SAINT,
LUMINEUX ET GRAND DIMANCHE DE PAQUES
Epître : Actes 1, 1-8
Evangile : Jean 1, 1-17
Cette
année Pâques tombe le 19 avril. Tous
les ans la date de la fête varie, car elle est
calculée en fonction de l'équinoxe et
de la pleine lune (1er dimanche après la pleine
lune qui suit l'équinoxe de printemps) car
à ce moment toute la terre est éclairée,
une moitié directement par le soleil, l'autre
par la lune qui reflète au maximum la lumière
solaire. L'Eglise a choisi de célébrer
Pâques à ce moment, car la lumière
triomphant des ténèbres est image par
excellence du Christ, Soleil de Justice, vainqueur
de la mort par Sa Résurrection. Il est intéressant
de remarquer comment le dimanche, consacré
dans les temps païens au soleil, est dédié
aujourd'hui au Seigneur et plus particulièrement
à sa Résurrection.
La résurrection du Christ est au cur de notre foi, elle
nous sauve du péché et de la mort. C'est parce que le
Christ, le Verbe de Dieu est devenu homme tout en restant Dieu que
nous, hommes créés à l'image de Dieu, pouvons
être sauvés. En effet, en désobéissant
à Dieu, l'homme se coupe de la Vie et se précipite dans
un monde de souffrances et de mort. Le Christ. en assumant la condition
humaine déchue mais sans jamais commettre le péché,
permet à l'homme de Le suivre dans Sa résurrection.
Comme Il est Dieu, la mort n'a pu Le garder comme les autres hommes.
Des païens de l'Antiquité ont eu l'intuition de ce mystère
qu'ils ont exprimé dans le mythe d'Orphée. Mais Orphée
n'est qu'un homme, et même si son immense amour pour sa femme
peut le faire descendre jusqu'aux Enfers, il ne peut l'en arracher
durablement.
La fête de Pâques ne dure pas qu'un jour mais toute une
semaine, elle a pour nom : semaine radieuse ou semaine du renouveau.
Comme à Pâques les offices sont chantés complètement
et les portes du sanctuaire restent continuellement ouvertes. La semaine
ne comporte pas de jour de jeûne.
Après cette semaine «jour unique» on s'éloigne
un peu plus de la fête. A cause du combat que nous devons mener
pour lutter contre nos passions nous ne pouvons tenir longtemps dans
un état de fête sans tomber dans l'illusion (optimisme
béat ou fierté d'avoir mérité cet état).
L'Eglise, très pédagogue, propose donc assez vite de
rester dans la joie pascale mais en réintroduisant dans les
offices des textes sur le repentir et en retrouvant les jeûnes
des mercredis et vendredis.
Jusqu'à la clôture de Pâques (veille de l'Ascension)
on continue à se saluer du salut pascal: «Le Christ est
ressuscité ! - En vérité, Il est ressuscité
!» Pendant ce temps toutes les prières commencent et
se concluent par le tropaire de Pâques. Durant ces quarante
jours on propose beaucoup d'ufs, souvent peints en rouge : l'uf
et la couleur rouge sont le symbole de la vie.
Nous vivons cette fête tous les dimanches. En effet, comme nous
l'avons évoqué plus haut, la Résurrection du
Seigneur est commémorée le dimanche. Aux vêpres
et aux matines de ce jour sont chantés des hymnes commentant
cette fête sur un cycle de huit dimanches correspondant aux
huit tons.
Pâque est donc le point de départ, le cur et le
point d'arrivée de l'année liturgique et de toute notre
vie.
Sophie Lossky
L'OFFICE
DE PAQUES
Le
grand office suivant les Matines du Grand Samedi est souvent (malheureusement)
anticipé dans la matinée du Samedi Saint. C'est l'antique
veillée pascale des premiers siècles. Ce sont les Vêpres
du Samedi Saint qui autrefois duraient toute la nuit pour s'achever
à l'aube du Dimanche de Pâques par le baptême des
catéchumènes et la Divine Liturgie de saint Basile.
Cet office comporte toujours les Vêpres unies à la Liturgie
de saint Basile. Au cours de la première partie de cette célébration
nous entendons quinze longues lectures de l'Ancien Testament qui nous
rappellent l'ultime préparation que les catéchumènes
recevaient la nuit de Pâques avant d'être baptisés.
C'est toute l'histoire du salut qui est ainsi retracée à
nos oreilles, depuis le récit de la création avec le
début de la Genèse, en passant par les épisodes
de l'agneau pascal et de la traversée de la Mer Rouge qui relatent
la première Pâque et le salut opéré par
Dieu en faveur du peuple hébreu, jusqu'aux grandes prophéties
d'Isaïe et de Jérémie qui annoncent la plénitude
des temps messianiques où le Messie apportera aux captifs la
liberté et où le Seigneur conclura avec son peuple une
alliance éternelle en mettant sa loi au dedans du cur
des croyants.
Après
toutes ces lectures bibliques, l'épître aux Romains au
chapitre 6 évoque directement le baptême et la Résurrection
: «Nous tous qui avons été baptisés en
Christ, c'est dans sa mort que nous avons été baptisés.
Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême
en sa mort afin que, comme le Christ est ressuscité des morts
par la gloire du Père, nous marchions nous aussi dans une vie
nouvelle...» Le baptême nous plonge directement dans la
mort et la résurrection du Christ. C'est pourquoi, dans l'Eglise
ancienne, les catéchumènes étaient baptisés
durant la nuit de Pâques.
Ensuite
au lieu du chant habituel de l'Alléluia pour introduire l'évangile,
le chur chante : «Ressuscite, ô Dieu, et juge la
terre, car tu auras en héritage toutes les nations.»
tandis que le prêtre parcourt l'église en y répandant
des feuilles de laurier, symbole de la victoire.
L'évangile
qui suit proclame la Résurrection du Christ, selon saint Matthieu
au chapitre 28. Puis c'est la suite de la Divine Liturgie de saint
Basile.
Ainsi
donc la Résurrection est déjà proclamée
mais ce n'est pas encore Pâques.
Il
faudra attendre le cur de la nuit pour qu'éclate réellement
la joie de la Résurrection.
Il
est presque impossible de traduire par des mots l'allégresse
qui traverse tout l'office de la nuit de Pâques. je vais seulement
essayer d'en traduire quelques aspects.
Tout
d'abord, nous entrons dans une église complètement obscure
pour figurer la nuit du tombeau. Dans ces ténèbres,
seule brille la petite flamme d'une veilleuse à laquelle le
prêtre va allumer le cierge pascal, qui est un cierge fleuri,
à trois branches évoquant la Trinité. Il appelle
alors tous les fidèles à venir allumer leurs cierges
au sien en disant : «Venez tous et prenez la lumière
de la Lumière qui est sans déclin et glorifiez le Christ
ressuscité d'entre les morts».
Chacun
vient prendre effectivement la lumière en répétant
ce chant, et l'église s'illumine peu à peu de la clarté
de tous ces cierges. Nous pouvons alors sortir de l'église
en procession et en faire le tour extérieur. Arrivés
ensuite devant le porte fermée de l'église, qui figure
la pierre du tombeau, nous entendons le prêtre proclamer l'annonce
de la Résurrection selon saint Marc et aussitôt après,
tandis que les cloches sonnent, il entonne le tropaire de Pâques
: «Le Christ est ressuscité des morts. Par sa mort, il
a vaincu la mort et à ceux qui sont dans les tombeaux, il a
donné la vie».
Ce
chant est répété indéfiniment tout au
long de l'office, et déjà il est chanté dix fois
en alternance avec des versets du Psaume 67 : «Que Dieu se lève
et que ses ennemis se dispersent... Voici le jour que le Seigneur
a fait. Pour nous allégresse et joie.»
Après
une litanie, les portes de l'église s'ouvrent comme la pierre
a été roulée de devant le tombeau et nous pénétrons
dans l'église toute rutilante de lumière et de fleurs,
et parfumée d'encens. C'est une exubérance de couleurs
et de parfums qui nous fait éprouver par tous nos sens la vie
jailli du tombeau. Et les chants s'appellent et se répondent
tandis que le prêtre sort fréquemment du sanctuaire pour
encenser le peuple et lui crier : «Le Christ est ressuscité».
A quoi l'on répond : «En vérité Il est
ressuscité». Les chants et ces acclamations s'entremêlent
comme pour signifier le trop-plein de vie qui nous vient de la Résurrection
du Sauveur.
Toutes
les strophes seraient à citer. En voici quelques-unes :
«jour
de la résurrection, peuples rayonnons de joie. Pâque
du Seigneur, Pâque ! C'est de la mort à la vie, de la
terre au ciel, que le Christ nous a fait passer, nous qui chantons
cette hymne de victoire».
«Maintenant,
tout est rempli de lumière, le ciel, la terre et ce qui est
sous la terre. Que toute la création célèbre
la résurrection du Christ en qui est notre force».
«Hier,
j'étais enseveli avec toi, ô Christ, aujourd'hui je me
lève avec toi en ta Résurrection. Hier, j'étais
crucifié avec toi, ô Sauveur ; glorifie-moi avec toi
dans ton Royaume».
Puis,
ce sont les Laudes avec d'autres textes évoquant les femmes
qui reçoivent l'annonce joyeuse de la Résurrection et
surtout ce stichère final : «jour de la Résurrection.
Rayonnons de joie et embrassons-nous les uns les autres. Appelons
frères même ceux qui nous haïssent. Pardonnons tout,
à cause de la Résurrection, et clamons : le Christ est
ressuscité des morts. Par sa mort il a terrassé la mort...».
Et
tandis qu'on répète sans fin ce tropaire les fidèles
vont baiser l'Evangile que leur tend le prêtre, puis embrassent
le célébrant et s'embrassent les uns les autres en disant
: «Le Christ est ressuscité. En vérité,
il est ressuscité !» L'église devient alors une
icône visible de l'amour trinitaire. La Résurrection
du Christ en nous communiquant la victoire du Christ sur la mort et
sur le péché, nous rend capables de nous aimer les uns
les autres comme le Christ nous a aimés.
Et
maintenant, pour répondre à l'invitation du sermon de
saint jean Chrysostome qui nous dit : « Entrez dans la joie
de notre Maître », nous allons pouvoir participer à
l'Eucharistie qui accomplit la fête.
CATECHESE
DE PAQUES DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME
(A la fin de la divine liturgie pascale, il devenu une coutume de
lire la catéchèse de Pâques de St Jean Chrysostome)
Que celui qui est pieux, qui aime le Seigneur, vienne goûter
l'enchantement de cette fête ! Celui qui est un serviteur fidèle,
qu'il entre avec allégresse dans la joie de son Maître.
Celui qui a porté le poids du jeûne, qu'il vienne toucher
maintenant son denier. Celui qui a travaillé dès la
première heure recevra aujourd'hui le juste salaire ; celui
qui est venu à la troisième heure se réjouira
dans l'action de grâce ; celui qui arriva seulement après
la sixième heure peut s'approcher sans effroi ; il ne sera
pas lésé ; si quelqu'un a tardé jusqu'à
la neuvième heure, il pourra venir sans hésitation ;
l'ouvrier de la onzième heure ne souffrira pas de son retard.
Car le Seigneur est libéral : il reçoit le dernier comme
le premier ; il accorde le repos à l'ouvrier de la onzième
heure comme à celui qui, dès l'aube, a pris le travail.
Il fait donc grâce au dernier et comble le premier ; il donne
à celui-ci sans oublier celui-là ; il ne regarde pas
seulement l'uvre, mais déjà pénètre
l'intention.
Tous entrez dans la joie de votre Maître : premiers et seconds,
recevez la récompense ; riches et pauvres, chantez en chur;
abstinents et oisifs, fêtez ce jour ; que vous ayez jeûné
ou non, réjouissez-vous aujourd'hui !
Le festin est prêt, venez donc tous. Le veau gras est servi
; tous seront rassasiés. Mangez avec délices au banquet
de la foi, et venez puiser aux richesses de la bonté.
Que nul ne déplore sa pauvreté : à tous le Royaume
s'est ouvert ; que nul ne déplore ses péchés
: le pardon s'est levé du tombeau ; que nul ne craigne la mort
: celle du Seigneur nous a rendus libres ; il l'a terrassée,
lorsqu'elle le tenait enchaîné ; il a jeté dans
l'effroi ceux qui avait touché sa chair. Isaïe l'avait
prévu, en criant à tous les vents : «l'enfer fut
consterné quand il l'a rencontré»; il fut consterné
parce qu'il fut terrassé ; il fut dans la tristesse parce qu'il
fut joué. L'enfer a saisi un corps, et il s'est trouvé
devant un Dieu ; il a saisi la terre, et rencontré le ciel
; il a choisi le visible pour choir dans l'invisible.
Mort, où est ta victoire ? Mort où est ton aiguillon
? Le Christ est ressuscité et tu as été terrassée.
Le Christ est ressuscité et les démons sont tombés
; le Christ est ressuscité et les anges sont dans l'allégresse
; le Christ est ressuscité et tous les morts quittent le tombeau.
Oui le Christ est ressuscité des morts, prémices de
ceux qui dorment.
A Lui, gloire et puissance dans les siècles des siècles
! Amen.
Traduction de A. Hamman LE MYSTERE DE PAQUES
Ed. Grasset pp. 133-134
Tropaire
de Pâques (ton 5) Le Christ est ressuscité des morts,
par la mort Il a vaincu la mort, à ceux qui sont dans les tombeaux,
Il a donné la vie.
Stichère
de Pâques
C'est le jour de la Résurrection, que la fête nous illumine,
embrassons-nous les uns les autres et appelons frères, même
ceux qui nous méprisent. Pardonnons tout dans la Résurrection
et chantons: le Christ est ressuscité des morts, à ceux
qui sont dans les tombeaux Il a donné la Vie. Tropaire de la Résurrection
(ton 2)
Lorsque tu es descendu dans la mort, Ô Vie immortelle, l'Enfer
fui mis à mort par l'éclat de Ta divinité. Lorsque
tu as fait sortir les morts des abîmes toutes les puissances célestes
clamaient: Christ Dieu, Donateur de Vie, gloire à Toi. Kondakion, t. 8
Lorsque tu gisais dans le tombeau, Seigneur immortel, tu as brisé
la puissance de l'Enfer, et tu es ressuscité victorieusement,
Christ notre Dieu. ordonnant aux Myrophores de se réjouir,
visitant tes Apôtres et leur donnant la paix, toi qui nous sauves
en nous accordant la résurrection. Ikos
C'est le soleil antérieur au soleil, jadis descendu au tombeau,
que les Myrophores cherchaient comme le jour, avant l'aurore se hâtant
et l'une et l'autre se disant : 0 mes chères amies, allons embaumer
le corps vivifiant de celui qui au sépulcre enseveli après
sa chute relève Adam ; allons, hâtons-nous et comme les
Mages nous prosternant, offrons la myrrhe en hommage à celui
qui n'est plus de langes, mais d'un suaire enveloppé, et dans
les larmes crions-lui : Lève-toi, Seigneur, toi qui nous sauves
en nous accordant la résurrection.
