privation; Lui aussi a marché vers le triomphe de sa Résurrection par le chemin douloureux et humiliant de la Croix. Nouvel Adam, Il nous invite à suivre ses pas ; car si le grain ne meurt, il ne vivra pas, il ne portera pas de fruits.
Mais nous, comment atteindre quelque résultat positif ?
Malgré nos faiblesses, malgré nos passions mauvaises, car la chute de nos premiers parents prolonge ses séquelles jusqu'à nous. Le mal intérieur n'a point disparu et toute la force créatrice que Dieu a soufflée en nous, en nous créant à Son image et à Sa ressemblance est sans cesse détournée de son but initial par notre orgueil ou notre ignorance.
Voici donc le chemin de notre croix.
Est-il possible de mourir à tout cela, de décanter notre âme de sa profonde détresse, de tout son désespoir ? Est-il possible enfin, alors chemin-là que Dieu lui-même semble nous abandonner, de revenir à toute communion avec Lui ?
Remonter ce est un acte héroïque, un acte de courage extrême, la volonté d'une participation dynamique à la gloire de Dieu, tout pécheur que l'on soit. Mais où trouver la force spirituelle pour dépasser la nécessité de cette croix ?
Devant le désespoir, Jésus s'avance. Il vient visiter l'homme dans sa détresse, lui offrant le don de sa divine personne. En cela, la nature humaine à son tour sanctifiée, déifiée, retrouve sa nature parfaite d'avant le péché
Jésus s'avance vers nous, avec douceur et amour. Il nous appelle à la passion pour nous associer plus intimement à la gloire éclatante de la Résurrection.

TROPAIRE
Lumière de l'Orthodoxie, soutien et maître de l'Eglise, beauté des moines, invincible champion des théologiens, Grégoire le thaumaturge, fierté de Thessalonique, héraut de la grâce, intercède en tout temps pour le salut de nos âmes.

Saint Grégoire Palamas, moine, théologien et archevêque de Thessalonique (+ 359), est le plus célèbre défenseur de la doctrine mystique connue sous le nom d'hésychasme Cette doctrine soutient qu'il est possible, sur cette terre, d'arriver à la contemplation de la lumière divine, éclat de la divinité dont resplendit le Christ au Mont Thabor: "Dieu, dans son essence, est totalement inaccessible. Dans ses énergies (c'est-à-dire sa gloire dans laquelle il vit et règne), il est totalement participable." Ce Dieu donc "caché" est un Dieu qui "se révèle" aussi. Dieu, après avoir transfiguré notre humanité par l'Incarnation de Notre Seigneur Jésus-Christ, veut se communiquer à l'homme total. Sa lumière et sa vie nous sont communiquées par l'Esprit Saint; celui qui y participe, est déifié.
La collaboration donc de Dieu et de l'homme (synergie) est une rencontre, une présence de l'homme à la présence de Dieu, une communion, un mystère d'amour dont la grâce et la liberté sont les aspects simultanés et inséparables. Cette participation de l'homme à la vie divine, c'est la sainteté.
Les Conciles de 1341 et de 1351 ont dogmatisé cette doctrine. En 1352, le Patriarche Calliste inséra dans le Synodikon du Dimanche de l'Orthodoxie 1er du Carême) des acclamations à Palamas et un anathémathisme contre ses opposants. Enfin, en 1368, le Patriarche de Constantinople, Philothée, le proclama saint et, après avoir fixé sa fête au 14 novembre, établit une commémoration au 2ème dimanche de Carême et composa un office en son honneur.

Dimanche 11 mars 2018 : 3è dimanche du Grand Carême

Dimanche de l'Adoration de la Croix

Ton 7 ; Matines : 7è Evangile

Epître : Hb 4,14 - 5, 6 ; Evangile : Mc 8, 34 - 9, 1

TROPAIRE
Sauve, Seigneur, ton peuple ; bénis ton héritage. Accorde à nos chefs victoire sur les ennemis. Garde par ta Croix ce pays qui est tien.


A la Liturgie, au lieu du Trisaghion, on chante :
Nous adorons, Seigneur, Ta Croix ; nous glorifions Ta Sainte Résurrection (3 fois).

Durant l'année liturgique, notre Eglise fête deux fois la vénération de la Sainte Croix : le 14 septembre, qui rappelle le souvenir de la découverte du Bois sacré par les soins de l'Impératrice Hélène au 4è siècle, et ce 3è dimanche de Carême qui est spécialement consacré au culte de la Croix.
L'origine de l'office d'aujourd'hui est constantinopolitaine. Elle s'étendit plus tardivement dans toutes les Eglises byzantines. Elle rappelait, semble-t-il, le souvenir du transfert d'Empennée (Syrie) à Constantinople d'une relique de la vraie Croix, sans doute sous l'Empereur Justin 1er (518-527) ou Justin 2 (565-578). Le premier témoignage nous vient de l'Empereur Constantin Porphyrogénète (10è siècle). Le premier rituel qui la mentionne ne remonte pas au-delà du 11è siècle.
Le Kondakion final à la Liturgie (Chant avant le Trisaghion):
"Invincible Chef d'année"...
(Ti hypermacho stratigo ... )
Le chant de communion : Fais lever sur nous la lumière de Ta Face, Alleluia.

LE RITUEL DE LA PROCESSION DE LA CROIX
Une croix est déposée sur un grand plateau couvert de fleurs parmi, lesquelles brûlent trois cierges. Avant la procession, on place le plateau sur l'autel. L'officiant encense trois fois l'autel et le plateau, puis il prend le plateau, fait le tour de l'autel de droite à gauche et sort par la porte du Nord précédé des prêtres et des diacres portant des encensoirs, tandis que le chœur chante la grande Doxologie.
La procession fait trois fois le tour de l'Eglise ; arrivé au troisième tour, au milieu du chœur, l'officiant proclame : "Sagesse ! Debout !" (Sophia ! Orthi !), puis il dépose le plateau sur une table en chantant le tropaire. "Sauve, Seigneur, ton peuple" ... (voir plus haut), que le chœur reprend ensuite. Enfin, l'officiant se prosterne devant la vénérable Croix en chantant le verset : "Nous adorons, Seigneur, Ta Croix "...(voir plus haut), que le chœur reprend également.


Puis l'officiant baise la Croix et tout le clergé et les fidèles s'avancent par ordre, après lui, pour vénérer la Croix et recevoir une fleur du plateau.

 

Texte à méditer
tiré du Canon de St André de Crète, chanté durant le Carême

Mon âme, ô mon âme, tu sommeilles, réveille-toi. Car le terme est proche et le trouble qui va te saisir est imminent. Laisse là ta torpeur, afin que Christ Dieu te fasse miséricorde, Lui qui est partout présent et qui remplit toute chose.