Message
de Pâques de Mgr +MELETIOS (1983, ancien métropolite
de France)
"Christ est ressuscité des morts, par la mort il a vaincu
la mort, à ceux qui sont dans les tombeaux, il a donné
la vie !"
Cette immense joie est au cour de l'Eglise orthodoxe. Chaque dimanche
est Pâques ; chaque dimanche aux matines, nous lisons un évangile
de la Résurrection. Chaque office du matin célèbre
la victoire de la lumière, annonce la venue pascale du «jour
sans déclin». «Jour de la Résurrection (...)
Jésus s'est levé du tombeau (...) il nous a donné
la vie éternelle et sa grande miséricorde». Toute
la pensée, toute la prière de l'orthodoxie vibrent de
cette annonce inouïe : Dieu s'est fait chair et dans la chair,
avec elle, il a vaincu la mort, il a rouvert aux hommes le chemin
de la déification, où le feu de la nature divine, à
travers le Christ, embrase notre humanité.
Pourtant interrogeons-nous. Pâques est une grande et belle fête,
mais que reste-t-il dans nos vies de cette exaltation passagère
? Chacun porte sa croix. Notre vie est toujours une croix. Les amours
se brisent, ou la mort vient nous ravir ceux que nous aimons. Les
enfants s'en vont. Les amitiés sont incertaines. L'accident,
la maladie, le déclin nous guettent. L'Ecclésiaste n'ignore
rien de notre tristesse : «Tout est vanité et poursuite
du vent» (2, 17). «Je regarde toute l'oppression qui se
commet sous le soleil : voici les larmes des opprimés, et ils
n'ont pas de consolateurs» (4,1). Car non seulement nos vies
personnelles, mais l'histoire toute entière est pleine de douleur
et de haine. Tant d'êtres se défont dans le chômage,
dans l'oppression tantôt des âmes et tantôt des
corps. Tant de jeunes gens doutent de l'avenir, sont envahis par l'angoisse
et la tentation du suicide...
Alors n'oublions pas que le Vendredi saint précède Pâques,
et que toutes nos croix, Dieu lui-même, le Dieu fait homme les
a portées. A Gethsémani il a dit : «Mon âme
est triste jusqu'à la mort» (Mt 26,38), «et sa
sueur devint comme de grosses gouttes de sang» (Lc 22, 44).
Il a été exclu, solitaire, bafoué, flagellé,
on a enfoncé sur sa tête, et dans sa tête, une
couronne d'épines. Sur la croix, il a crié : «J'ai
soif» (Jn 19, 28) et «Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m'as-tu
abandonné ?» (Mt 27, 46). La Résurrection n'est
pas une aimable fête à la surface de l'histoire, à
la surface de nos vies. Elle jaillit de toute l'épaisseur de
notre souffrance, de tous les massacres de l'histoire, de tout le
chaos de l'univers.
Le Christ ressuscite dans l'enfer, dans la nuit, dans le tombeau fermé
d'une lourde pierre. Dans notre enfer, dans notre nuit, dans notre
existence qui ressemble si souvent au tombeau fermé par nos
curs de pierre.
Alors nous comprenons que nulle part nous ne sommes perdus, orphelins,
abandonnés. Le Christ souffre en nous, il nous ressuscite avec
lui. Il y a des signes de Résurrection. Tout au long de l'histoire
de l'Eglise, tout au long de l'histoire des hommes, et maintenant
encore, oui, maintenant, il y a des signes de Résurrection.
Il y a des saints qui sont capables d'accueillir chacun avec un amour
infini en lui disant : «Ma joie, Christ est ressuscité
!» Il y a eu, en notre siècle, des martyrs par milliers
qui sont morts en priant pour leurs bourreaux : c'est en ressuscitant.
Dans les camps nazis, des chrétiens de toutes confessions,
un catholique comme le P. Kolbe, une orthodoxe comme la mère
Marie, étaient rayonnants de paix et de joie au milieu de l'horreur.
Et d'autres camps, plus récemment, n'ont cessé de connaître
de semblables témoins. Partout dans le monde, d'humbles chrétiens
refont patiemment le tissu de la vie, de la confiance, de la confiance
dans la vie, contre les forces du néant. Partout dans le monde,
des hommes et des femmes puisent dans le Résurrection, le courage
de lutter pour la liberté, la justice et la paix, avec les
armes d'un amour actif, créateur. Le Christ est ressuscité,
et sa Résurrection est l'avenir du monde, elle nous permet
de faire un peu de bien pur, sans rien demander en retour, comme la
Matriona de Soljenitsine, cette figure des justes inaperçus
qui sont cependant l'âme du monde.
Frères et surs, considérons l'histoire de notre
Eglise, l'Eglise orthodoxe, en ce siècle terrible. Dans d'immenses
régions la persécution l'écrasait, on croyait
qu'elle allait mourir. «Mais le sang des martyrs est la semence
des chrétiens», a dit Origène. L'Eglise persécutée
connaît aujourd'hui un étrange renouveau, les adultes
s'y font baptiser par milliers. En France même, voyez comme
les orthodoxes savent maintenant se rapprocher et collaborer. Voyez
la grande tâche qu'ils ont accomplie et accomplissent pour clarifier
et approfondir leur message. Par la joie de la Résurrection,
quelques poignées d'immigrés ont su transformer leur
exil en témoignage du Royaume. Puisse-t-il, ce Royaume de la
lumière, s'enraciner et grandir dans nos communautés
et dans nos vies : «Jour de la Résurrection ! (...) Dans
la joie embrassons-nous les uns les autres et appelons-nous frères.»
Mes amis, le monde meurt par manque d'amour. Que la Résurrection
nous donne la force d'être les témoins du véritable
amour, celui qui est plus fort que la mort, que toutes les formes
de mort, qu'elles soient politiques, sociales, culturelles ou toujours,
en définitive, spirituelles.
Que la bénédiction de Pâques soient sur vous.
LE CHRIST RESSUSCITE !
CHRISTOS ANESTI !
CHRISTOS VOSKRIESSE !
CHRISTOS A INVIAT !
ALMASSIH KAM !
KRISTUS ON ÜLESTÕUSNUD!
KRISTUS NOUSI KUOLLEISTA!
EN VERITE IL EST RESSUSCITE !
Dimanche
19 avril 2015 : 2ème
dimanche après Pâques
Dimanche
de Thomas
Matines
: 1er Evangile
Epître : Ac 5,
12-20 ; Evangile Jn 20, 19-31
Thomas
Didyme, le seul qui ait osé, en sa foi incrédule * pour
notre bien, en son incrédulité qui portait la foi * enlève
des confins du monde l'ignorance ténébreuse * et il tresse
sa propre couronne, en disant * Tu es le Seigneur Dieu des Pères
exalté au-dessus de tout * Notre Dieu, Tu es béni.
Thomas dans la crainte touchant de sa main ton côté qui
porte la vie * Christ, sentit en tremblant la double énergie
de tes deux natures * unies en Toi, Sauveur, sans se confondre. Et il
dit dans la foi * Tu es le Seigneur Dieu des Pères exalté
au-dessus de tout * Notre Dieu, Tu es béni.
Thomas Didyme mit sa main dans le côté qu'on ne peut tenir
* mais quand il le toucha, ne fut pas brûlé * Il sentit
les blessures et sa foi fut confirmée * Il dit à Celui
qui fut percé pour nous * Quand bien Tu as souffert, Tu es mon
Seigneur et mon Dieu.
Textes liturgiques orthodoxes
Texte
à méditer
L'épisode de Thomas nous suggère aussi cette pensée.
Pouvons-nous, aujourd'hui, toucher de nos mains la chair meurtrie du
Sauveur ? Nous, à qui les extases et les visions ne sont pas
accordées, pouvons-nous nous assurer que nous n'adorons pas un
fantôme, mais un vivant ? Oui, et cette possibilité est
donnée à tout homme. Jésus vit d'une manière
invisible et réelle dans les créatures de chair qui nous
entourent. Les plaies du crucifiement, nous pouvons les constater, les
adorer aujourd'hui dans les malades, les pauvres, dans tous les hommes
et les femmes qui souffrent, tous ceux en qui se prolonge l'agonie de
Jésus, membres du Corps mystique qui participent à la
Passion de leur Tête divine. Jésus nous dit: « Si
tu doutes que j'aie été crucifié pour toi et que
je sois ressuscité, penche-toi vers mes membres souffrants. Touche-moi
en étendant vers eux une main secourable. En te donnant à
eux, tu me trouveras. Fais pour eux quelque chose qui te coûte.
Immole-toi pour eux selon qu'il te sera possible. Et voici que tu me
découvriras en eux. Je te répondrai par une grâce
Spéciale. Tu me sentiras vivant et présent. Tu éprouveras
la réalité, la force de ma Résurrection».
Il ne nous est pas donné de voir d'une manière constante
la Sainte Face, mais, comme une vision évanescente, le visage
du Christ m'apparaîtra derrière le visage de mon frère
et, à travers la compassion, je rejoindrai la Passion. Je toucherai
mon frère souffrant, et je dirai : «Mon Seigneur et mon
Dieu !»
Un
moine de l'Eglise d'orient
L'an de grâce du Seigneur
Kondakion,
t. 8
De sa main fureteuse l'Apôtre Thomas * explora ton côté
vivifiant, Christ notre Dieu, * et toutes portes étant fermées
lorsque tu vins au milieu des Disciples, il te cria : * Tu es en vérité
mon Seigneur et mon Dieu.
Ikos
La main du Disciple, comment n'a-t-elle pas fondu, * lorsqu'elle approcha
le côté brûlant du Seigneur ? * Qui lui a donné
l'audace d'y toucher? * Assurément, celui qui fut touché
! * S'il n'avait donné la force à cette pauvre main,
* comment aurait-elle pu toucher les plaies qui firent trembler le
ciel et la terre ? * Et Thomas reçut la grâce de toucher
le Christ et de lui crier : * Tu es en vérité mon Seigneur
et mon Dieu.
L'INCREDULITE
DE THOMAS
(Jean 20,19-31)
Le dimanche qui suit le dimanche de Pâques, l'Eglise orthodoxe
médite l'incrédulité de l'apôtre Thomas.
Cette incrédulité est à rapprocher du triple
reniement de Pierre après l'arrestation de Jésus. Thomas
ne fut pas moins croyant que les autres disciples. Car le Vendredi
Saint au soir, tous perdirent la foi. Ils eurent alors l'impression
irrésistible de s'être laissé emporter par un
rêve. Au choc brutal de la terrible réalité, ils
se sentirent retomber sur terre d'un seul coup, avec le sentiment
d'avoir vécu en songe une incroyable aventure, de s'être
laissé entraîner hors du réel.
C'étaient pourtant des gens de bon sens. Un Messie qui meurt,
rejeté par les officiels du Judaïsme, crucifié
aux portes de la ville comme un vulgaire séditieux de bas étage,
comment pourrait-il être le Messie d'Israël ? A l'instar
du reniement de Pierre, l'incrédulité de Thomas n'est
pas qu'une faiblesse, c'est l'effet bien compréhensible d'un
doute profondément humain. Ni Pierre le Jeudi Saint, ni Thomas
absent le dimanche de Pâques ne pouvaient admettre de compromettre
leur vie pour une illusion, certes, les disciples n'oubliaient pas
l'attrait qu'ils avaient éprouvé auprès de ce
Maître incomparable, de ce merveilleux ami, de ce Rabbi prestigieux,
de cet extraordinaire thaumaturge, et son souvenir était encore
tout brûlant dans leur cour. Mais une chose était désormais
bien certaine : Jésus n'était pas, ne pouvait pas être
le Messie d'Israël puisqu'il était mort. Ce qu'ils avaient
éprouvé auprès de Jésus durant trois ans,
c'était la Présence, confuse mais tellement saisissante,
du Tout-Autre lui-même. Et voilà qu'en quelques heures,
il ne leur restait plus que l'absence la plus définitive, pensaient-ils,
et la plus atroce après cette exécution sommaire et
ignominieuse. Leur cour avait été trop profondément
saisi par la présence de Jésus, pour ne pas être
maintenant submergé par la douleur de son absence désormais
aussi totale qu'imprévue. L'incrédulité de Thomas
ne le distingue en rien des autres disciples. Simplement, le fait
anecdotique de n'avoir pas été avec les autres le jour
de Pâques, prolongea chez lui de quelques jours l'état
d'amère désillusion, de déchirement profond et
d'abattement désabusé que les dix autres apôtres
(et les saintes femmes, Nicodème et Joseph d'Arimathie) vécurent
très certainement jusqu'au matin de Pâques. Et alors,
la première réaction des disciples fut d'accueillir
le témoignage des myrophores comme «des radotages»
et de «ne les croire point» (Lc 24,1 1 et Mc 16,1 1).
Allons plus loin: même après avoir mis les doigts dans
les plaies du Ressuscité, même après l'avoir reconnu
comme «(son) Seigneur et (son) Dieu» (Jn 20,28), Thomas,
ni plus ni moins que les autres apôtres ne comprend la logique
qui va de cette mort absurde, puisqu'elle nie la messianité
de Jésus, à cette résurrection qui la démontre
: peut-être bien qu'il était le Messie puisque le voilà
ressuscité, mais alors pourquoi est-il mort ?
La raison de la passion et de la mort de Jésus ne fut pas seulement
de détruire l'illusion messianique trop humaine et sans cesse
renaissante, mais de révéler aux hommes qu'il ne pouvait
leur montrer pleinement et authentiquement sa divinité que
par sa résurrection. La foi chrétienne étant
la foi que Jésus est le Fils Unique-Engendré de Dieu,
seul Dieu lui-même peut en témoigner. Or, il nous l'a
dit par la bouche de son Fils Jésus qui l'a prétendu.
Et il n'avait pas de moyen plus sûr et plus humain de l'attester
qu'en le faisant mourir pour le ressusciter. Jésus de Nazareth
est mort avant tout afin que l'on soit bien convaincu qu'il est le
Fils Unique de Dieu, grâce à l'événement
de sa résurrection.
Mais, pour comprendre cela, tous les disciples sans exception (et
pas seulement l'incrédule Thomas) avaient besoin que vînt
le Saint-Esprit. Avant la Pentecôte, ils ne pouvaient comprendre,
n'ayant par encore la Source de la compréhension. Cette Source,
ce sera le Saint-Esprit. La fête de Pâques ne se comprend
pleinement et ne s'achève qu'avec la fête de la Pentecôte.
Père André Borrély
Dimanche
26 avril 2015: 3ème dimanche après Pâques
Dimanche
des Myrophores et du Juste Joseph d'Arimathie
Ton 2 ; Matines : 3è
Evangile
Epître : Ac 6,
1-7 ; Evangile :Mc 15, 43 - 16, 8
Les
porteuses de myrrhe allaient à ton sépulcre, Sauveur.
Elles s 'interrogeaient en elles-mêmes et se disaient entre
elles : Qui nous roulera la pierre du tombeau ? Mais elles virent
que la pierre avait été roulée.
Eblouies par la forme et le vêtement de l'Ange, elles eurent
peur et voulaient fuir. Mais il leur dit: Ne craignez pas : Celui
que vous cherchez est ressuscité. Venez, voyez où était
le corps de Jésus. Et allez annoncer aux disciples : Le Sauveur
est ressuscité du sépulcre.
Les femmes en leur sagesse divine * Te suivaient avec la myrrhe *
Mais Toi que dans leurs larmes elles cherchaient comme un mortel *
dans la joie elles T'adorèrent en Dieu vivant * et annoncèrent
à tes disciples, Christ * la bonne nouvelle de la Pâque
mystique.
Textes liturgiques orthodoxes
Texte
à méditer
L'entreprise des femmes ne parait pas - humainement parlant pouvoir
réussir. Et cependant elles se sont mises en route. Sans savoir
comment, elles entreront dans le sépulcre, elles marchent vers
lui. De même, sans savoir comment sera ôté l'obstacle
qui peut-être nous empêche d'avoir accès au Sauveur,
ayons confiance. Faisons un premier mouvement. Levons-nous. Mettons-nous
en route. Marchons vers Jésus que la lourde pierre sépare
de nous. Que la foi et l'espérance nous guident.
Les femmes ne vont pas au sépulcre les mains vides. «Elles
achetèrent des aromates pour aller oindre son corps».
Apportons, nous aussi, quelque chose au sépulcre. Même
si nous sommes souillés par les plus grands péchés,
apportons au sépulcre un commencement de bonne volonté,
notre peu d'amour, un acte charitable envers d'autres, notre faible
prière. Sans doute ce ne sont pas nos pauvres dons qui obtiendront
que la pierre soit ôtée, car notre accès à
Jésus ressuscité et à la puissance de sa Résurrection
demeure le présent magnifique et entièrement gratuit
de la miséricorde divine. Mais le fait que nous ne nous acheminons
pas vers le sépulcre avec des mains tout à fait vides
montrera que notre cour non plus n'est pas vide. Où sont les
«aromates» avec lesquelles nous voulons «oindre»
Jésus ?
Et voici que le miracle s'est produit. «Elles virent que la
pierre avait été roulée». Les femmes n'auraient
pas pu enlever cet obstacle. Mais Dieu lui-même y a pourvu.
L'Evangile que nous lisons ce dimanche ne précise pas comment
la pierre de l'entrée du sépulcre fut roulée.
Un autre Evangile est plus explicite : «Et voilà qu'il
se fit un grand tremblement de terre : l'Ange du Seigneur descendit
du ciel et vint rouler la pierre... » Ce verset est riche de
sens. Quand l'ange du Seigneur vient ôter la pierre du sépulcre,
il ne la roule pas doucement. Ce n'est pas une opération qui
puisse s'accomplir sans effort, sans une commotion violente et profonde.
Il y faut un tremblement de terre. De même, l'enlèvement
de l'obstacle qui nous sépare de Jésus ne doit pas être
conçu par nous comme un ajustement partiel. Il ne s'agit pas
d ôter ou de déplacer quelques pierrailles, de modifier
quelques détails en laissant l'ensemble aussi inchangé
que possible. Là encore, un tremblement de terre doit intervenir.
C'est-à-dire que le changement doit être total, atteignant
tous les aspects de notre être. La conversion est un «tremblement
de terre» spirituel.
Un moine de l'Eglise d'Orient
L'An de grâce du Seigneur
Kondakion,
t. 2
Ordonnant aux Myrophores de se réjouir, * tu as fait cesser les
pleurs d'Eve la première aïeule par ta Résurrection,
* O Christ notre Dieu aux Apôtres tu donnas l'ordre de proclamer:
* Le Sauveur est sorti du tombeau!
Ikos
Venues près de ton sépulcre, Sauveur. * les Myrophores
hésitaient, l'une à l'autre se disant : * Qui donc nous
roulera la pierre du tombeau ? * Mais regardant, elles virent que la
pierre était roulée, * effrayées par l'aspect de
l'Ange resplendissant, * elles furent saisies de peur et pensèrent
s'enfuir, * mais le jeune homme leur cria : Ne craignez point ! * Il
est ressuscité, celui que vous cherchez ! * venez, voyez le lieu
où reposait le corps de Jésus, * courez chez les Disciples,
annoncez-leur * Le Sauveur est sorti du tombeau !
HOMELIE
LES SAINTES FEMMES MYROPHORES
(Marc 15,43-16,8)
Nous autres, orthodoxes, nous devrions «baptiser» la fête
des mères en la célébrant chaque année
le deuxième dimanche après Pâques. En effet, ce
jour-là, la sainte Eglise fait mémoire des saintes femmes
«myrophores», c'est-à-dire porteuses d'aromates.
Jésus était mort un vendredi dans l'après-midi.
Le repos sabbatique allait commencer à la tombée de
la nuit, quand apparaîtrait la première étoile.
Pour ne point enfreindre ce repos, les disciples et les saintes femmes
durent s'empresser d'obtenir l'autorisation de descendre de la croix
le corps de Jésus et de le déposer provisoirement, à
la hâte, dans un sépulcre appartenant à un certain
Joseph d'Arimathie, un homme riche qui avait ses entrées chez
Pilate. Le repos sabbatique s'achevait le samedi au coucher du soleil.
Dès ce moment, Marie de Magdala et la mère de Jacques
ainsi que Salomé entrent en scène en allant dans les
boutiques «acheter des parfums pour venir pratiquer sur (Jésus)
les onctions, d'huile parfumée» (Mc 16,1). Dans la précipitation
du vendredi soir on avait dû parer au plus pressé. Maintenant
les femmes veulent compléter les rites de la sépulture
(Cf. Jn 1 9,40 ). Déjà, en Marc 14,8 on avait vu à
Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux, une femme
verser sur la tête de Jésus «un parfum de nard
authentique, d'un grand prix». Et Jésus avait remarqué
: « Elle a oint mon corps d'avance pour la sépulture».
Ne pouvant empêcher la mort du Sauveur, en des circonstances
tragiques et qui interdisaient un deuil régulier, la femme
a du moins fait ce qui était en son pouvoir. Elle a oint d'avance
Jésus, elle l'a parfumé en vue de sa sépulture.
Dans la tragédie grecque antique, nous voyons l'Antigone de
Sophocle désobéir, au péril de sa vie, à
l'édit de Créon et donner une sépulture a son
frère Polynice. Toute femme est mère : mère de
son frère, mère de son époux et pas seulement
mère de ses enfants. Mère, c'est-à-dire tendresse,
douceur, compassion. Un monde sans femmes ne tarde pas à hypertrophier
hideusement et monstrueusement la virilité, la dureté,
la force et, très vite, la violence. L'univers SS des belles
brutes blondes a pu comporter des «Aufseherinnen» (surveillantes
portant l'uniforme SS), mais c'étaient des femmes déféminisées,
des femmes virilisées, des «bourreaux femelles»
qui tenaient en laisse des bergers allemands et les lâchaient
sur les prisonnières de Ravensbrück.
Quoiqu'on en dise, le sexe féminin n'est pas le «sexe
faible» : dans les usines, à Ravensbrück, à
la campagne, la femme a pu témoigner (et elle continue à
témoigner) qu'elle savait être vaillante et solide, parfois
plus encore que l'homme. Mais cette solidité et cette vaillance
peuvent et doivent s'allier à ce qu'on pourrait appeler une
«maternité spirituelle» : encourager du regard,
redonner l'espérance, pacifier par la douceur, réchauffer
par la tendresse, réconforter par le sourire et la bonté.
Dans le grand froid et la lourde tristesse traversée de frénésie
qui s'appesantissent sur notre civilisation de technique et de drogue,
les femmes chrétiennes ont un rôle essentiel à
jouer : en rayonnant leur féminité ; en refusant confondre
leur égalité en dignité par rapport aux hommes
avec le fait de s'identifier à eux et de les singer, ce qui
serait encore une façon (la pire) d'être leurs esclaves
! Il n'est pas sûr que ce soit en devenant prêtres (puis,
un jour, évêques !), comme les mâles, que les femmes
seront leurs égales en dignité chrétienne. Dans
le Corps du Christ, aucun membre (I'oeil, la main, etc... Cf. 1 Col2,12-30)
n'est inférieur ou supérieur : il doit être lui-même,
irremplaçable, incomparable, irréductible dans la mesure
même où il est ce qu'il doit être : lui-même.
Dans l'Eglise, le charisme féminin est hors de prix : seule
la femme peut apporter à l'humanité, pécheresse
et déchue mais conviée aux épousailles divines,
une maternité spirituelle, une douceur, une tendresse, une
bonté, une compassion sans lesquelles cette humanité
se déshumanise en prisant la brutalité et la dureté,
la cruauté froide et systématique. L'homme (nous voulons
dire : non point l'être humain, homo, mais le mâle, vir)
ne saurait éviter de régresser vers l'infra-nature s'il
laisse s'atrophier en lui la modalité féminine de son
être. Sans une certaine féminité, l'homme est
fermé au mystère. Sans la femme, la volonté virile,
d'expansive et conquérante qu'elle est spontanément,
devient dureté et violence, domination et possession.
Les femmes myrophores que nous voyons venir maternellement entourer
de leur délicatesse et de leur amour le corps du Seigneur dont
elles ignorent encore qu'il est ressuscité, sont les «mères
spirituelles» de toutes les femmes chrétiennes qui, dans
l'Eglise, patiemment pétrissent de douceur le cour de pierre
des hommes pour en faire des curs de chair.
Père André Borrély
Dimanche
3 mai 2015 : 4è dimanche après Pâques
Dimanche
du Paralytique
Ton 3 ; Matines : 4è
Evangile
Epître
: Ac 9, 32-42 ; Evangile : Jn 5, 1-15
Sauveur,
mon Dieu et mon Seigneur * voulant ressusciter les mortels déchus
* Tu es venu sur la terre comme un homme * pour guérir les
maladies de tous en ta grande miséricorde * Tu es allé
à la porte des brebis * Tu as par ta parole guéri le
paralytique * couché depuis trente-huit ans.
Te voyant, le paralytique mort avant la tombe t'appela * Seigneur,
aie pitié de moi * Car ma couche est devenue mon tombeau. Que
me rapporte la vie ? La piscine des brebis m'est inutile * Car il
n'y a personne pour me prendre quand les eaux se soulèvent
* Mais je viens à Toi, la source des guérisons pour
dire avec tous : Seigneur tout Puissant, gloire à Toi. Comme
Tu as relevé le paralytique, Seigneur * relève à
ton ordre mon âme cruellement paralysée par tant de fautes
* Que, sauvé, je puisse Te dire Christ compatissant, gloire
à ta puissance.
Textes
liturgiques orthodoxes
Texte à méditer
L'Evangile de ce jour nous montre le Seigneur en train de guérir
miraculeusement un paralytique de la ville de Jérusalem. Les
guérisons miraculeuses des malades sont une preuve inéluctable
que le Seigneur est véritablement Dieu-Homme, notre divin Sauveur.
«Le paralytique, semble-t-il, n'avait ni parents ni autres membres
de famille. Et il ne se trouva ni homme compatissant, ni ami pour
s'occuper de son sort de malade. Comment est-ce possible ? Et pourtant
il en fut malheureusement ainsi : pas un seul ami. L'ami ! Voici une
réalité qui est honorée du plus profond des siècles...
Tel est l'ami : celui qui édifie, console, corrige, soutient,
donne de la joie»
Métropolite
de Nikala GEORGES in Lumière à mes pieds, Athènes
1965, pp. 21-25).
Kondakion,
t. 1
A mon âme tristement paralysée * par mes péchés
et mes transgressions * veuille, Christ, comme au Paralytique de jadis
* en ta divine providence accorder la guérison * afin que,
délivré, je puisse te chanter : * Dieu de tendresse,
gloire à ta puissance infinie.
Ikos
Toi qui tiens en ta main tout l'univers. * Seigneur Jésus co-étemel
à ton Père divin * et partageant avec l'Esprit le pouvoir
souverain, * tu apparus dans la chair guérissant les maladies
et chassant les passions, * aux aveugles tu as rendu la clarté,
* tu as fait surgir le Paralytique par ton verbe divin, * lui ordonnant
aussi de marcher et de prendre sur ses épaules son grabat,
* avec lui nous te célébrons et chantons : * Dieu de
tendresse, gloire à ta puissance infinie.
HOMELIE
LE PARALYTIQUE DE BETHESDA
(Jean 5,1-15)
La lecture liturgique et ecclésiale, le troisième dimanche
après Pâques, du passage du quatrième évangile
nous relatant la guérison par Jésus du paralytique de
Béthesda, se justifie doublement.
D'abord, tout comme le Grand carême a pour origine la préparation
des catéchumènes au baptême dans la nuit de Pâques,
le temps pascal est le temps liturgique au cours duquel la sainte
Eglise parachève la catéchèse de ses enfants
nouveaux-nés, les «illuminés» de la nuit
de Pâques, les nouveaux baptisés.
Or, cette guérison du paralytique a une résonance incontestablement
baptismale: la croyance selon laquelle celui qui descendait le premier
dans la piscine des brebis, à Béthesda, y était
guéri, l'Eglise l'a utilisée liturgiquement pour nous
parler du baptême pascal où le néophyte est descendu
dans la piscine baptismale pour en remonter (pour en ressusciter!)
né de nouveau, re-né.
La paralysie de l'infirme de Béthesda est un cas désespéré
: il est dans cet état depuis trente-huit ans. Il est le symbole
de l'humanité tout entière qui, laissée à
ses propres forces, ne peut que vivoter d'une vie morte mais non point
vivre, ce qui s'appelle vivre. Et le Christ guérit cet infirme,
c'est la Vie elle-même, c'est le Dieu Vivant devenu l'un des
hommes et qui vient se pencher sur cette humanité pécheresse
et déchue pour la faire renaître, pour l'arracher à
la mort, ainsi que nous le montrent les icônes de Pâques
: piétinant les portes de l'Hadès (disposées
en forme de croix), le Ressuscité prend par la main Adam et
Eve, l'Homme et la Femme, l'Humanité. Et, en hébreu,
hawa, « Eve », signifie : la Vivante. Il les arrache aux
ténèbres de l'Hadès et les amène à
la lumière fulgurante de sa résurrection.