Lorsque la Croix se dressa sur le Golgotha, lourde de toute la souffrance de Jésus, toute la création fut soudain plongée dans la terreur. Et si les montagnes et les entrailles de la terre se fendirent et s'ébranlèrent, combien plus l'enfer qui perdait sa proie: l'homme enchaîné par le péché d'Adam et libéré par la passion et la Croix du Christ.
Jésus cloué sur la Croix. Quel homme pourra jamais englober dans son esprit, sa logique, son raisonnement, la folie de l'amour de Dieu qui se donne tout entier pour cette créature qu'il a aimée au point de se vouloir le plus humble?
Cette Croix, ce n'était rien d'autre que deux solides madriers cloués l'un en travers de l'autre. C'était aussi du bois gonflé de sueur et de sang qui montait lentement vers le Golgotha et qui prenait la souffrance du Christ pour en faire de l'espérance, l'espérance de la rémission et du pardon, la déification de l'homme nouveau par la Résurrection. C'est cela la Croix de Jésus dressée sur le Golgotha. Suivre le Christ, c'est partager cette Croix de la Passion du Christ: "Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même, qu'il prenne sa croix et me suive".
Voici la Croix victorieuse. Le Christ nous la propose. Non plus la croix des suppliciés, tordue et déformée, mais la Croix toute droite de la Résurrection, nouvel axe du monde. La Croix qui terrifie les ennemis de Dieu, qui comble de joie et de paix ceux qui l'aiment. "Si quelqu'un veut... "
Alors rien d'étonnant que la Croix devienne le plus bel ornement de l'Eglise; car le long de son bois s'est écoulé le sang divin, celui de la nouvelle Alliance, répandu pour beaucoup en rémission des péchés. Rien d'étonnant non plus à ce que l'Eglise nous invite à la vénérer comme celle qui a été le point de mire des siècles, la rencontre entre la vérité et la miséricorde, la justice et la Vie éternelle.

Dimanche 18 mars 2018 : 4è dimanche du Grand Carème

Dimanche de St Jean Climaque

Ton 8 ; Matines : 8è Evangile

Liturgie de St Basile : Hb 6, 13-20 ; Mc 9, 17-31

Saint Jean dont nous commémorons aujourd'hui la mémoire, est appelé "Climaque" à cause du titre de son célèbre ouvrage ascétique : "L'Echelle (en grec, Klimax ) des vertus". Saint Jean Climaque est fêté le 30 mars. C'est seulement vers le 14ème siècle, semble-t-il, qu'on fixa à ce 4ème dimanche du Carême la commémoraison de ce saint ascète, comme modèle de pénitence, et aussi parce que, dans les monastères, on a coutume de lire son ouvrage en temps de Carême.
A l'âge de 16 ans, St Jean Climaque entra au couvent du Sinaï, où il eut pour maître Anastase, le futur Patriarche d'Antioche. Dix-neuf ans après, il entra dans le stade de la vie contemplative, appelé hésychasme. Après 40 ans de cette vie, il devint higoumène de la Sainte Montagne du Sinaï, mais se retira à nouveau quelques années plus tard dans la solitude.
Son traité des vertus comprend 30 chapitres. Partant des vertus pratiques pour arriver aux vertus théoriques ou mystiques, cette étude fait monter l'homme, comme par autant de degrés, jusqu'aux hauteurs célestes (d'où le titre de KLIMAX ou ECHELLE des vertus). Saint Jean Climaque mourut vers 649.

TROPAIRE
Par les flots de tes larmes, tu as fait fleurir le désert aride; par tes profonds gémissements, tu as fait rendre à tes souffrances des fruits au centuple. Tu es devenu par tes miracles un brillant flambeau pour l'univers. Prie le Christ Dieu, ô bienheureux Père Jean, de sauver nos âmes.

Extrait des prières secrètes de la Liturgie des Présanctifiés :

" Fais luire, Seigneur, ton visage sur ceux qui se préparent à la Sainte Illumination et qui désirent secouer la souillure du péché. Eclaire leur esprit. Confirme-les dans la foi. Affermis-les dans (espérance. Perfectionne-les dans la charité. Fais-en des membres précieux de ton Christ, qui s'est donné en rançon pour nos âmes. Car Tu es notre illumination et nous Te rendons gloire, Père, Fils et Saint Esprit, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen. "

Textes bibliques de la Divine Liturgie : Hébr. 6/13-20 et Marc 9 /17-31.

Jésus est attristé par l'incrédulité de la foule. Il y avait certes le père du possédé qui demandait un miracle, mais c'était à tout hasard, sans être bien assuré du pouvoir dé Jésus. Quant à la foule, amusée, elle se promettait un spectacle peu ordinaire.
Jésus reste impassible devant tant d'indifférence. Il souffre de voir tous ces gens agir de la sorte, mais il veut réveiller dans l'âme du père de l'enfant malade la petite flamme nécessaire pour que le miracle ait un sens véritable, la petite flamme de la foi.Il ne guérit que pour fonder la foi ; il exige d'abord la foi et c'est par elle que le miracle arrive.
"Je crois, Seigneur, viens en aide à mon peu de foi".
Ce récit, nous pouvons facilement le transposer pour nous. Nous pouvons nous demander si nous sommes réellement l'image de ce père ou de la foule avide de spectacle et, au fond, indifférente. Car c'est là qu'est pour nous le fond du problème.
L'Eglise, en effet, nous présente le Christ, homme et Dieu à la fois, tantôt roi de l'univers, tantôt étiré comme un malfaiteur sur la Croix. Elle nous le montre tantôt outragé, battu, insulté, et tantôt glorieux dans sa Résurrection. Elle nous affirme que l'entrée du Royaume nous a été ouverte par le Sauveur Jésus-Christ, en qui s'est réalisée la promesse de Dieu à Abraham. Mais elle nous rappelle aussi que, sans la foi, rien de tout cela n'est possible.
Ainsi l'essentiel pour nous, à travers les témoignages incontestables des Saintes Ecritures, à travers l'attente des prophètes de l'Ancien Testament, à travers le Fiat de la Vierge Marie, à travers les Apôtres et la continuité de l'Eglise, à travers aussi les constatations et les découvertes scientifiques, l'essentiel est la foi, au niveau de notre intelligence, certes, mais aussi au niveau de notre coeur, ce coeur de pierre que Jésus veut changer en coeur de chair. Sans la foi, rien n'est possible; sans la foi, Jésus est le fruit d'une judicieuse machination. Sans la foi, Dieu n'existe pas.

Dimanche 25 mars 2018: 5è dimanche du Grand Carême

Dimanche de Ste Marie l'Egyptienne

Ton 1 ; Matines :9è Evangile

Epître : Ga 3, 23 - 4, 5 ; Lc 7, 36-50

TROPAIRE de MARIE L'EGYPTIENNE

En toi, Mère, s'est réalisée sans défaut la divine image. Prenant la croix, tu as suivi le Christ. Par tes œuvres tu as enseigné à mépriser la chair qui passe et à s'occuper de l'âme, créature immortelle. Aussi ton âme, O bienheureuse Marie, se réjouit-elle avec les Anges.

Vendredi passé de la 5è semaine du Carême, fut chanté pour la dernière fois de l'année l'hymne de l'Acathiste en l'honneur de la Très Sainte Mère de Dieu. Nous en rappelons le Tropaire :
Lorsque l'Ange prit connaissance de l'ordre mystérieux, il se présenta aussitôt dans la maison de Joseph et dit à la Vierge : Celui qui, en descendant sur la terre, a incliné les cieux, demeure entièrement en toi, sans éprouver de changement. Le voyant dans ton sein prendre la forme d'un esclave, de stupeur vers toi je m'écrie : "Réjouis-toi, Epouse inépousée !".

Il semblerait que, dès le 11è siècle, notre Eglise tint à commémorer, le 5è dimanche de Carême, la mémoire de Marie l'Egyptienne, cette grande pénitente, pour exhorter, par son exemple, les pécheurs à la pénitence.
Notre sainte Mère Marie était native d'Egypte. Dès l'âge de douze ans elle quitta ses parents pour se rendre à Alexandrie où elle mena pendant dix-sept ans une vie de débauche. Puis un jour, poussée par la curiosité, elle s'embarqua pour Jérusalem avec une foule de Lybiens et d'Egyptiens, offrant son corps pour prix de la traversée et entraînant beaucoup d'hommes dans l'abîme de perdition. Quand ils parvinrent à la Ville Sainte, elle suivit la foule qui se pressait vers la basilique de la Résurrection, le jour de l'Exaltation de la Croix. Mais lorsqu'elle parvint sur le seuil de l'église, une force invisible l'empêcha d'y entrer malgré ses efforts réitérés, alors que les autres pèlerins franchissaient aisément la porte. Son cœur en fut frappé et, face à l'icône de la Mère de Dieu, il lui apparut qu'elle devait changer de vie pour apaiser Dieu par sa pénitence. Dans ces sentiments, elle revint à l'église et y pénétra facilement. Quand elle eut adoré la vénérable Croix, elle quitta le jour même Jérusalem, traversa le Jourdain et se rendit dans le désert intérieur, où elle mena pendant 47 ans une vie d'extrême austérité, au-dessus du pouvoir de l'homme, priant seule le seul Dieu sans rencontrer personne, ni homme, ni animal.
Après tant d'années, elle rencontra un ermite du nom de Zozime. Après lui avoir raconté sa vie depuis le début, elle le pria de lui apporter en communion les Mystères Immaculés, le Grand Jeudi de l'année suivante, ce que Zozime accomplit fidèlement. L'année d'après en revenant, Zozime la trouva morte, étendue sur la terre, et près d'elle ces mots qui disaient : "Père Zozime, ensevelis le corps de la misérable Marie. Je suis morte le jour où j'ai communié aux Saints Mystères. Prie pour moi». Sa mort était survenue en l'an 398.

Sa mémoire est aussi célébrée le 1er avril.

KYRIE ELEISON !

Dans une semaine, nous entrons dans la période liturgique dite de la Grande Semaine ou Semaine Sainte ; nous allons revivre, comme chaque année, toutes les étapes et les péripéties par lesquelles Jésus, à la fois vrai Dieu et vrai homme, est mort sur la Croix puis ressuscité pour notre salut.
Ce don sublime de notre résurrection et de notre libération des chaînes du mal, Dieu nous l'a accordé par amour total, entier. Parce qu'il est ami des hommes et miséricordieux. Tel est le sens de notre demande, lorsque des milliers de fois dans notre vie, nous aurons prononcé, comme Marie l'Egyptienne, le "kyrie eleison", "Seigneur, prends pitié de nous, ne nous abandonne pas, donne-nous ta miséricorde".
La miséricorde de Dieu n'est rien d'autre sinon la grâce de l'Esprit Saint, que nous devons demander sans cesse.
"Seigneur, aie pitié de moi, pécheur, et reçois-moi de nouveau dans ta grâce ; comble-moi de l'esprit de force, afin que, fortifié, je puisse résister aux tentations du diable et à la mauvaise habitude qui s'est installée en moi de commettre le péché ; donne-moi l'esprit de sagesse, afin que je devienne sage, que je prenne conscience de ce que je suis, que je me corrige. Donne-moi, Seigneur, l'esprit de crainte, afin que je Te craigne et que je garde tes commandements ; donne-moi l'esprit d'amour, afin que je T'aime et que je ne me sépare plus de Toi ; l'esprit de paix, afin que mon âme soit en paix ; donne-moi l'esprit de pureté, afin que je sois épargné de toute souillure ; l'esprit d'humilité afin que je ne me considère pas avec orgueil devant les hommes, mes frères.
Telles sont les dernières pensées de notre préparation à la Semaine Sainte, à la fin de cette grande période de Carême. Des pensées de repentir, d'amour sincère, de confiance et d'espoir envers le Christ souffrant sur la Croix, triomphant par sa Résurrection.
Car comment peut-on recevoir la miséricorde de Dieu, sans en ressentir le besoin et sans avoir la conviction qu'on est comblé par cette grâce de Dieu ?

Annonciation de la Très Sainte Mère de Dieu et toujours vierge Marie

Epître : Hb 2, 11-18 ; Evangile : Lc 1, 24-38

a

Tropaire de l'Annonciation, ton 1

Aujourd'hui s'accomplit notre salut et le mystère d'avant les siècles est révélé. Le Fils de Dieu devient Fils de la Vierge et Gabriel annonce la bonne nouvelle de la grâce. Avec lui clamons à la Mère de Dieu : Réjouis-toi, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi.

Samedi 31 mars 2018 : Samedi du Saint et Juste Lazare

Liturgie de St Jean Chrysostome : Epître Hb 12, 28 - 13, 8 ; Evangile Jn 11, 1-45

C'est avec cet éclatant miracle que nous entrons dans les solennités la Semaine Sainte. L'office de ce jour, en comportant quelques unes des particularités de l'office de la Résurrection du Seigneur, nous préfigure ce que sera la propre Résurrection de Jésus et nous annonce la grand joie qui suivra, après la Passion et la Crucifixion. Mais aussi, nous voyons ce que sera notre propre résurrection, une fois rachetés par le sacrifice du Christ.