En second lieu, la lecture liturgique de ce texte johannique en temps
pascal se justifie pleinement par le fait que toute paralysie, partielle
ou totale, de notre corps, nous «parle» de notre mort
qui se profile à l'horizon de toutes nos joies, de tous nos
succès, de toutes nos espérances. La position normale
d'un cadavre est la position allongée et l'un des signes cliniques
de la mort est la rigidité. Inversement la preuve qu'un homme
est bien vivant, c'est qu'il peut se tenir debout et se déplacer.
Le vingtième canon du premier concile cuménique
(Nicée, 325), que nous serions bien inspirés d'un peu
mieux respecter, dit qu'il ne faut pas « plier le genou le dimanche
et aux jours du temps de la Pentecôte» : un chrétien
qui croit à la résurrection avec tout son corps et non
point seulement avec ses hémisphères cérébraux,
c'est un homme debout. Et quand Jésus ressuscite, il se relève
de la mort. L'Un de la Trinité est devenu l'un des hommes pour
nous rejoindre en tout, hormis le péché, dans notre
condition désembrayée de Dieu. Il a donc voulu connaître
même cette paralysie intégrale qu'est toute mort. Et
Pâques, c'est la victoire de la filiation divine de Jésus
de Nazareth sur cette paralysie effroyable dont la perspective nous
désespère, nous révolte et nous affole.
Il est ressuscité pour faire de chacun de nous un vivant, pour
nous guérir de toute paralysie spirituelle. Car enfin, en quoi
consistent, le plus souvent, nos pauvres existences ? Nous sommes
paralysés par les uvres à faire, par le temps
«perdu» (Proust) qui fuit et par la crainte angoissée
du futur, par la mort qui vient, par la maladie qui nous manifeste
impitoyablement que notre vie galope ventre à terre vers son
terme dernier. Nous sommes paralysés par le regret du passé,
de notre enfance qui n'est plus, de notre jeunesse que jamais plus
nous ne retrouverons. Le Christ ressuscité, lui, vient essentiellement
libérer notre liberté. Il vient nous donner la joie
de laisser s'écouler le temps sans s'agripper pour le retenir,
de n'avoir d'autre sécurité que le dessein inconnu de
son Père sur chacun d'entre nous. Ne plus être des paralytiques,
c'est consentir, onéreusement, certes, mais salutairement,
à tout perdre afin de tout posséder, c'est accepter,
dans la foi vive et l'amour, d'être délivré de
soi pour se livrer tout entier à l'Amour. C'est ouvrir le fond
de notre être personnel à notre Père céleste
dans la démission de soi-même. C'est le fait de bondir
dans la jubilation de n'être rien parce que le Ressuscité
est tout ; dans l'allégresse d'être dépouillé
de tout parce que, dans le Ressuscité, tout est retrouvé
; dans l'exultation d'être inutile parce que le Ressuscité
seul est nécessaire. Le contraire du paralytique c'est l'homme
libre, l'homme libéré par le ressuscité. Et il
n'est de fondement inattaquable à notre liberté (à
l'égard du temps, de la corruption et de la mort) que dans
la résurrection du Vivant, dans l'événement de
Pâques.
Père
André Borrély
Mercredi
6 mai 2015 : Fête de la Mi - Pentecôte
Epître
: Ac 13, 13-24 ; Evangile : Jn 6, 5-14
Il
existe dans la liturgie byzantine une fête intitulée
la Mi-Pentecôte ou Méso-Pentecôte
qui se célèbre le Mercredi de la quatrième
semaine après Pâques, soit à égale
distance dans le temps entre Pâques et Pentecôte.
Cette fête existait aussi en Occident aux quatrième
- cinquième siècles. Nous en avons pour
preuve des sermons de saint Pierre Chrysologue qui fut
archevêque de Ravenne au milieu du cinquième
siècle.
Vous
vous rappelez peut-être ce que nous avions dit
à propos du Dimanche de la Croix situé
à la Mi-carême. Il s'agissait d'une étape
au milieu de la route qui nous menait à Pâques,
cette étape nous faisait déjà participer
à ce que nous trouverions au terme du chemin,
c'est-à-dire la Passion et la Résurrection.
La
célébration de la Mi-Pentecôte relève
d'une idée semblable. Cette fois, nous sommes
en route vers la Pentecôte, c'est-à-dire
vers l'effusion de l'Esprit Saint. Nous avons tellement
hâte d'y parvenir que l'Eglise nous ménage
une étape où nous aurons un avant-goût
de ce vers quoi nous cheminons. C'est ce que nous dit
un chant des Vêpres de la fête : «Voici
qu'approche la surabondante effusion de l'Esprit divin
sur toute créature, selon qu'il est écrit.
Etant à mi-terme, l'échéance de
la promesse faite sans mensonge par le Christ après
sa mort, son ensevelissement et sa Résurrection,
annonce en la montrant la manifestation du Paraclet».
Le
chant principal de la fête, l'apolytikion, nous
le dit aussi à sa façon : «Au
milieu de la fête, abreuve aux flots de la piété
mon âme assoiffée. Car tu as crié
à tous, ô Sauveur : Si quelqu'un a soif,
qu'il vienne à moi et qu'il boive. 0 Christ
Dieu, source de vie, gloire à toi».
C'est
l'eau vive promise par le Christ dont nous anticipons
la réception. Le choix de l'Evangile de la
Divine Liturgie nous l'indique à sa manière.
C'est le passage de saint Jean, au chapitre 7, qui
commence par : « Au milieu de la fête,
jésus monta au Temple et se mit à enseigner...
» Ce passage ne parle pas de l'eau vive, mais
si nous allons jusqu'au verset 37, nous trouvons alors
ce qui sera lu au jour de la Pentecôte, à
savoir : «Le dernier jour de la fête,
le grand jour, Jésus lança à
pleine voix : Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à
moi et qu'il boive... Selon le mot de l'Ecriture :
de son sein couleront des fleuves d'eau vive. Il parlait
de l'Esprit que devaient recevoir ceux qui croient
en lui».
Pour
le moment, nous sommes au milieu de la fête.
Mais nous savons que le dernier jour de la fête
verra la réalisation de la promesse, l'envoi
de l'Esprit Saint.
L'Eglise
a un sens profond du temps et aussi de l'espace qui
prennent leur consistance propre du fait que Dieu,
dans le Christ, est intervenu directement dans notre
temps et notre espace. Voici un texte des Matines
de la Mi-Pentecôte qui le suggère : «Toi
qui tiens en main le cur et la fin de toutes
choses ainsi que leur commencement, ô toi sans
commencement, tu te dressas au milieu de tous et tu
crias : «Venez jouir des dons divins, vous dont
la sagesse vous est donnée par Dieu».
C'est
parce que le Christ a vécu au milieu de nous
que nous pouvons accepter d'être encore en chemin,
d'être encore au milieu de la route, au milieu
de la vie, à mi-chemin entre notre baptême
et son accomplissement ultime à la fin des
temps, quand Dieu sera tout en tous. Il y a une impatience
normale qui pourrait nous suggérer que le temps
que nous vivons ne sert à rien et qu'il nous
faudrait dès maintenant rejoindre la plénitude
de la vie éternelle qui nous est promise. Ce
serait oublier que dès maintenant nous pouvons
participer à la vie éternelle grâce
à l'Eucharistie qui nous fait partager la vie
même du Christ.
Le
Christ qui est l'alpha et l'oméga, le commencement
et la fin de tout, est aussi « au milieu »
de nous et de tout, et nous donne en Lui de participer
à la plénitude.
des sts
Constantin et Hélène : Epitre : Ac 26, 1-5,
12-20 Evangile : Jn 10, 1-9
Près
du puits de Jacob, trouvant la Samaritaine Jésus lui demande
de l'eau, Lui qui couvre la terre de nuées * le miracle,
Lui qui est porté sur les Chérubins parlait avec une
femme prostituée * Il demande de l'eau, Lui qui a suspendu
la terre sur les eaux, * Il désire de l'eau, Lui qui répand
dans les mers les sources des eaux * Il veut reprendre celle que poursuit
l'ennemi qui nous combat * et donner à celle que brûlent
cruellement ses fautes l'eau de la vie * Lui le seul Miséricordieux
qui aime l'homme.
Comme un fleuve de la gloire divine au milieu de la fête le
Seigneur donne, à tous, les ondes de la miséricorde
Il dit : Venez, vous qui avez soif et puisez * Car Il est la source
de la compassion et l'océan de l'amour * Il répand sur
le monde le pardon * Il lave les fautes, Il purifie les maladies *
Il sauve ceux qui célèbrent sa résurrection *
Il couvre ceux qui vénèrent de leur désir son
ascension dans la gloire * et Il donne à nos âmes la
paix et le grand amour.
Textes
liturgiques orthodoxes
Texte à méditer
Le mercredi qui précède ce dimanche notre Eglise a célébré
la Mi-Pentecôte. Cette fête des Juifs nous rappelle comment
ils puisaient de l'eau de la piscine de Siloé qu'ils versaient
sur l'autel où l'on offrait des sacrifices à Dieu. Le
Seigneur saisit cette occasion pour nous rappeler qu'Il est «
l'Eau vive». L'Evangile de ce dimanche nous enseigne des vérités
essentielles pour notre existence. «Le dialogue du Seigneur
avec la Samaritaine demeure l'un des passages les plus essentiels
de l'Evangile. Le Seigneur saisit ici l'occasion pour révéler
les vérités les plus grandes. Le fait qu'Il est le Messie,
le sens du vrai culte et la force rafraîchissante de sa grâce».
JEAN FOUNTOULIS in Culte raisonnable, Salonique
197 1, p. 105).
Kondakion,
t. 8
Venue près du puits, la Samaritaine te contempla, Source de
sagesse, avec les veux de la foi * en abondance elle y puisa le royaume
d'en-haut; * et sa mémoire est glorifiée pour l'éternité.
Ikos
Ecoutons dignement l'Evangile où saint Jean * nous enseigne
clairement les mystères sacrés * survenus jadis au pays
de Samarie : parlant à une femme, le Seigneur lui demande de
l'eau, lui qui Jadis ordonna que les eaux se rassemblent en un seul
lieu, * le Verbe de Dieu qui partage même trne avec le Père
et l'Esprit, * car il est venu chercher son image perdue, * et sa
mémoire est glorifiée pour l'éternité.
HOMELIE
L'ENTRETIEN DE JESUS AVEC LA SAMARITAINE
(Jean 4, 5-42)
Tout
comme dans le récit de la guérison du paralytique de
Béthesda l'eau vive est,
ici dans l'entretien de Jésus avec une femme de Samarie, pour
nous «parler» du baptême administré par l'Eglise
aux catéchumènes dans la nuit pascale. Cette eau vive,
c'est la Vie divine elle-même. Quiconque aura puisé l'eau
vive promise par Jésus à cette femme découvrira
une source en lui-même. Il s'agit d'une vie simultanément
divine et éternelle.
Il nous faut bien saisir qu'ici, Jésus, à travers cette
Samaritaine, s'adresse à chacun d'entre nous pour lui parler
de ce qu'il y a en nous de plus intime en même temps que de
plus tragique. En effet, notre drame est d'être incapables d'assumer
correctement la rencontre du désir et de la finitude. Nous
sommes assez fous pour vouloir infiniment le fini avec la bien vaine
illusion d'oublier ainsi la mort inéluctable. Le désir
infini de Lui que notre Père céleste a enfoui dans nos
pauvres curs de pierre, nous le dévoyons vers la jouissance
de la violence et de la malice, vers la possession satanique du monde
et des autres avec une passion idolâtrique et destructrice.
Nous nous entêtons à vouloir conférer une consistance
au néant. Nous dilapidons et défigurons l'amour comme
des païens du Bas Empire, souvent bien davantage que la Samaritaine
aux cinq maris.
A cette femme Jésus promet une eau susceptible d'étancher
toute soif. Il lui promet de mettre un terme à la monotonie
de l'incessante reproduction du désir, reproduction elle-même
consécutive à la négativité qu'implique
le désir humain. Ce dernier, en effet, est manque d'un objet
dont la consommation enfin réalisée réamorce
le désir et le remet en scène. La satisfaction du désir
n'est ainsi qu'apparente. En réalité, elle engendre
un désir plus vif et plus grand. La jouissance ne nous stabilise
pas. L'assouvissement fait renaître la représentation
du désir comblé et la conscience malheureuse du manque.
Insatiable, le désir est indéfiniment hanté par
la réalité dont il est désir et qui jamais ne
le comble. Le désir ne trouve pas de limite dans l'objet poursuivi.
Il ne peut fixer un terme à son amour. Dans la douloureuse
tension vers la possession de cette fin sans limites, l'homme nourrit
en soi un désir toujours plus insatisfait et un amour toujours
plus inassouvi. Jésus dénonce à la Samaritaine
le caractère foncièrement illusoire, parce que nécessairement
répétitif du désir humain dès lors que
l'homme l'investit dans du fini alors que le cour de l'homme est pré-construit
pour le Saint-Esprit.
Car c'est du Saint-Esprit que Jésus entend, en fin de compte,
entretenir la Samaritaine. Jésus lui parle d'un culte rendu
à Dieu «en Esprit et en Vérité».
Il ne s'agit pas d'un culte « spirituel » et «sincère»
: Jésus ne s'abaisse pas à faire de la psychologie religieuse
! Il s'agit du culte rendu en nous par le Saint-Esprit au Père
céleste, du culte de l'Esprit Saint intercédant lui-même
en nous. Saint Jean est ici très proche de saint Paul qui,
dans son épître aux Galates parle de l'Esprit que «Dieu
a envoyé en nos curs» et « lui crie : Abba
! Père » (Ga 4,6).
C'est que, depuis mercredi dernier, le «vent» liturgique
a «tourné» : l'Eglise commence à nous préparer
à la fête «terminale» de la Pentecôte
(matines de Pentecôte, premier cathisme, ton 4 ) qui donne tout
son sens à celle de Pâques. La vie libérée
de la peur de la mort et de la tyrannie du désir, c'est la
vie dans le Saint-Esprit. Mais celui-ci n'est «vivifiant»,
comme dit le Credo, que si l'homme consent à mourir pour vivre.
Le Saint-Esprit ne peut dispenser la Vie divine et agir au plus intime
des curs que par la fécondation de la souffrance. Il
a besoin de l'humaine souffrance pour tendre de toute sa virtualité
divine à transformer toute la pâte, à agir sur
la masse humaine comme le ferment réalisateur progressif du
Royaume. La souffrance tombe essentiellement sous l'emprise de l'Esprit
Saint comme le corrosif qui doit lui ouvrir l'entrée dans le
creux fermé du cour humain. Une intime corrélation s'exerce
entre la souffrance et l'Esprit. La souffrance est le glaive par lequel
l'Esprit Saint tue la chair, c'est-à-dire non point le corps
(encore moins la sexualité!) mais «l'humain trop humain»
qui doit mourir à la pseudo-humanité afin d'être
divinisé et d'accéder ainsi à l'humanité
véritable, à l'humanité ressuscitée.