TROPAIRE
Voulant, avant ta Passion, fonder notre foi en la commune résurrection, Tu as ressuscité Lazare d'entre les morts, ô Christ Dieu. C'est pourquoi, comme les enfants d'alors, nous portons les symboles de la victoire et Te chantons, à Toi, vainqueur de la mort: "Hosanna au plus haut des cieux! Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur !"

Dimanche 1er avril 2018 : Dimanche avant Pâques

Dimanche des Rameaux. Entrée de Notre Seigneur à Jérusalem

Epître : Ph 4, 4-9 ; Evangile : Jn 12, 1-18

1er TROPAIRE
C'est celui du Samedi de Lazare.
2è TROPAIRE
Ensevelis avec Toi par le baptême, Christ notre Dieu, nous avons été rendus, par Ta Résurrection, clignes de la vie immortelle. Avec des hymnes nous Te chantons: "Hosanna au plus haut des cieux! Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur."
KONDAKION
Au Ciel assis sur un trône, ici-bas sur un ânon, Christ Dieu, reçois la louange des anges et les hymnes des enfants qui Te crient: " Tu es béni, Toi qui viens rappeler Adam".
CHANT DE COMMUNION
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Le Seigneur est Dieu, Il nous est apparu. Alléluia.
HYMNE à la VIERGE chanté durant la Liturgie après la Consécration des Saints Dons
Le Seigneur est Dieu, Il nous est apparu. Organisez une fête et, pleins d'allégresse, allons magnifier le Christ avec des palmes et des rameaux chantant cet hymne: "Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur, notre Sauveur"

Etrange manière pour un roi de prendre possession de sa ville, assis sur le dos d'un ânon et marchant volontairement vers l'infâme supplice de la Croix. Etrange explosion d'enthousiasme d'une foule qui, cinq jours plus tard, va crier. " Crucifiez-le".
Etrange dessein de Dieu qui, dans son amour des hommes, change le cours de l'histoire, intervertissant même l'ordre logique des humains : la Transfiguration qui précède la Passion et la Résurrection, la prise de possession de la Jérusalem céleste avant que l'heure n'arrive, l'onction du corps par Marie avant que la mort n'arrive sur la Croix.
Le Christ entre en roi dans la capitale de son royaume céleste, Lui qui tant de fois a fui les populaces prêtes à l'acclamer comme Messie, il accepte l'humble hommage de toutes ces personnes qui viennent l'accueillir.
Il est roi parce qu'il réunit en lui l'humanité tout entière, parce que, par lui, l'homme et tous les hommes retrouveront leur état naturel d'avant le péché, dans la sainteté initiale. C'est ce miracle-là qui construira la Jérusalem céleste, nouvelle capitale pour l'humanité.
Et puis, il y a les disciples, ceux qu'il a préparés mais qui ne comprennent pas encore; il leur faudra voir aujourd'hui, avant la dégradation et la Passion, ce que sera la gloire de demain; pour eux aussi, Jésus se montre en gloire. Mais pour nous aussi, pour affermir notre foi, relever nos doutes, renforcer notre courage. Autrement, comment pourrons-nous être citoyens de ce royaume nouveau ? Comment pourrons nous vivre notre vocation d'enfants de Dieu, si nous ne nous sentons pas entièrement solidaires du Christ, Sauveur et Roi ?
Déjà tinte le glas de la Passion. Mais lorsque "tout sera accompli", alors nous saurons que notre foi se fonde dans sa Résurrection
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GRANDE ET SAINTE SEMAINE DE LA PASSION

Grands Lundi, Mardi et Mercredi :2, 3 et 4 avril 2018

Le thème essentiel qui va se répéter pendant ces trois jours de la Semaine Sainte est celui de la "Prière de l'Epoux".

L'Office de l'Epoux est celui de la vigilance eschatologique : tout notre être est invité à entrer dans une attitude d'ascèse, d'attention et d'éveil dans l'attente de la venue pascale. Le Christ est symbolisé comme l'Epoux qui vient dans la nuit illuminer notre âme et l'exhorter à recevoir le Royaume.

"Voici que survient l'Epoux au milieu de la nuit. Heureux le serviteur qu'il trouvera éveillé. Malheureux celui qu'il trouvera indolent ! Vois donc, ô mon âme, ne te laisse pas vaincre par le sommeil : à la mort tu sera livrée ; hors du Royaume tu serais rejetée. Mais dégrise-toi et dis : Saint, Saint, Saint es-Tu, ô Dieu ! Par la Mère de Dieu, aie pitié de nous !"

Un autre grand thème fait allusion au repas céleste auquel nous sommes tous conviés, à la condition de revêtir notre âme d'un habit convenable : "Je vois, mon Sauveur, ta chambre nuptiale toute garnie et je n'ai pas d'habit pour y entrer ; fais donc briller le vêtement de mon âme, ô Donneur de Lumière, et sauve-moi."

Lectures de l'Evangile :

Lundi Saint : La parabole du Figuier maudit : Mt 21, 18-43

Mardi Saint : Le tribut à César : Mt 22, 15 - 23, 39

Mercredi Saint : Jésus annonce sa mort et sa Résurrection : Jn 12, 17-50

Grand Jeudi : 5 avril 2018

Le Jeudi Saint, notre Eglise commémore le souvenir de la dernière Cène où fut instituée par le Christ l'Eucharistie. C'est en mémorial de la mort et de la résurrection du Sauveur que nous offrons le sacrifice non sanglant de la Divine Liturgie et que nous recevons l'Eucharistie en rémission de nos péchés et en gage de vie éternelle. L'office de la Liturgie célébrée est celui de St Basile le Grand, combinée avec celui des vêpres où l'on mentionne la trahison de Judas qui osa prendre part à ce dernier repas, alors que déjà il pensait trahir et livrer son Maître : "En vérité, Judas est semblable à ceux qui mangèrent la manne dans le désert et murmurèrent contre leur Bienfaiteur. Les ingrats avaient encore la nourriture dans la bouche qu'ils se plaignaient de Dieu. De même Judas, le Pain céleste à la bouche, préparait sa trahison contre le Sauveur. Oh ! Cupidité ! Oh ! Cruelle audace ! Il vend Celui qui le nourrit ; il livre à la mort son Maître en lui donnant un baiser. Il est vraiment de l'engeance des impies, il hérite avec eux la perdition. Mais Toi, Seigneur, garde nos âmes d'une telle cruauté, Toi dont la magnanimité est indicible."

A la Grande Entrée (au moment où le prêtre sort avec les Saints Dons pour venir les poser à l'autel), on chante aussi, à la place de l'Hymne des chérubins, le texte suivant : "A ta Cène mystique reçois-moi, en ce jour, O Fils de Dieu, car je ne révélerai pas Tes mystères à tes ennemis, je ne Te donnerai pas le baiser de Judas ; mais comme le larron je Te confesse : souvien-Toi de moi, Seigneur, quand Tu viendras dans Ton Royaume."

Enfin l'Hymne de la Vierge qui suit la consécration des Saints Dons, nous engage à prendre part au repas du Seigneur : "Venez, fidèles, délectons-nous de l'hospitalité du Maître et du repas immortel préparé dans la chambre haute. Instruits par le Verbe de son sens ultime, magnifions-Le d'un esprit élevé."

Rappelons-nous aussi le lavement des pieds : l'amour du prochain que nous enseigne le Seigneur par ce geste, est avant tout le sacrement du frère.

Grand Vendredi : 6 avril 2018

Le soir de ce Jeudi Saint, c'est-à-dire à l'office des Matines du jour suivant (car la journée liturgique commence toujours le soir à 18 h.), l'Eglise nous convie à l'office des Saintes Souffrances, celui de la Passion où sont lus les douze textes, tirés des quatre Evangiles, relatant les événements de la Crucifixion de Jésus. Pas à pas, nous allons suivre le Christ sur le chemin de son Calvaire. Mais sa souffrance ne se fermera jamais sur elle-même, elle ne sera jamais dolorisme ou désespoir car, en effet, l'humiliation qu'Il accepte de subir ainsi, est volontaire et salvatrice. 0 douloureuse douceur du Christ qui met en cause tout l'homme et l'Eglise dans son aspect humain: tel un athlète qui a vaillamment combattu, le Sauveur va se reposer dans le Sépulcre en attendant le triomphe assuré et déjà proche, la Résurrection.


Entre le cinquième et le sixième Evangile, le Christ est mis en croix pendant que l'on chante ce texte : "En ce jour est suspendu au gibet Celui qui a suspendu la terre sur les eaux. Il est ceint d'une couronne d'épines, le Roi des Anges. On revêt d'une pourpre trompeuse Celui qui lance le ciel autour des nuées. Il reçoit des soufflets, Celui qui, dans le Jourdain, délivra Adam. Il est attaché avec des clous, l'Epoux de l'Eglise. Il est percé d'une lance, le Fils de la Vierge. Nous adorons Tes souffrances, ô Christ. Montre-nous aussi Ta glorieuse Résurrection."
L'office se termine enfin par le tropaire :
"Tu nous as rachetés de la malédiction de la Loi par Ton Sang précieux. Cloué à la Croix et percé d'une lance, Tu as fait jaillir l'immortalité pour les hommes; ô notre Sauveur, gloire à Toi."
Le lendemain, à l'office des Vêpres Royales, on procède à la descente de la Croix et à la mise au Tombeau de Notre Seigneur. Les lectures bibliques , au cours de la célébration, sont tirées de l'Ancien et du Nouveau Testaments. L'on chante aussi le tropaire du noble Joseph :
"Le noble Joseph descendit du bois de la Croix Ton Corps très pur, l'enveloppa d'un linceul immaculé et l'ensevelit avec des aromates dans un sépulcre neuf."

Grand Samedi : 7 avril 2018

Le Vendredi soir, célébration des Matines du Samedi Saint avec l'Office de l'Epitaphion (Image du Christ mis au Tombeau):
A travers les textes liturgiques on perçoit la descente aux enfers comme une blessure dans la plénitude divine; blessure dans laquelle s'engouffre toute la détresse, toute la révolte, tout le désespoir de ce monde qui abandonne Dieu et se sent abandonné par Lui. Pour élever Adam déchu, le Christ doit aller le chercher jusque dans la mort, car tel est le sens de cet Office: Dieu atteint la limite extrême de l'abaissement devant le néant des libertés déchues.
L'Office de l'Epitaphion, composé en grande partie par une femme, la poétesse byzantine Cassia, développe trois thèmes : l'abaissement extrême de Dieu dans un contexte cosmique, la descente aux enfers et l'accomplissement du sabbat où l'Eglise naîtra du sommeil (extase du Christ) comme Eve naquit du sommeil (extase d'Adam).
Du point de vue du déroulement liturgique, le psaume 119 (118) est entrecoupé de trois stances avec des strophes intercalées entre chaque verset et suivi d'un canon. Nous donnons ici le début de chacune de ces trois stances :
Toi, la Vie, Tu as été mis au sépulcre, ô Christ, et les armées des anges dans la stupeur glorifient ta condescendance.
Il est juste de Texalter, Toi, Source de Vie : Tu as étendu les mains sur la Croix et brisé la puissance de l'ennemi.
Toutes les générations apportent leur hymne à ton sépulcre, ô mon Christ.
Tu as, ô Vierge, libéré Adam du péché, en engendrant le Donateur de Vie; Tu as d'Eve changé en joie la tristesse ; Il a rendu à la vie ceux qui s'en étaient écartés, Celui qui, Dieu et Homme, s'est incarné en Toi.
Le lendemain matin, la Liturgie de Saint Basile est précédée des Vêpres. Jadis on baptisait alors les catéchumènes, d'où la longue lecture des quinze prophéties.
Lors de la célébration liturgique, on chante déjà :
«Lève-toi, ô Dieu, et juge la terre, car Tu hériteras de toutes les nations.»
Cette ancienne vigile pascale est ainsi l'icône de la Résurrection, celle de la descente victorieuse du Christ dans le royaume infernal.
A la Grande Entrée, on chante :
Que toute chair humaine fasse silence et se tienne dans la crainte et le tremblement. Qu'elle éloigne toute pensée terrestre. Car le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs s'avance afin d'être immolé et de Se donner en nourriture aux fidèles. Les chœurs angéliques le précèdent avec les Principautés, les Puissances, les Chérubins aux innombrables yeux et les Séraphins aux six ailes, se voilant la face et chantant : Alleluia, alleluia, alleluia.
Au moment de la Communion on chante :
"Le Seigneur s'est éveillé comme un homme qui dort; il s'est relevé pour nous sauver."

Dimanche 8 avril 2018

LE GRAND ET SAINT DIMANCHE DE PAQUES
Ton 1
Epître : Actes 1, 1-8
Evangile : Jean 1, 1-17

A partir du jour de Pâques et jusqu'à sa clôture, on ne dit pas la prière Roi Céleste, mais on la remplace par le tropaire de Pâques (3 fois).