L'eau vive promise à la Samaritaine et qui jaillit en vie éternelle,
c'est l'Esprit Saint, c'est le Principe de vie filiale et divine en
Jésus-Christ Fils Unique-Engendré de Dieu, c'est la
Semence du Ressuscité ici-bas. Il y prolonge le mystère
de la mort glorificatrice inaugurée par Jésus en sa
chair jusqu'à l'absorption totale de celle-ci en l'Esprit,
par la Résurrection d'entre les morts et l'Ascension à
la droite du Père. Pâques et Pentecôte, la résurrection
du Fils et la venue de l'Esprit sont inséparables parce que,
de toute éternité, le Fils et l'Esprit sont les deux
Mains jointes du Père.
Père André Borrély
Dimanche
18 mai 2015 : 6è dimanche après Pâques
Dimanche
de l'Aveugle-né
Ton 5 ; Matines : 8è
Evangile
Epître
: Ac 16, 16-34 ; Evangile : Jn 9, 1-38
Seigneur,
allant sur la route * Tu as trouvé un homme aveugle de naissance
* Et les disciples étonnés T'interrogeaient * Maître,
qui a péché, "Iui ou ses parents, pour qu'il soit
né aveugle ? Mon Sauveur, Tu leur as dit : Ni lui ni ses parents
n'ont péché * Mais les uvres de Dieu seront révélées
en lui * Il me faut faire les uvres de Celui qui M'a envoyé,
que personne ne peut faire * Alors Tu as craché par terre.
Tu as fait de la boue * Tu as ouvert ses yeux et Tu lui as dit * Va
te laver dans la fontaine de Siloé * Il se lava, fut guéri
et Te dit * Je crois, Seigneur et je T'adore * Disons, nous aussi
: Aie pitié de nous.
Rendant la vue à celui qui ne voyait pas la lumière
sensible * et illuminant les yeux de son âme * Tu lui as donné
de glorifier * et de reconnaître en Toi le Créateur *
qui T'es fait homme en ta miséricorde.
Privé des yeux de l'âme * je viens à Toi, Christ,
comme l'aveugle de naissance * Te dire dans le repentir * Tu es la
lumière qui brille dans les ténèbres.
Textes liturgiques orthodoxes
Texte
à méditer
Avec le miracle de ce dimanche, le Seigneur nous révèle
qu'Il est le Dieu véritable, qui illumine l'homme dans son
malheur. Il nous aide à mieux comprendre qu'Il est la Lumière
du monde (Jn.8/12). Cette lumière nous rappelle l'Esprit Saint
que nous allons recevoir bientôt à la Pentecôte.
«L'aveugle a clairement manifesté son amour profond pour
la vérité ainsi que sa foi inébranlable en Jésus-Christ.
Et nous, avons-nous cette audace de défendre la vérité
? Voilà pourquoi le Christ, en s'adressant à chacun
de nous en particulier, nous demande : « Crois-tu au Fils de
Dieu ? »
(JEAN KALTEKI, in Messages radiophoniques
matinaux, Athènes 197 1, p. 109).
Kondakion,
t. 4
Comme en
l'Aveugle de naissance * les yeux de mon âme sont clos * et, Seigneur.
dans la repentante * je viens à toi et je m'écrie : *
pour ceux des ténèbres tu es la suprême clarté.
Ikos
0 Christ,
accorde-moi le flot de l'ineffable sagesse * et de la connaissance d'en
haut, * Lumière des curs enténébrés
* et conducteur des errants, * afin que j'annonce le miracle de l'Aveugle-né,
* comme l'enseigne le divin livre, l'Evangile de paix: * un aveugle
de naissance recouvre l'organe de la vue, * mais aussi les yeux de l'âme,
et s'écrie dans la foi. Pour ceux des ténèbres
tu es la suprême clarté.
HOMELIE
LA GUERISON DE L'AVEUGLE-NÉ
(Jean 9,1-38)
Dans la vision du monde et de l'homme qui est celle de la Bible aussi
bien que dans la grande Tradition de l'Eglise, le monde est une unité
complexe et hiérarchisée où toutes choses se tiennent,
quoique épanchées sur des plans distincts. Le monde des
réalités visibles et extérieures signifie et pré-contient
celui des réalités intérieures et invisibles :
pour atteindre celles-ci, il faut passer par celles-là. Le vent
«parle» à l'homme de l'Esprit, l'eau lui «parle»
de la Vie. Et nous avons vu que la paralysie nous «parle»
de la mort et de la résurrection. Il en est de même de
la vision et de la cécité. La cécité «ophtalmologique»,
pourrait-on dire, nous «parle» de la cécité
du cour, de la cécité spirituelle.
Arthur Rimbaud définissait le poète comme un «Voyant».
L'Evangile de Jean et la Tradition orthodoxe vont beaucoup plus loin
que Rimbaud. Tout de suite après avoir communié, le chur
de l'église se met à chanter : «C'est la vraie lumière
que nous avons vue... » Et, à l'autel, les célébrants
récitent le tropaire qu'aux matines dominicales on a déjà
récité après avoir lu l'Evangile de la Résurrection
: «Ayant contemplé la Résurrection du Christ...
» Communier, c'est devenir un Voyant. C'est entrer physiquement
en contact spirituel (« pneumatique »: il ne s'agit pas
d'états psychologiques, de sentiments) avec le Ressuscité.
Il n'est pas de plus grande cécité ici-bas que d'être
insensible à l'événement de Pâques, de chanter
avec Juliette Gréco: «Je hais les dimanches» ou de
dire avec le Roquentin de La Nausée de Sartre : «Dimanche:
un homme boit du vin devant des femmes à genoux».
L'Orthodoxie ne pratique pas l'adoration occidentale du « Saint
Sacrement»: le Corps et le Sang du Ressuscité ne sont pas
à regarder mais à consommer pour en être divinisé.
Pour ce qui est de la vision sensorielle, l'orthodoxie a les icônes.
Mais, même dans ce cas il s'agit de «voir» au-delà
du visible : une icône n'est pas une photographie, elle est éclairée
du dedans, elle diffuse une lumière incréée qui
n'est pas de ce monde et qui nous «parle» de divinisation,
de transfiguration par la lumière sereine et joyeuse du Thabor.
Et quand nous clamons après avoir communié au Ressuscité
que nous avons «vu» sa résurrection, nous voulons
dire qu'en communiant à son Corps et à son Sang de Ressuscité
nous expérimentons un mode d'existence qui est le contraire absolu
de celui des adversaires pharisiens de Jésus et des interlocuteurs
de l'aveugle-né qu'il vient de guérir. «Contempler»
la Résurrection du Christ en communiant à son Corps et
à son Sang tout entiers pénétrés du Saint-Esprit,
c'est vivre en ressuscités, c'est devenir effectivement ce que
nous contemplons. Ou plutôt, c'est devenir Celui que nous contemplons.
Ici encore nous rejoignons l'épître aux Galates : «Ce
n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi» (Ga 2,
20).
Vivre en ressuscité, en Voyant de la Résurrection (laquelle
n'est pas du tout un spectacle mais une Réalité dont le
propre est de devoir être vécue), c'est savoir distinguer
les ténèbres de la lumière par une humilité
profonde du cour et une vigilance de tous les instants. Si le Christ
s'attaque si violemment aux pharisiens, dans les Evangiles, c'est parce
qu'ils croient marcher dans la lumière alors qu'ils sont dans
les ténèbres. Ce qui est ténèbres pour les
uns peut être lumière pour les autres et vice versa. Vivre
en Voyant de la Résurrection, c'est posséder le critère
interne qui permet de distinguer la lumière véritable
: «C'est la vraie lumière que nous avons vue... »
C'est ce critère qui nous rend capables de recevoir la Lumière
véritable du Ressuscité. Vivre en ressuscité c'est
avoir l'il sain, qui fait que notre cour brille tout entier de
l'éclat de la lumière sans déclin.
Ce critère, c'est l'humilité du cour. C'est l'attitude
de l'homme soumis aux impulsions de l'Esprit de la Pentecôte qui
agit secrètement en nous. Il s'agit que notre cour se donne à
la Lumière du Ressuscité. Il s'agit que cette lumière
puisse briller en nos curs dès lors que nous refusons d'accueillir
en nous les ténèbres. Nous sommes dans les ténèbres
sans le Christ ressuscité : voilà l'humilité. Voir
«la Lumière véritable», c'est «sentir»,
c'est savoir que nous tenons tout du Christ par la puissance de son
Saint-Esprit qui demeure en nous.
La liberté humaine a reçu de Dieu le redoutable pouvoir
de transformer la lumière en ténèbres. Mais c'est
l'office de l'Esprit Saint, donné à l'Eglise à
la Pentecôte, d'empêcher, si peu que nous le voulions, les
ténèbres d'obscurcir notre cour. La vie de tout chrétien
est un parcours du combattant au cours duquel le chrétien est
tantôt attiré par la lumière sereine et joyeuse
du Christ, tantôt séduit par les ténèbres
qui se parent de cette lumière. L'enjeu de ce combat du chrétien
jusqu'à son dernier souffle, c'est la soumission du coeur, dans
l'humilité, à la lumière du Christ, c'est la liberté
de ce même cour dans le Saint-Esprit.
Père
André Borrély
Jeudi
21 mai 2015
Ascension
de notre Seigneur, Dieu et Sauveur Jésus-Christ
Seigneur,
lorsque tes Apôtres te virent enlevé au-dessus des nuées,
au milieu de leurs lamentations et de leurs larmes, Christ vivifiant,
ils étaient tout rempli d'abattement et, au milieu des pleurs
ils disaient : «Maître, ne nous laisse pas orphelins,
nous que Tu as aimés par compassion, nous tes serviteurs. car
Tu es ami des hommes. Mais, comme Tu l'as promis, envoie nous ton
très Saint-Esprit qui illumine nos âmes».
Ayant accompli l'économie divine nous concernant, et ayant
uni les habitants de la terre à ceux du ciel, Tu T'es élevé
au ciel dans la gloire, Christ notre Dieu, pour ne plus jamais T'en
éloigner mais pour y demeurer sans cesse ; et Tu dis à
ceux qui T'aiment : «Je suis avec vous, et personne ne prévaudra
contre vous».
0 Christ, après avoir chargé sur tes épaules
la nature égarée, Tu t'es élevé et Tu
l'as présentée à Dieu le Père.
Les Apôtres sont transportés de joie en ce jour, en voyant
leur Créateur élevé sur les nues ; espérant
fermement recevoir l'Esprit, ils s'écrient dans la crainte
: «Gloire à ton Ascension.»
La prière des Eglises de rite byzantin
Texte
à méditer
Après l'Ascension du Seigneur, les Apôtres s'en retournèrent,
comme il est dit dans l'Evangile, avec une grande joie (Lc 24, 52).
Le Seigneur sait quelle joie Il leur a donnée, et leur âme
éprouva intensément cette joie. Leur première
joie était de connaître le véritable Seigneur,
Jésus Christ. La deuxième joie, de L'aimer. La troisième,
de connaître la vie éternelle et céleste. Et la
quatrième joie, de désirer le salut pour le monde comme
pour eux-mêmes. Et enfin, ils étaient dans la joie parce
qu'ils connaissaient le Saint-Esprit et voyaient comment il uvrait
en eux. Les Apôtres parcouraient la terre et parlaient au peuple
du Seigneur et du Royaume des Cieux. mais leurs âmes languissaient
et aspiraient à voir le Seigneur. Aussi ne craignaient-ils
pas la mort, mais allaient avec joie à sa rencontre, et, s'ils
désiraient vivre sur terre, c'était uniquement par amour
des hommes.
Saint SILOUANE de l'Athos
L'ASCENSION
ET LA MERE DE DIEU
La
fête de l'Ascension, célébrée traditionnellement
dans toute l'Eglise le quarantième jour après Pâques,
se réfère à ce que nous disent les Evangiles
de Marc et de Luc et les Actes des Apôtres au sujet de la fin
de la vie terrestre de Jésus. Après sa Résurrection,
pendant quarante jours, le Christ se montra à ses disciples
et leur promit d'envoyer sous peu de jours l'Esprit Saint, puis tandis
«qu'il les bénissait , il fut enlevé au Ciel.
Alors deux hommes vêtus de blanc apparurent aux apôtres
et leur dirent : «Hommes de Galilée, pourquoi restez-vous
à regarder le ciel ? Ce Jésus qui, d'auprès de
vous, vient d'être enlevé au ciel, reviendra de la même
manière que vous l'avez vu partir vers le ciel.» Et saint
Luc ajoute : «Ils revinrent à Jérusalem en grande
joie et ils étaient continuellement dans le Temple à
louer Dieu».
Les
textes liturgiques byzantins vont reprendre ces faits en les méditant.
Le
premier hymne des Vêpres de la fête nous met tout de suite
dans l'atmosphère si particulière de l'Ascension : "Le
Seigneur est monté aux cieux afin d'envoyer le Paraclet au
monde. Les cieux ont préparé son trône ; les anges
sont saisis d'admiration en voyant l'Homme au dessus d'eux. Le Père
accueille celui qui demeure éternellement en son sein. L'Esprit
Saint ordonne à tous ses anges : Elevez vos portes, princes.
Toutes les nations applaudissez. Car le Christ est remonté,
là où il était depuis toujours".
Nous
voyons bien la scène. C'est le moment de préciser que
cette montée aux cieux exprimée de façon spatiale,
comme si une fusée emportait le Christ au-delà des nuages,
n'est qu'une façon de parler. Il s'agit de dire que Jésus
a quitté visiblement la terre et a rejoint Dieu le Père
pour régner avec Lui.
Il est clair que c'est un langage symbolique et que Dieu n'est pas
à situer dans ce qu'on peut appeler le « ciel terrestre
», ni même le ciel astronomique. Il est dans une autre
dimension.
Le
Fils de Dieu retrouve donc une existence invisible après avoir
vécu sur terre une trentaine d'années. Cela pourrait
sembler normal, si j'ose dire.
Mais
ce qui est tout à fait extraordinaire c'est qu'il monte aux
cieux avec son corps. C'est si extraordinaire que le texte cité
ci-dessus précise que les anges sont dans l'admiration - on
peut traduire aussi qu'ils sont dans la stupeur - en voyant un homme
au-dessus d'eux. Et tout au long de l'office, nous entendrons évoquer
l'étonnement, la stupeur des anges. Non seulement l'Invisible
s'est fait voir, l'Incorporel a pris un corps, comme nous l'avons
chanté à Noël, mais quand Il quitte la terre, il
emporte son corps avec Lui. On ne peut que balbutier en évoquant
ce mystère, mais tous les textes liturgiques sont très
clairs, comme celui-ci, par exemple : «En toi-même ô
Dieu, tu renouvela la nature d'Adam tombée au plus profond
de là terre. Et en ce jour tu l'élevas au-dessus de
toutes les Principautés et Puissances ( c'est à dire
au-dessus de tous les anges car dans ton amour pour elle, tu la fis
siéger avec toi...»