Cette année Pâques tombe le 27 avril. Tous les ans la date de la fête varie, car elle est calculée en fonction de l'équinoxe et de la pleine lune (1er dimanche après la pleine lune qui suit l'équinoxe de printemps) car à ce moment toute la terre est éclairée, une moitié directement par le soleil, l'autre par la lune qui reflète au maximum la lumière solaire. L'Eglise a choisi de célébrer Pâques à ce moment, car la lumière triomphant des ténèbres est image par excellence du Christ, Soleil de Justice, vainqueur de la mort par Sa Résurrection. Il est intéressant de remarquer comment le dimanche, consacré dans les temps païens au soleil, est dédié aujourd'hui au Seigneur et plus particulièrement à sa Résurrection.
La résurrection du Christ est au cœur de notre foi, elle nous sauve du péché et de la mort. C'est parce que le Christ, le Verbe de Dieu est devenu homme tout en restant Dieu que nous, hommes créés à l'image de Dieu, pouvons être sauvés. En effet, en désobéissant à Dieu, l'homme se coupe de la Vie et se précipite dans un monde de souffrances et de mort. Le Christ. en assumant la condition humaine déchue mais sans jamais commettre le péché, permet à l'homme de Le suivre dans Sa résurrection. Comme Il est Dieu, la mort n'a pu Le garder comme les autres hommes. Des païens de l'Antiquité ont eu l'intuition de ce mystère qu'ils ont exprimé dans le mythe d'Orphée. Mais Orphée n'est qu'un homme, et même si son immense amour pour sa femme peut le faire descendre jusqu'aux Enfers, il ne peut l'en arracher durablement.
La fête de Pâques ne dure pas qu'un jour mais toute une semaine, elle a pour nom : semaine radieuse ou semaine du renouveau. Comme à Pâques les offices sont chantés complètement et les portes du sanctuaire restent continuellement ouvertes. La semaine ne comporte pas de jour de jeûne.
Après cette semaine «jour unique» on s'éloigne un peu plus de la fête. A cause du combat que nous devons mener pour lutter contre nos passions nous ne pouvons tenir longtemps dans un état de fête sans tomber dans l'illusion (optimisme béat ou fierté d'avoir mérité cet état). L'Eglise, très pédagogue, propose donc assez vite de rester dans la joie pascale mais en réintroduisant dans les offices des textes sur le repentir et en retrouvant les jeûnes des mercredis et vendredis.
Jusqu'à la clôture de Pâques (veille de l'Ascension) on continue à se saluer du salut pascal: «Le Christ est ressuscité ! - En vérité, Il est ressuscité !» Pendant ce temps toutes les prières commencent et se concluent par le tropaire de Pâques. Durant ces quarante jours on propose beaucoup d'œufs, souvent peints en rouge : l'œuf et la couleur rouge sont le symbole de la vie.
Nous vivons cette fête tous les dimanches. En effet, comme nous l'avons évoqué plus haut, la Résurrection du Seigneur est commémorée le dimanche. Aux vêpres et aux matines de ce jour sont chantés des hymnes commentant cette fête sur un cycle de huit dimanches correspondant aux huit tons.
Pâque est donc le point de départ, le cœur et le point d'arrivée de l'année liturgique et de toute notre vie.
Sophie Lossky

L'OFFICE DE PAQUES

Le grand office suivant les Matines du Grand Samedi est souvent (malheureusement) anticipé dans la matinée du Samedi Saint. C'est l'antique veillée pascale des premiers siècles. Ce sont les Vêpres du Samedi Saint qui autrefois duraient toute la nuit pour s'achever à l'aube du Dimanche de Pâques par le baptême des catéchumènes et la Divine Liturgie de saint Basile. Cet office comporte toujours les Vêpres unies à la Liturgie de saint Basile. Au cours de la première partie de cette célébration nous entendons quinze longues lectures de l'Ancien Testament qui nous rappellent l'ultime préparation que les catéchumènes recevaient la nuit de Pâques avant d'être baptisés. C'est toute l'histoire du salut qui est ainsi retracée à nos oreilles, depuis le récit de la création avec le début de la Genèse, en passant par les épisodes de l'agneau pascal et de la traversée de la Mer Rouge qui relatent la première Pâque et le salut opéré par Dieu en faveur du peuple hébreu, jusqu'aux grandes prophéties d'Isaïe et de Jérémie qui annoncent la plénitude des temps messianiques où le Messie apportera aux captifs la liberté et où le Seigneur conclura avec son peuple une alliance éternelle en mettant sa loi au dedans du cœur des croyants.

Après toutes ces lectures bibliques, l'épître aux Romains au chapitre 6 évoque directement le baptême et la Résurrection : «Nous tous qui avons été baptisés en Christ, c'est dans sa mort que nous avons été baptisés. Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous marchions nous aussi dans une vie nouvelle...» Le baptême nous plonge directement dans la mort et la résurrection du Christ. C'est pourquoi, dans l'Eglise ancienne, les catéchumènes étaient baptisés durant la nuit de Pâques.

Ensuite au lieu du chant habituel de l'Alléluia pour introduire l'évangile, le chœur chante : «Ressuscite, ô Dieu, et juge la terre, car tu auras en héritage toutes les nations.» tandis que le prêtre parcourt l'église en y répandant des feuilles de laurier, symbole de la victoire.

L'évangile qui suit proclame la Résurrection du Christ, selon saint Matthieu au chapitre 28. Puis c'est la suite de la Divine Liturgie de saint Basile.

Ainsi donc la Résurrection est déjà proclamée mais ce n'est pas encore Pâques.

Il faudra attendre le cœur de la nuit pour qu'éclate réellement la joie de la Résurrection.

Il est presque impossible de traduire par des mots l'allégresse qui traverse tout l'office de la nuit de Pâques. je vais seulement essayer d'en traduire quelques aspects.

Tout d'abord, nous entrons dans une église complètement obscure pour figurer la nuit du tombeau. Dans ces ténèbres, seule brille la petite flamme d'une veilleuse à laquelle le prêtre va allumer le cierge pascal, qui est un cierge fleuri, à trois branches évoquant la Trinité. Il appelle alors tous les fidèles à venir allumer leurs cierges au sien en disant : «Venez tous et prenez la lumière de la Lumière qui est sans déclin et glorifiez le Christ ressuscité d'entre les morts».

Chacun vient prendre effectivement la lumière en répétant ce chant, et l'église s'illumine peu à peu de la clarté de tous ces cierges. Nous pouvons alors sortir de l'église en procession et en faire le tour extérieur. Arrivés ensuite devant le porte fermée de l'église, qui figure la pierre du tombeau, nous entendons le prêtre proclamer l'annonce de la Résurrection selon saint Marc et aussitôt après, tandis que les cloches sonnent, il entonne le tropaire de Pâques : «Le Christ est ressuscité des morts. Par sa mort, il a vaincu la mort et à ceux qui sont dans les tombeaux, il a donné la vie».

Ce chant est répété indéfiniment tout au long de l'office, et déjà il est chanté dix fois en alternance avec des versets du Psaume 67 : «Que Dieu se lève et que ses ennemis se dispersent... Voici le jour que le Seigneur a fait. Pour nous allégresse et joie.»

Après une litanie, les portes de l'église s'ouvrent comme la pierre a été roulée de devant le tombeau et nous pénétrons dans l'église toute rutilante de lumière et de fleurs, et parfumée d'encens. C'est une exubérance de couleurs et de parfums qui nous fait éprouver par tous nos sens la vie jailli du tombeau. Et les chants s'appellent et se répondent tandis que le prêtre sort fréquemment du sanctuaire pour encenser le peuple et lui crier : «Le Christ est ressuscité». A quoi l'on répond : «En vérité Il est ressuscité». Les chants et ces acclamations s'entremêlent comme pour signifier le trop-plein de vie qui nous vient de la Résurrection du Sauveur.

Toutes les strophes seraient à citer. En voici quelques-unes :

«jour de la résurrection, peuples rayonnons de joie. Pâque du Seigneur, Pâque ! C'est de la mort à la vie, de la terre au ciel, que le Christ nous a fait passer, nous qui chantons cette hymne de victoire».

«Maintenant, tout est rempli de lumière, le ciel, la terre et ce qui est sous la terre. Que toute la création célèbre la résurrection du Christ en qui est notre force».

«Hier, j'étais enseveli avec toi, ô Christ, aujourd'hui je me lève avec toi en ta Résurrection. Hier, j'étais crucifié avec toi, ô Sauveur ; glorifie-moi avec toi dans ton Royaume».

Puis, ce sont les Laudes avec d'autres textes évoquant les femmes qui reçoivent l'annonce joyeuse de la Résurrection et surtout ce stichère final : «jour de la Résurrection. Rayonnons de joie et embrassons-nous les uns les autres. Appelons frères même ceux qui nous haïssent. Pardonnons tout, à cause de la Résurrection, et clamons : le Christ est ressuscité des morts. Par sa mort il a terrassé la mort...».

Et tandis qu'on répète sans fin ce tropaire les fidèles vont baiser l'Evangile que leur tend le prêtre, puis embrassent le célébrant et s'embrassent les uns les autres en disant : «Le Christ est ressuscité. En vérité, il est ressuscité !» L'église devient alors une icône visible de l'amour trinitaire. La Résurrection du Christ en nous communiquant la victoire du Christ sur la mort et sur le péché, nous rend capables de nous aimer les uns les autres comme le Christ nous a aimés.

Et maintenant, pour répondre à l'invitation du sermon de saint jean Chrysostome qui nous dit : « Entrez dans la joie de notre Maître », nous allons pouvoir participer à l'Eucharistie qui accomplit la fête.

CATECHESE DE PAQUES DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME

(A la fin de la divine liturgie pascale, il devenu une coutume de lire la catéchèse de Pâques de St Jean Chrysostome)
Que celui qui est pieux, qui aime le Seigneur, vienne goûter l'enchantement de cette fête ! Celui qui est un serviteur fidèle, qu'il entre avec allégresse dans la joie de son Maître. Celui qui a porté le poids du jeûne, qu'il vienne toucher maintenant son denier. Celui qui a travaillé dès la première heure recevra aujourd'hui le juste salaire ; celui qui est venu à la troisième heure se réjouira dans l'action de grâce ; celui qui arriva seulement après la sixième heure peut s'approcher sans effroi ; il ne sera pas lésé ; si quelqu'un a tardé jusqu'à la neuvième heure, il pourra venir sans hésitation ; l'ouvrier de la onzième heure ne souffrira pas de son retard.
Car le Seigneur est libéral : il reçoit le dernier comme le premier ; il accorde le repos à l'ouvrier de la onzième heure comme à celui qui, dès l'aube, a pris le travail. Il fait donc grâce au dernier et comble le premier ; il donne à celui-ci sans oublier celui-là ; il ne regarde pas seulement l'œuvre, mais déjà pénètre l'intention.
Tous entrez dans la joie de votre Maître : premiers et seconds, recevez la récompense ; riches et pauvres, chantez en chœur; abstinents et oisifs, fêtez ce jour ; que vous ayez jeûné ou non, réjouissez-vous aujourd'hui !
Le festin est prêt, venez donc tous. Le veau gras est servi ; tous seront rassasiés. Mangez avec délices au banquet de la foi, et venez puiser aux richesses de la bonté.
Que nul ne déplore sa pauvreté : à tous le Royaume s'est ouvert ; que nul ne déplore ses péchés : le pardon s'est levé du tombeau ; que nul ne craigne la mort : celle du Seigneur nous a rendus libres ; il l'a terrassée, lorsqu'elle le tenait enchaîné ; il a jeté dans l'effroi ceux qui avait touché sa chair. Isaïe l'avait prévu, en criant à tous les vents : «l'enfer fut consterné quand il l'a rencontré»; il fut consterné parce qu'il fut terrassé ; il fut dans la tristesse parce qu'il fut joué. L'enfer a saisi un corps, et il s'est trouvé devant un Dieu ; il a saisi la terre, et rencontré le ciel ; il a choisi le visible pour choir dans l'invisible.
Mort, où est ta victoire ? Mort où est ton aiguillon ? Le Christ est ressuscité et tu as été terrassée. Le Christ est ressuscité et les démons sont tombés ; le Christ est ressuscité et les anges sont dans l'allégresse ; le Christ est ressuscité et tous les morts quittent le tombeau. Oui le Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui dorment.
A Lui, gloire et puissance dans les siècles des siècles ! Amen.

Traduction de A. Hamman LE MYSTERE DE PAQUES Ed. Grasset pp. 133-134

Tropaire de Pâques (ton 5)

Le Christ est ressuscité des morts, par la mort Il a vaincu la mort, à ceux qui sont dans les tombeaux, Il a donné la vie.

Stichère de Pâques

C'est le jour de la Résurrection, que la fête nous illumine, embrassons-nous les uns les autres et appelons frères, même ceux qui nous méprisent. Pardonnons tout dans la Résurrection et chantons: le Christ est ressuscité des morts, à ceux qui sont dans les tombeaux Il a donné la Vie.

Tropaire de la Résurrection (ton 2)
Lorsque tu es descendu dans la mort, Ô Vie immortelle, l'Enfer fui mis à mort par l'éclat de Ta divinité. Lorsque tu as fait sortir les morts des abîmes toutes les puissances célestes clamaient: Christ Dieu, Donateur de Vie, gloire à Toi.

Kondakion, t. 8
Lorsque tu gisais dans le tombeau, Seigneur immortel, tu as brisé la puissance de l'Enfer, et tu es ressuscité victorieusement,  Christ notre Dieu. ordonnant aux Myrophores de se réjouir, visitant tes Apôtres et leur donnant la paix, toi qui nous sauves en nous accordant la résurrection.