Et
les Incorporels, c'est-à-dire encore les anges, de s'interroger
: «Quel est-il, cet homme magnifique ? C'est qu'il n'est pas
seulement homme, il est Dieu et homme à la fois.»
Cela,
c'est la merveille qui rend les anges stupéfaits. Le Fils de
Dieu, s'il est toujours Dieu, est désormais toujours homme,
et par Lui la nature humaine est élevée jusque auprès
du Père. Un tropaire dit : «Tu as assumé sur tes
épaules, ô Christ, la nature égarée et,
t'élevant aux cieux, tu l'as présentée à
Dieu, ton Père.»
Le
Christ est à jamais Dieu et Homme, et notre nature humaine,
jadis déchue, est transfigurée et déifiée
en Lui par son contact avec la divinité. C'est pourquoi il
est si important de communier au Christ dans l'Eucharistie. C'est
dans cette communion que nous participons nous aussi à la divinisation
de la nature humaine du Christ.
Maintenant
je voudrais évoquer la place de Marie, la Mère de Dieu,
lors de l'Ascension de son Fils. Dans l'Evangile il n'en est rien
dit. Dans les textes liturgiques il est précisé : «...
Tu es allé vers le Mont des Oliviers avec tes disciples ainsi
que celle qui t'avait enfanté, toi le créateur et l'artisan
de toutes choses. Car elle qui, étant ta mère, avait
souffert plus que quiconque lors de ta Passion, il était juste
qu'elle soit comblée d'une joie sans pareille, par la glorification
de ton corps...».
Ainsi,
de même que la Mère de Jésus avait vécu
d'une façon intense la Passion de son Fils, de même était-elle
associée à sa glorification. Il est vrai que plus qu'aucune
mère, elle pouvait dire du corps de son fils qu'il était
sa propre chair, puisqu'elle l'avait enfanté virginalement.
L'icône
de la fête de l'Ascension transcrit de façon visible
cette présence de la Mère de Dieu lors de l'Ascension
et elle le fait de façon très marquée qui n'est
pas sans signification. L'icône représente le Christ
bénissant porté par des anges et situé dans la
partie supérieure de l'icône. En dessous se trouvent
les apôtres qui entourent Marie. Celle-ci est au centre, toute
droite, exactement sous le Christ et deux fois plus grande que Lui
qui est représenté assis et déjà s'éloignant.
De part et d'autre de la Vierge et un peu en arrière se trouvent
deux anges vêtus de blanc qui montrent le Christ et s'adressent
aux apôtres, lesquels, divisés en deux groupes de part
et d'autre de Marie forment un cercle parfait.
La
Vierge a une attitude hiératique à la fois de prière,
une main dressée vers le haut, et de compassion pour le monde,
l'autre main ouverte vers le bas. Son immobilité verticale
contraste avec les silhouettes animées des apôtres dont
plusieurs tendent les mains vers le Ciel.
Il
est certain que l'ensemble du groupe formé par les apôtres
et la Vierge représente l'Eglise ; et que Marie, comme l'indique
sa place centrale et unique, encadrée par deux anges lumineux,
est - dans le contexte de l'icône représentant aussi
la marche de l'Eglise vers le Second Avènement - la figure
privilégiée de l'Eglise (1).
Sa
représentation entre les anges symbolise aussi l'aspect spirituel
de l'union liturgique du ciel et de la terre. C'est en Elle d'abord
que, comme le dit Nicolas Cabasilas, « les anges et les hommes
sont devenus une même Eglise par la manifestation du Christ
qui est à la fois du ciel et de la terre ».
(1)
Ce thème de la représentation de la Mère de Dieu
dans l'icône de l'Ascension a fait l'objet d'un travail théologique
présenté en 1989 à l'Institut Saint-Serge à
Paris par le Hiéromoine Gabriel : LA MERE DES VIVANTS, La représentation
de la Mère de Dieu dans l'icône de Ascension et sa signification
ecclésiale. On en trouvera un résumé dans un
article publié par le même auteur, Le Christ Grand-Prêtre
et la Nouvelle Ève, dans la revue Paix n° 63, à
propos de la relation entre la femme et le sacerdoce ministériel.
A la suite de Vladimir Lossky et de Léonid Ouspensky, cet auteur
met en relation l'icône de l'Ascension avec celle de la Pentecôte.
La glorification ultime de la Mère de Dieu a eu lieu, historiquement,
lors de la Pentecôte, comme pour les autres disciples, sans
qu'aucune anticipation de cette descente hypostatique de l'Esprit
n'ait été possible avant la Résurrection du Christ.
L'Esprit Saint vient à ce moment reposer sur elle en plénitude
comme Personne divine ; il porte alors à son ultime aboutissement
le cheminement dans la Grâce de la Mère de Dieu. Ce cheminement,
accompli à la suite de son Fils, a commencé lors de
l'Annonciation, laquelle ne pouvait constituer une fin en soi, et
s'est accompli parallèlement à l'engagement de son Fils
vers l'ultime Pâque de la Nouvelle Alliance, à travers
sa prédication, sa Passion, sa Résurrection et son Ascension.
C'est, entre autres choses, tout ce cheminement qu'exprime l'icône
de l'Ascension de manière synthétique, comme archétype
de la marche de l'Eglise vers le Second Avènement, au-delà
du simple événement historique. (Note de l'Editeur)
Kondakion,
t. 6
Ayant accompli en notre faveur ton uvre de salut, après
avoir uni les cieux et la terre et les hommes avec Dieu. * dans la
gloire, Christ notre Dieu, tu montas vers le ciel * sans pour autant
nous délaisser, * mais restant toujours parmi nous * et disant
à ceux qui conservent ton amour : Je suis toujours avec vous
* et personne à jamais ne peut rien contre vous.
Ikos
Laissant à la terre les terrestres soucis, * à la poussière
ce qui est fange et rebut., * venez, sortons du sommeil et portons
vers le haut nos yeux et nos curs, * élevons aussi nos
regards et nos pensées de la terre vers les portes du ciel,
* comme si nous étions sur le mont des Oliviers, * les yeux
fixés sur le Rédempteur emporté par la nuée,
* c'est de là que le Seigneur est parti pour le ciel, * c'est
là aussi qu'aux Apôtres il distribua ses dons largement,
* leur donnant force et comme un Père les consolant, * les
conduisant comme des fils et leur disant : Je ne m'éloigne
pas de vous, * je suis toujours avec vous * et personne à jamais
ne peut rien contre vous.
HOMELIE
L'ASCENSION DU SEIGNEUR
(Luc 24,36-53)
St Luc nous a donné deux récits de l'événement
de l'Ascension (Luc 24,50-53 et Actes 1,9-11) qu'en dehors de lui
la finale de Marc seule signale d'un mot (Mc 16,19). Le premier récit
de Luc ne dit même pas que Jésus est monté aux
cieux, mais seulement qu'il quitta ses disciples en les bénissant.
A la fin de son Evangile, Luc a voulu demeurer dans le vague afin
d'introduire son récit circonstancié du début
des Actes.
Depuis Pâques, Jésus avait surtout parlé aux disciples
du Royaume de Dieu. Puis, dans les derniers jours de la Quarantaine,
il leur avait laissé entendre qu'un grand événement
allait se produire en leur faveur à Jérusalem. Simultanément,
il leur prescrit une mission précise de prédication
par toute la terre après cet événement mystérieux
qui les revêtira d'une Force venue d'en haut (Lc24,49), de ce
Souffle Saint de Dieu qui doit les baptiser d'un baptême de
feu et non plus d'eau comme avait été celui de Jean
que Jésus lui-même avait reçu dans le Jourdain
(Actes 1, 8).
Il n'en fallait pas davantage pour porter au paroxysme l'espérance
messianique encore très humaine des disciples. Ceux-ci savaient
que l'ère messianique se caractériserait par le débordement
de cette toute-puissance du Souffle divin qui, par son feu purificateur,
opérerait le jugement final (Mt3,11 ; Lc3,17). Dans leur impatience,
ils questionnaient Jésus et leur interrogation est tout à
fait révélatrice à la fois de leurs espérances,
de leurs illusions et du malaise en lequel ils se trouvent : «
Est-ce en ce moment-ci que tu établis le Royaume en faveur
d'Israël ? ». Ils ont cru comprendre que Jésus leur
annonçait comme imminente cette ultime manifestation que, simultanément,
d'autres indices ou paroles de Jésus semblaient différer
: le pressentiment de son nouveau départ, l'élargissement
de cette nouvelle uvre de prédication. Et la réponse
de Jésus ne dut guère les satisfaire. Car elle est évasive
et équivoque.
Jésus savait parfaitement que les disciples ne pouvaient être
instruits que par le choc existentiel des événements.
Il se borne à les préparer à ce choc. Ils recevront
le Souffle divin qui les portera, témoins du Ressuscité,
en dehors même des frontières d'Israël auquel naguère
encore ils restreignaient le Royaume. Quant à la nature exacte
de ce dernier, c'est le secret du Père. Et sur ces mots, il
les quitte en s'élevant en l'air. Aussi habitués qu'ils
dussent être depuis Pâques aux allées et venues
d'un corps ressuscité, ils durent être tout de même
assez stupéfaits de cet insolite départ. Jusqu'ici,
Jésus disparaissait (Cf. Lc24,31 ). Cette fois, c'est sous
leurs yeux qu'il s'élève en un mouvement qui indique
bien un transfert vers un autre monde. Ils en demeurent le nez en
l'air ! Et voici qu'une apparition les avertit que, cette fois, c'est
un départ définitif, et qu'ils ne verront plus Jésus
avant son retour décisif.
Il nous semblerait qu'à cette annonce leur cour eût dû
se contracter douloureusement. Or, Luc nous dit qu'ils rentrèrent
à Jérusalem «avec une grande joie» (Lc24,53).
C'est parce qu'ils ont cru comprendre que ce départ de Jésus
serait de très courte durée et qu'il serait assez vite
suivi de l'inauguration des derniers temps avec le don du Souffle
de Dieu. Ce serait l'événement décisif qui leur
ferait rejoindre leur Maître dans sa gloire de Ressuscité
et consacrerait l'événement de son Royaume glorieux.
Ce que les disciples ne pouvaient alors savoir, nous, nous le savons
: Jésus est remonté auprès de son Père
afin que vienne l'Esprit Saint. Désormais, le mode de présence
ici-bas sera le Saint-Esprit. Ce sera ce qu'on pourrait appeler paradoxalement
la présence dans l'absence. Ceci doit nous faire comprendre
que l'expérience chrétienne n'est pas psychologique
(du moins dans son essence), mais pneumatique. L'expérience
que nous avons à faire est celle du Saint-Esprit et chacun
saint qu'en grec «Esprit» se dit «Pneuma».
Ce qui ne va jamais sans la souffrance, la prière et l'ascèse.
Cette expérience peut avoir des contrecoups, des retentissements
dans notre affectivité. Mais nous ne devons jamais confondre
cette dernière, « humaine trop humaine», avec le
Saint-Esprit ! Les belles liturgies, les volutes parfumées
de l'encens, le beau chant liturgique, les beaux vêtements des
célébrants, rien de tout cela ne doit être l'occasion
d'un retour sur soi-même générateur d'une complaisance
envers des émotions agréables et susceptibles de produire
la jouissance de notre conscience religieuse par elle-même.
Le Ressuscité a quitté cette terre afin que le Saint
Esprit de son Père qui, de toute éternité repose
sur Lui, le Fils Unique-Engendré, vienne opérer en chacun
d'entre nous une greffe divinisatrice, nous fasse pénétrer
dans l'Acte générateur éternel de son Père
sur Lui.
L'Ascension n'a de sens qu'en fonction de la Pentecôte. Les
disciples avaient pourtant été prévenus et, deux
mille ans plus tard, que faisons-nous de cet avertissement salutaire
? dans l'intimité de la dernière scène : «Il
est de votre intérêt que moi je m'en aille, car si je
ne m'en vais pas, le Paraclet ne viendra pas à vous. Si je
vais, je lui donnerai mission auprès de vous» (Jn16,7).
Le «Paraclet» est, en quelque sorte, dans saint Jean,
le nom propre du Saint-Esprit. Il signifie «celui qui se tient
à côté» de quelqu'un pour le défendre,
le conseiller, le consoler, le réconforter, le soutenir. Parlant
de l'Ascension nous ne pouvons que faire déjà référence
à la Pentecôte.
Recevant
toute clarté de l'Esprit saint, les Pères saints ont
proclamé sous Inspiration de Dieu le mystère de la foi
* court en paroles mais riche de sens, * et comme des hérauts
du Christ, * s'inspirant des évangéliques enseignements
* et de la sainte tradition, * ils ont reçu d'en haut la lumineuse
révélation * et tout brillants de clarté * ils
ont défini les dogmes divins.
Assemblez devant lui tous les Saints qui par un sacrifice scellèrent
l'alliance avec lui.
Réunissant tout leur savoir pastoral * et mus par une juste
indignation, les saints Pasteurs chassèrent comme avec la fronde
de l'Esprit * les loups redoutables et pestiférés *
qui de la plénitude de l'Eglise avaient glissé * dans
une incurable maladie conduisant à la mort ; * en cela les
Pères saints ont agi comme les nobles serviteurs du Christ
* et les initiateurs du message divin.
Gloire
au Père...
Le
chur des Pères saints * accourus depuis les confins de
l'univers * a proclamé l'unique essence et l'unique nature
* du Père, du Fils et de l'Esprit et transmis à l'Eglise
clairement * le mystère de l'enseignement divin ; aussi, les
célébrant dans la foi. * nous les disons bienheureux
et chantons : Divine garde du Seigneur, astres étincelants
du spirituel firmament, * imprenables donjons de la mystique Sion,
* suaves fleurs de Paradis, * bouches du Verbe toutes dorées,
* vous la gloire de Nicée, * de l'univers la splendeur, * intercédez
pour nos âmes auprès du Seigneur.
Textes liturgiques orthodoxes
Textes
à méditer
L'Evangile
de ce jour nous offre la prière du Seigneur à Gethsémani
après la Dernière Cène. Elle est connue sous
le nom de prière archihiératique du Seigneur. Notre
Eglise lit ce jour ce passage évangélique car elle fête
la mémoire des Saints Pères du 1er Concile cuménique
(325 ap. J.-C.). L'Orthodoxie est aujourd'hui en fête parce
que lors de ce Concile a triomphé la vérité de
la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
«
Etre dans l'Eglise qu'est-ce que cela signifie ? Cela veut dire de
ne pas abandonner notre religion et notre foi. Cela veut dire d'avoir
en nous l'amour, cet amour que le Christ nous enseigne. Cela veut
dire d'assister à la divine Liturgie, de nous confesser et
de communier. L'Eglise c'est le Christ et celui qui est dans l'Eglise
est avec le Christ».