Ikos
C'est le soleil antérieur au soleil, jadis descendu au tombeau, que les Myrophores cherchaient comme le jour, avant l'aurore se hâtant et l'une et l'autre se disant : 0 mes chères amies, allons embaumer le corps vivifiant de celui qui au sépulcre enseveli après sa chute relève Adam ; allons, hâtons-nous et comme les Mages nous prosternant, offrons la myrrhe en hommage à celui qui n'est plus de langes, mais d'un suaire enveloppé, et dans les larmes crions-lui : Lève-toi, Seigneur, toi qui nous sauves en nous accordant la résurrection.

HOMELIE

Message de Pâques de Mgr +MELETIOS (1983, ancien métropolite de France)

"Christ est ressuscité des morts, par la mort il a vaincu la mort, à ceux qui sont dans les tombeaux, il a donné la vie !"
Cette immense joie est au cour de l'Eglise orthodoxe. Chaque dimanche est Pâques ; chaque dimanche aux matines, nous lisons un évangile de la Résurrection. Chaque office du matin célèbre la victoire de la lumière, annonce la venue pascale du «jour sans déclin». «Jour de la Résurrection (...) Jésus s'est levé du tombeau (...) il nous a donné la vie éternelle et sa grande miséricorde». Toute la pensée, toute la prière de l'orthodoxie vibrent de cette annonce inouïe : Dieu s'est fait chair et dans la chair, avec elle, il a vaincu la mort, il a rouvert aux hommes le chemin de la déification, où le feu de la nature divine, à travers le Christ, embrase notre humanité.
Pourtant interrogeons-nous. Pâques est une grande et belle fête, mais que reste-t-il dans nos vies de cette exaltation passagère ? Chacun porte sa croix. Notre vie est toujours une croix. Les amours se brisent, ou la mort vient nous ravir ceux que nous aimons. Les enfants s'en vont. Les amitiés sont incertaines. L'accident, la maladie, le déclin nous guettent. L'Ecclésiaste n'ignore rien de notre tristesse : «Tout est vanité et poursuite du vent» (2, 17). «Je regarde toute l'oppression qui se commet sous le soleil : voici les larmes des opprimés, et ils n'ont pas de consolateurs» (4,1). Car non seulement nos vies personnelles, mais l'histoire toute entière est pleine de douleur et de haine. Tant d'êtres se défont dans le chômage, dans l'oppression tantôt des âmes et tantôt des corps. Tant de jeunes gens doutent de l'avenir, sont envahis par l'angoisse et la tentation du suicide...
Alors n'oublions pas que le Vendredi saint précède Pâques, et que toutes nos croix, Dieu lui-même, le Dieu fait homme les a portées. A Gethsémani il a dit : «Mon âme est triste jusqu'à la mort» (Mt 26,38), «et sa sueur devint comme de grosses gouttes de sang» (Lc 22, 44). Il a été exclu, solitaire, bafoué, flagellé, on a enfoncé sur sa tête, et dans sa tête, une couronne d'épines. Sur la croix, il a crié : «J'ai soif» (Jn 19, 28) et «Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m'as-tu abandonné ?» (Mt 27, 46). La Résurrection n'est pas une aimable fête à la surface de l'histoire, à la surface de nos vies. Elle jaillit de toute l'épaisseur de notre souffrance, de tous les massacres de l'histoire, de tout le chaos de l'univers.
Le Christ ressuscite dans l'enfer, dans la nuit, dans le tombeau fermé d'une lourde pierre. Dans notre enfer, dans notre nuit, dans notre existence qui ressemble si souvent au tombeau fermé par nos cœurs de pierre.
Alors nous comprenons que nulle part nous ne sommes perdus, orphelins, abandonnés. Le Christ souffre en nous, il nous ressuscite avec lui. Il y a des signes de Résurrection. Tout au long de l'histoire de l'Eglise, tout au long de l'histoire des hommes, et maintenant encore, oui, maintenant, il y a des signes de Résurrection. Il y a des saints qui sont capables d'accueillir chacun avec un amour infini en lui disant : «Ma joie, Christ est ressuscité !» Il y a eu, en notre siècle, des martyrs par milliers qui sont morts en priant pour leurs bourreaux : c'est en ressuscitant. Dans les camps nazis, des chrétiens de toutes confessions, un catholique comme le P. Kolbe, une orthodoxe comme la mère Marie, étaient rayonnants de paix et de joie au milieu de l'horreur. Et d'autres camps, plus récemment, n'ont cessé de connaître de semblables témoins. Partout dans le monde, d'humbles chrétiens refont patiemment le tissu de la vie, de la confiance, de la confiance dans la vie, contre les forces du néant. Partout dans le monde, des hommes et des femmes puisent dans le Résurrection, le courage de lutter pour la liberté, la justice et la paix, avec les armes d'un amour actif, créateur. Le Christ est ressuscité, et sa Résurrection est l'avenir du monde, elle nous permet de faire un peu de bien pur, sans rien demander en retour, comme la Matriona de Soljenitsine, cette figure des justes inaperçus qui sont cependant l'âme du monde.
Frères et sœurs, considérons l'histoire de notre Eglise, l'Eglise orthodoxe, en ce siècle terrible. Dans d'immenses régions la persécution l'écrasait, on croyait qu'elle allait mourir. «Mais le sang des martyrs est la semence des chrétiens», a dit Origène. L'Eglise persécutée connaît aujourd'hui un étrange renouveau, les adultes s'y font baptiser par milliers. En France même, voyez comme les orthodoxes savent maintenant se rapprocher et collaborer. Voyez la grande tâche qu'ils ont accomplie et accomplissent pour clarifier et approfondir leur message. Par la joie de la Résurrection, quelques poignées d'immigrés ont su transformer leur exil en témoignage du Royaume. Puisse-t-il, ce Royaume de la lumière, s'enraciner et grandir dans nos communautés et dans nos vies : «Jour de la Résurrection ! (...) Dans la joie embrassons-nous les uns les autres et appelons-nous frères.»
Mes amis, le monde meurt par manque d'amour. Que la Résurrection nous donne la force d'être les témoins du véritable amour, celui qui est plus fort que la mort, que toutes les formes de mort, qu'elles soient politiques, sociales, culturelles ou toujours, en définitive, spirituelles.
Que la bénédiction de Pâques soient sur vous.

LE CHRIST RESSUSCITE !
CHRISTOS ANESTI !
CHRISTOS VOSKRIESSE !
CHRISTOS A INVIAT !
ALMASSIH KAM !
EN VERITE IL EST RESSUSCITE !

KRISTUS ON ÜLES TÕUSNUD ! TÕESTI ON ÜLES TÕUSNUD !

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