Métropolite de Kozanis DIONYSSIOS
in Parole de Supplication, Kozani 1967
Notre Credo comporte comme deux aspects : un aspect statique, si l'on
veut, ou plutôt acquis, donné, le roc de notre certitude
de foi, et un aspect dynamique, le chant de louange que l'intelligence
humaine, mourant et renaissant dans les eaux du baptême, ne
cesse de faire résonner à la gloire de la Trinité.
Symbole donc de l'Eglise, le Credo de Nicée-Constantinople
fait partie intégrante de la liturgie eucharistique : de la
sorte il signifie que le don total de Dieu dans la communion ne peut
se faire qu'au don total de l'homme dans l'eucharistie, au sens propre
d'action de grâce, et que notre eucharistie, notre merci doit
être un engagement personnel, qui exige notre adhésion
consciente à la Parole de Dieu, si nous voulons que notre confession
de foi devienne ouverture à la vie.
Kondakion,
t. 8
Le
message des Apôtres et des Pères l'enseignement pour
l'Eglise affermissent l'unité de la foi : * portant la tunique
de vérité * tissée par la céleste révélation,
* elle dispense fidèlement * et glorifie le grand mystère
de la foi.
Ikos
Ecoutons
l'Eglise de Dieu nous crier en une sublime proclamation : * Qu'il
vienne à moi et qu'il boive, celui qui a soif ! * c'est dans
le cratère de la Sagesse que je mêle mon vin ; * je l'ai
mêlé à la parole de vérité ; * et
l'eau que je verse n'est pas celle de la contestation, * mais celle
de la concorde dans la foi, * dont boit le nouvel Israël à
qui Dieu apparaît en disant : * Regardez et voyez, je suis le
même, je n'ai pas changé, je suis Dieu au commencement
comme après le temps, il n'en existe pas d'autre que moi. *
Ceux qui prennent part seront rassasiés * et loueront le grand
mystère de la foi.
HOMELIE
LE DIMANCHE DES SAINTS PERES DU PREMIER CONCILE CUMENIQUE
(Jean 17,1-13)
Le
dimanche après le jeudi de l'Ascension, l'Eglise orthodoxe
commémore les 318 Pères (évêques) du premier
concile cuménique convoqué et réuni à
Nicée par l'empereur Constantin pour mettre fin aux troubles
suscités par l'hérésie d'Arius dans les provinces
orientales de l'empire. Il s'ouvrit le 20 mai 325 et fut clos le 25
août de la même année.
Arius (260-336) était un prêtre d'Alexandrie ( Egypte).
Son hérésie consista à prétendre que le
Dieu Unique, fondamentalement simple, inengendré par essence,
éternel, sans commencement, totalement transcendant et à
l'homme et au monde, ne saurait en aucune manière communiquer
à qui que ce soit ce qu'Il est. La conséquence inévitable
était que, pour Arius, le Fils, le verbe, est «étranger
et sans ressemblance aucune avec l'essence et l'identité du
Père». Il n'est donc qu'une des multiples puissances
créées par le Père céleste. C'est cette
hérésie que condamna le concile de Nicée qui,
à l'inverse d'Arius, affirma la consubstantialité, c'est-à-dire
l'identité dans l'essence divine, du Père et du Fils,
autrement dit : la divinité du Verbe lui-même.
Mais pourquoi célébrer la mémoire de la condamnation
de cette hérésie le dimanche qui suit la fête
de l'Ascension ? Quel rapport peut-il bien y avoir entre cette condamnation
et le temps pascal ? Pour le saisir il faut bien apercevoir en l'événement
de l'Ascension le mouvement inverse et complémentaire de celui
effectué par le Fils de Dieu à l'Annonciation et à
Noël. A l'Annonciation et à Noël, le Tout-Autre,
infiniment transcendant et au monde et à l'homme, sort de sa
propre essence inaccessible pour devenir ce qu'il n'est pas: l'un
des hommes, Emmanuel, «Dieu avec nous». A l'Ascension,
en la personne du Ressuscité remontant vers son Père,
la nature humaine transcende à son tour sa propre essence pour
pénétrer dans l'intimité de la vie trinitaire.
Mais le Christ d'Arius n'est pas «I'Un de la Trinité»,
et c'est tout le christianisme qui s'effondre. Si Jésus de
Nazareth n'est qu'une créature, fut-il le plus grand de tous
les prophètes, quel salut peut-il apporter à l'homme
qui ne soit une réalité créée (comme lui),
donc morale et humaine?
Et il y a une continuité théologique profonde et tragique,
qui ne va pas seulement d'Arius à tous nos modernes Drewermann
ou Barraut, mais encore d'Arius, qui tient pour inconcevable l'affirmation
que le Père engendre son Fils Unique de toute éternité
sans pour autant le créer, à tous les chrétiens
( et ils sont légion! ) qui tiennent pour inconcevable l'affirmation
selon laquelle Dieu sauve l'homme en le divinisant et non point en
se contentant de produire en lui des effets créés qui
le laissent désespérément dans l'humain. Si le
Christ n'est pas Dieu, à l'égal de son Père,
si donc en lui ne se sont point unies et compénétrées
sans se confondre la nature divine et l'humaine nature, le christianisme
n'est qu'une religion parmi d'autres et une morale, un fait de culture
et de civilisation. Mais la belle affaire que de confesser la divinité
de Jésus de Nazareth si l'on ne comprend pas que le salut en
Christ consiste pour l'homme lui-même en une communication effective
de la divinité de l'Unique-Engendré du Père !
C'est la réalité de cette communication qui est affirmée
par l'Eglise lorsqu'aux Vêpres de l'Ascension, il y a trois
jours, celle-ci chantait que le Ressuscité a «relevé
par compassion notre nature déchue pour l'asseoir à
côté du Père avec (lui)». Ou bien Arias
a raison et alors Jésus de Nazareth n'est pas ressuscité.
Ou bien Jésus est bel et bien ressuscité, mais alors
il est infiniment plus que le Jésus d'Arius.
L'événement de la résurrection est l'exigence
même de la réalité vivante de ce qu'était
Jésus. En le ressuscitant, le Père céleste nous
a donné la preuve expérimentale de sa filiation divine.
Et notre foi en cette filiation serait vaine si elle ne devait aboutir
à notre propre divinisation. Si Jésus de Nazareth n'est
infiniment davantage qu'un homme, s'il n'est pas «l'Un de la
Trinité», il n'est pas considérablement plus intéressant
que Sourate ou Gandhi. Et si, en ressuscitant, il a très clairement
manifesté qu'il était bel et bien «l'un de la
Trinité » devenu l'un des hommes, c'est afin que notre
propre nature humaine, à chacun d'entre nous, si pécheresse
et déchue qu'elle puisse être, soit « relevée
» et « assise à côté du Père
avec (lui)».
L'Esprit
Saint qui fut à l'origine de l'Incarnation de Dieu assume désormais
dans le feu de la Consolation la Rédemption de l'homme (son
passage du corps charnel au corps lumineux) par le chemin de l'impossible
ouvert au souvenir et à l'espérance.
La source de l'Esprit répandue sur les enfants de la terre,
et divisée en fleuves de feu, a couvert les apôtres de
douceur et de lumière. Sur eux le feu fut un nuage de rosées,
une pluie de flammes qui les éclaira Par eux nous avons reçu
la grâce dans le feu et dans l'eau. La lumière du Consolateur
est venue, elle a éclairé le monde.
Lumière est le Père, Lumière est le Verbe. Lumière
est le Saint-Esprit qui fut envoyé aux apôtres dans les
langues de feu. Par lui, le monde entier illuminé vénère
la Sainte Trinité.
L'Esprit Saint était, est et sera toujours. Jamais il n'a commencé.
Jamais il ne cessera. Mais il est toujours compté à
sa place avec le Père et le Fils. Il est la vie et il crée
la vie. Il est la lumière et il donne la lumière. Il
est bon et il est la source de la bonté. Par lui le Père
est connu, le Fils est glorifié, et tous apprennent l'unique
puissance, l'ordre unique, l'adoration unique de la Sainte Trinité.
L'Esprit Saint est la Lumière, la Vie et la Source vive. Il
est l'Esprit de sagesse, l'Esprit de connaissance. Il est bon et droit.
Il porte l'intelligence. Il dirige. Il enlève les fautes. Il
est Dieu et il déifie. Il est le Feu et il vient du Feu. Il
parle, il agit, il partage les charismes. Par lui tous les prophètes.
les apôtres de Dieu et les martyrs furent couronnés.
Nouvelle étrangère et vision étrangère.
Il est le Feu qui se divise dans le partage des grâces.
L'Esprit Saint qui procède du Père, qui est adoré
dans le Fils, célébrons-le. Par lui l'univers est porté,
gardé, maintenu en vie. Par lui tout vit, tout demeure, tout
est sauvé. Incompréhensible Consolateur, donne à
ton monde la paix.
Roi céleste, Consolateur, Esprit de
vérité, Toi qui es partout présent, Toi qui emplis
tout, Trésor des biens et Donateur de vie, viens et demeure
en nous, purifie-nous de toute souillure, et sauve nos âmes,
toi qui est bonté.
Textes
liturgiques orthodoxes
Texte
à méditer
La
fête de ce jour est appelée Pentecôte. Le Seigneur
parlait toujours à ses disciples du Saint Esprit, qu'Il enverrait
dans le monde de son Père afin qu'Il reste à jamais
dans l'Eglise. Et avant son ascension Il leur disait encore, parlant
de l'Esprit Saint : «Restez à Jérusalem jusqu'à
ce que vous soyez revêtus de l'armure de la puissance qui vient
d'en haut» (Luc 24/49). En d'autres circonstances, Il leur enseignait
ce que nous rapporte l'évangile de ce jour.
«Le récit des Actes (2,3) contient encore une importante
et dernière précision sur l'action de l'Esprit : «Les
langues... se divisaient, et il s'en posa une sur chacun d'eux»,
chaque apôtre reçoit une langue personnellement. Si le
Christ récapitule et intègre la nature humaine dans
l'unité de son corps, L'Esprit Saint, par contre, se rapporte
au principe personnel de la nature, aux personnes humaines. Il les
fait épanouir dans la plénitude des dons, selon un mode
unique. personnel pour chacun. Nous sommes comme fondus en un seul
corps, mais divisés en personnalités», explique
saint Cyrille d'Alexandrie. Au sein de l'unité en Christ, l'Esprit
diversifie et rend chacun totalement charismatique».
Paul
Evdokimov
Les étapes de l'an de grâce
Kondakion,
t. 8
Ayant
confondu les langues de l'univers, * le Seigneur du haut des cieux
dispersa les nations ; * mais en partageant les langues de feu, *
il invite tous les hommes à l'unité * et tous ensemble
nous glorifions le très-saint Esprit.
Ikos
Accorde
à tes serviteurs, Ô Jésus, un prompt et ferme
réconfort * dans la tristesse où se trouvent nos esprits,
* n'abandonne pas nos âmes dans l'affliction, * ne t'éloigne
pas de nos curs éprouvés, mais sans cesse préviens-nous.
* Viens tout près de nous, Seigneur partout présent,
* à ceux qui t'aiment demeure uni, dans ta bonté, *
comme à tes Apôtres tu le fus en tout temps, * afin qu'unis
à toi nous puissions chanter * et glorifier ton Esprit très-saint.
«Nous
fêtons la Pentecôte, la venue du Saint-Esprit, accomplissement
de la promesse et réalisation de l'espérance. Quel mystère
! Qu'il est grand et vénérable C'est pourquoi nous crions
: 0 créateur de l'univers, gloire à toi !»
Comme
l'exprime ce stichère qui ouvre la célébration
des Vêpres de la Pentecôte, cette fête est : «accomplissement
de la promesse et réalisation de l'espérance».
Nous allons donc être comblés de ce que : «L'il
n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu... tout ce que Dieu a
préparé pour ceux qu'il aime» comme le dit saint
Paul aux Corinthiens.
Quelle
est donc cette promesse qui voit son accomplissement au jour de la
Pentecôte ? C'est le don de l'Esprit que les prophètes
avaient annoncé pour les temps messianiques. Ainsi l'une des
lectures bibliques de Vêpres nous fait entendre la prophétie
de Joël : « je répandrai mon Esprit sur toute chair,
dit le Seigneur.» Et dans les Actes des Apôtres, saint
Pierre proclame de Jésus : «Dieu l'a ressuscité,
nous en sommes témoins. Et maintenant, exalté par la
droite de Dieu, il a reçu du Père l'Esprit Saint, objet
de la promesse, et l'a répandu».
Au
moment de l'Ascension, Jésus lui-même l'avait annoncé
: «Vous donc, demeurez dans la ville jusqu'à ce que vous
soyez revêtus de la force d'en-haut.» Et encore : «Vous
allez recevoir une force, celle de l'Esprit Saint qui descendra sur
vous. Vous serez alors mes témoins à Jérusalem,
dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux confins de
la terre.»
L'envoi
de l'Esprit Saint vient donc parachever l'uvre du Christ. C'est
à la fois un achèvement et un point de départ.
Achèvement, parce qu'avec Lui, nous avons tout ! Dieu est en
nous désormais et nous pouvons vivre de sa vie. Point de départ,
parce que c'est l'Esprit qui fait l'Eglise, qui transforme les disciples
du Christ en son Corps et qui en fait des témoins du Sauveur.
Par conséquent l'histoire s'ouvre sur une nouvelle réalité.
On
pourra objecter que cela s'est passé il y a deux mille ans.
Mais en fait, comme nous l'avons déjà dit, la vie liturgique
n'est pas seulement la commémoraison d'événements
passés. Elle les actualise pour nous et fait de nous chaque
année les contemporains de tel ou tel événement
de la vie du Christ ou, ici, de la naissance de l'Eglise. Ainsi à
chaque fête de la Pentecôte, nous recevons nous aussi
l'Esprit Saint comme les apôtres l'ont reçu lors de la
première Pentecôte.
Quand
on entre dans une église orthodoxe le jour de la Pentecôte,
on trouve le sol jonché de verdure. C'est comme si ce jour-là
l'herbe des champs poussait dans l'église. Peut-être
est-ce une réminiscence de la première signification
de la Pentecôte chez les juifs. En effet la Pentecôte
juive était la fête de la moisson avant d'être
celle du don de la Loi. Mais cette verdure évoque surtout la
Vie que nous confère l'Esprit. L'herbe des champs représente
d'abord, évidemment, la vie biologique que Dieu nous donne
en faisant pousser les plantes qui deviendront notre nourriture. On
passe aisément de l'idée de cette vie biologique à
celle de la Vie avec un grand V, la Vie déifiée que
Dieu nous donne par les sacrements et en laquelle nous participons
à la Vie même de Dieu. Or c'est la venue de l'Esprit
qui nous fait entrer dans la Vie Trinitaire.
Au
début de chaque office, nous invoquons l'Esprit en tant que
dispensateur de vie, ou vivifiant. Et dans le Credo même c'est
la caractéristique qui est attachée à l'Esprit.
L'Esprit Saint est celui qui nous fait vivre de la vie de Dieu. C'est
cela que suggère l'herbe répandue dans nos églises
à la Pentecôte.
Or
cette vie divine n'est autre que la vie de la Trinité. C'est
la raison pour laquelle dans le rite byzantin, la célébration
de la Pentecôte est à la fois célébration
de la venue de l'Esprit Saint et fête de la Sainte Trinité.
Un texte liturgique nous dit : «L'Esprit instruit les croyants
dans la connaissance de la Trinité en qui nous sommes fortifiés.»
Et
ailleurs, nous entendons : «Par la grâce de l'Esprit qui
répand la lumière, la création reconnaît
dans la Trois Personnes l'unique essence, inaccessible et éternelle.»
D'autres
textes chanteront soit la venue de l'Esprit, soit la Trinité
elle-même. D'autres engloberont les deux comme cet exapostilaire
: «Lumière est le Père, lumière est le
Fils, lumière aussi le Saint-Esprit qui descendit sur les apôtres
sous forme de langue de feu. Par lui le monde entier est illuminé
pour adorer la Sainte Trinité.»
L'Esprit
Saint nous donne de connaître et de célébrer le
Mystère du Dieu Un en Trois Personnes. En même temps
il nous fait participer à cette vie de communion, d'unité
dans la diversité. C'est ce que suggère les langues
de feu qui se sont réparties sur les apôtres. C'est le
même Esprit symbolisé par le feu que reçoivent
les apôtres, mais chacun en reçoit une flamme pour bien
montrer l'unicité de chaque personne dans la communion de l'unique
Esprit.
Pour
nous faire mieux comprendre ce paradoxe, la liturgie évoque
la tour de Babel : «jadis, quand le Très-Haut descendit,
il confondit les langues et dispersa les peuples. Quand il distribua
les langues de feu, il appela tous les hommes à l'unité».
La
Pentecôte est l'inverse de Babel. Au lieu d'une union des hommes
contre Dieu qui aboutit à la séparation et à
l'incompréhension mutuelle, la venue de l'Esprit restaure l'unité
de tous les hommes, chacun recevant une flamme unique qui marque l'unité
dans la différence. C'est ainsi que la vie de la Trinité
va se refléter dans celle de l'Eglise comme communion de personnes,
chaque personne humaine ayant un visage unique qui n'est vraiment
personnel que lorsque la personne accepte d'aimer les autres, fût-ce
au prix de sa vie, comme le Christ nous a aimés en nous montrant
ce qu'était l'Amour au sein de la Trinité. C'est l'Esprit
que nous recevons à la Pentecôte, qui nous permet à
notre tour d'aimer en vérité.
HOMELIE
LA VENUE DE L'ESPRIT LE DIMANCHE DE PENTECOTE
(Jean 7,37-52)
Au
moment de les quitter définitivement, Jésus dit aux
disciples : «Je vais envoyer sur vous la Promesse de mon Père
» (Lc24,49). Car Jésus n'est mort que pour ressusciter
et il n'est ressuscité que pour nous envoyer l'Esprit Saint.
Par le Saint-Esprit du Père qui repose pleinement sur Lui,
Il reconstitue et restaure notre humanité, il nous unit à
sa nature divine.
«Mieux vaut pour vous que moi je m'en aille car si je ne m'en
vais pas le Paraclet ne viendra pas vers vous ; mais si je pars, je
vous l'enverrai» (Jn 16,7). L'Unique Nécessaire affirme
paradoxalement la nécessité en laquelle se trouvent
les disciples (et nous-même par conséquent) de vivre
en son absence. Nous devons vivre par le Christ, nous devons vivre
dans le Christ mais aussi, d'une certaine manière, nous devons
vivre sans le Christ : sans sa présence visible et sensible.
C'est que le Fils ne s'est pas fait homme seulement pour nous délivrer
le plus sublime enseignement moral et religieux, ni pour nous éblouir
par ses prestigieux miracles. On ne peut même pas dire qu'il
se soit fait homme pour seulement nous donner le témoignage
(combien salutaire et précieux cependant !) de sa résurrection.
L'Un de la Trinité est devenu l'un des hommes essentiellement
pour nous communiquer le Fond même de Dieu, la vivante Racine
de Dieu. Et quel est donc ce Fond, quelle est donc cette Racine ?
C'est l'Esprit Saint, lequel, nous dit saint Paul, « scrute
tout, jusqu'aux profondeurs de Dieu » (1 Co 2, 1 0).
En effet, le Fils est l'Intimité la plus profonde du Père
dont il est la Parole et l'Unique-Engendré. Et l'Esprit Saint
est l'Intimité même du Fils sur lequel Il repose depuis
toujours en plénitude. Ainsi en nous faisant accéder
à l'expérience de la Réalité la plus intime
du Fils, en nous le faisant connaître non point d'une manière
seulement intellectuelle et extérieure, relative et abstraite,
conceptuelle et donc nécessairement superficielle, mais par
le dedans, par la vie et l'amour, par une connaissance inséparable
de l'amour, l'Esprit Saint nous introduit dans l'intimité très
secrète du Père céleste afin que nous devenions
nous-mêmes ses fils.
Et c'est pour cela qu'à l'Ascension le Ressuscité s'en
est allé. Il s'est effacé devant l'Esprit afin que l'Esprit
nous fasse pénétrer existentiellement par la divinisation
jusqu'en l'intimité du Père. Le Fils est notre Sauveur,
le Saint-Esprit, Lui, est notre Salut. Notre salut ce n'est pas la
«grâce», ce n'est pas quelque chose, mais Quelqu'un.
L'événement de la Pentecôte nous dit le contenu
spécifique du salut chrétien, à savoir le Don
inexigible et inouï aux hommes de la Vie incréée
et de la Puissance divine et divinisante du Fils devenu l'un des hommes.
Or, ce Don c'est la divinisation de l'homme par la présence
personnelle de l'Esprit Saint. L'Annonciation et la nuit de Bethléem
signifièrent la divinisation de l'humanité en la personne
de Jésus de Nazareth. L'événement de la Pentecôte
signifie la divinisation, par et dans le Saint-Esprit, offerte à
tout homme qui confesse la filiation divine de L'Enfant de Bethléem
devenu le Ressuscité. A Noël, la nature humaine fut assumée,
épousée, renouvelée, divinisée par le
Fils Unique-Engendré. Mais elle le fut alors, par Jésus,
d'une manière personnelle et limitée à un seul
homme. A la Pentecôte, l'humanité tout entière
devient le Corps du Christ, reçoit le Ressuscité pour
participer effectivement à sa Vie divine.
Etre chrétien, c'est essentiellement recevoir la révélation
du Mystère du Père, c'est confesser que le Ressuscité
est la Révélation même de Dieu, sa Parole consubstantielle
et coéternelle. Ce n'est que par l'entremise du Fils, du Témoin
par excellence, que nous pouvons apprendre que Dieu est notre propre
Père. Mais nous ne pouvons confesser la filiation divine du
Ressuscité et, partant, nous ne pouvons savoir que Dieu est
notre Père, et encore moins pouvons-nous devenir ses fils,
si nous ne recevons l'Esprit qui procède du père et
repose sur le Fils. Mais si nous accueillons l'Esprit Saint en nous,
alors l'Acte générateur éternel du Père
sur son Fils se prolonge sur nous. Le chrétien est fondamentalement
un oint, un «messie», un «christ», c'est-à-dire
un homme qui a reçu l'Esprit-Saint du Père si peu qu'il
confesse la divinité du Fils. La Pentecôte signifie que
nous sommes engendrés, à la suite du Fils, à
la Vie même, incréée et proprement divine du Père.
Le Saint-Esprit met en mouvement la fine pointe de notre âme,
féconde la racine même de notre être personnel,
donne à notre «pneuma» la force de manifester la
Puissance même du Christ. Vivre, pour un chrétien, c'est
participer à l'Esprit Saint, c'est «acquérir le
Saint-Esprit» (saint Séraphin de Sarov), c'est exister
dans une attention de tous les instants à l'événement
de Pentecôte.
En
tout l'univers tes martyrs * ont orné l'Eglise
de leur sang. * Revêtue de pourpre et de lin fin,
* par leur bouche elle te chante, ô Christ notre
Dieu : * A ce peuple qui est tien manifeste ta compassion,
* donne la paix à ceux qui veillent sur notre
nation, * accorde à nos âmes la grande
miséricorde.
Kondakion,
ton 8
Comme
les prémisses de la terre sont offertes au Créateur,
* l'univers te présente les saints martyrs habités
de Dieu ; * à leur prière et à
celle qui t'enfanta * garde ton Eglise dans la paix,
* Seigneur riche en miséricorde.
Synaxaire
du dimanche de Tous les saints
Aujourd'hui,
en ce dimanche après la Pentecôte, nous
célébrons la fête de Tous les saints
qui ont vécu dans le monde entier, en Asie, en
Europe, dans les terres boréales et australes.
Par les prières de notre ambassadrice, ta Mère
et de tous les saints, Christ notre Dieu, aie pitié
de nous et sauve-nous, unique ami des hommes. Amen.
DIMANCHE
DE TOUS LES SAINTS
Homélie donnée le 14 juin 1998
en l'église St Irénée à
Marseille (France) par P. Denis Guillaume
Frères
et surs, en ce dimanche après la Pentecôte.
nous célébrons la mémoire de tous
les Saints. Ce n'est pas un hasard, mais l'aboutissement
logique de tout le Pentecostaire. Le Pentecostaire,
du grec (pentècostè)qui veut dire cinquantième,
c'est le livre contenant les offices des cinquante jours
qui vont de Pâques à la Pentecôte.
Sept semaines de sept jours, cela fait quarante neuf,
et la Pentecôte, c'est le cinquantième
jour. Mais un jour ne suffit pas pour méditer
le mystère de la Pentecôte, descente de
l'Esprit et révélation de la Trinité
: on lui a donc ajouté une semaine. Et le Pentecostaire
s'achève par le dimanche de Tous les Saints.
Notre "Toussaint" à la différence
de la Toussaint occidentale, est une fête mobile,
qui dépend de la date de Pâques. Elle achève
le cycle de huit semaines qui nous ont fait revivre
le mystère de notre rédemption par la
mort et la résurrection du Christ, de notre illumination
par la foi et le baptême, de notre sanctification
par la descente de l'Esprit divin.
Dans l'Eglise occidentale, la Toussaint est une fête
fixe célébrée le premier novembre.
C'est le jour anniversaire de la dédicace d'une
église de Rome, Sainte-Marie-des-Martyrs, qui
était d'abord un temple païen, celui de
tous les dieux, en grec "Pan-théon".
Peu à peu, lorsqu'aux martyrs des premiers siècles
vinrent s'ajouter les ascètes et les autres saints,
la fête commémorative est devenue la "Toussaint".
Puis l'on fixa au 2 novembre la commémoration
de tous les défunts, ce qui a eu pour effet de
jeter un voile sur la fête de la Toussaint et
même de condamner au cimetière les pauvres
chrysanthèmes, dont le nom grec veut dire "fleurs
d'or" et qui en Grèce, continuent à
être des fleurs joyeuses !
Nous aussi, nous avons eu, la semaine dernière,
notre commémoration des défunts : c'était
le samedi avant Pentecôte, et leur souvenir n'était
pas absent des longue prières de la Goniklissia,
l'office de la Génuflexion célébrée
le soir de la Pentecôte. Mais avouez qu'on passe
plus facilement de la tristesse à la joie, du
souvenir des défunts au triomphe de la sainteté.
De la même façon, nous avons eu, au début
du Triode de Carême, un Samedi des Défunts
à la veille du dimanche de Carnaval et, la semaine
suivante, le samedi des saints ascètes. Et, dans
les Menées ou livres mensuels, il y a d'autres
fêtes de saints groupés, telles que la
Synaxe des Douze Apôtres, le 30 juin, la Synaxe
des soixante-dix Apôtres, le 4 janvier, les Synaxes
des Pères conciliaires, qui sont au nombre de
trois au cours de l'année liturgique, et enfin,
le 8 novembre, le Svnaxe des archanges Michel et Gabriel
et de toutes les autres Puissances incorporelles. c'est-à-dire
les Anges, qui se comptent par myriades.
Or, chaque jour, à Vêpres, à Matines,
ait cours des Petites Heures et, de la Liturgie, on
commémore un ou plusieurs saints, pas plus de
deux ou trois, en général, à moins
qu'il ne s'agisse d'un groupe de saints, martyrisés
le même jour. Dans le Synaxaire ou Martyrologe
on en commémore davantage, jusqu'à un,
vingtaine par jour. Si vous multipliez vingt par 365
jours. cela ne fait jamais que 7 300 noms.
Or les Saints doivent se compter par myriades, eux aussi
: dans l'épître de ce jour, Paul nous a
parlé d'une immense foule de martyrs, littéralement
une "grande nuée de témoins".
Pensez aux nuées du ciel : la Voie lactée
et les autres galaxies, les Nuages de Magellan, etc.
Les astronomes v dénombrent des étoiles
par milliards. Eh bien, entre 7 300 noms et les myriades,
cela fait un grand. nombre de saints anonymes, connus
de Dieu seul, dont l'histoire n'est pas arrivée
jusqu'à nous, et qu'il était juste de
commémorer en ce jour.
Mais au-delà de ce devoir de piété
de l'Eglise envers tous les Saints, connus ou inconnus,
il v a, comme je le disais en commençant, la
logique de notre commune sanctification, vue comme l'aboutissement,
l'achèvement de l'histoire du salut commencée
par la Croix et la Résurrection. Après
la fête de Pâques, nous avons célébré
les témoins de la Résurrection du Christ
: Thomas, dont le doute a rendu plus sûre notre
foi, et les Myrophores qui, ayant participé à
l'ensevelissement, ont pu, de façon d'autant
plus véridique, annoncer le Christ ressuscité.
ensuite nous avons médité pendant trois
dimanches sur les miracles du Paralytique, de la Samaritaine,
et de l'Aveugle-né, considérés
comme des catéchèses baptismales. Enfin,
les trois derniers dimanches du Pentecostaire ont tiré
les fruits de l'Ascension et de la Pentecôte :
notre nature assise, en Jésus, à, la droite
du Père, et la descente de l'Esprit qui, en nous
sanctifiant, permet aux imitateurs du Christ de monter
à leur tour, par la sainteté, dans la
gloire du ciel. A cela nous sommes tous appelés,
pour remplacer auprès de Dieu les anges déchus,
qui sont "légions", pour remplacer,
quand ce monde finira, les myriades d'étoiles
qui le chantent au firmament. A lui la gloire dans les
siècles.