EGLISE ORTHODOXE D'ESTONIE

Chapitre

Orthodoxie

 
 
 
 

 

LE PENTECOSTAIRE

Dimanche 12 avril 2015

SAINT, LUMINEUX ET GRAND DIMANCHE DE PAQUES
Epître : Actes 1, 1-8
Evangile : Jean 1, 1-17

Cette année Pâques tombe le 19 avril. Tous les ans la date de la fête varie, car elle est calculée en fonction de l'équinoxe et de la pleine lune (1er dimanche après la pleine lune qui suit l'équinoxe de printemps) car à ce moment toute la terre est éclairée, une moitié directement par le soleil, l'autre par la lune qui reflète au maximum la lumière solaire. L'Eglise a choisi de célébrer Pâques à ce moment, car la lumière triomphant des ténèbres est image par excellence du Christ, Soleil de Justice, vainqueur de la mort par Sa Résurrection. Il est intéressant de remarquer comment le dimanche, consacré dans les temps païens au soleil, est dédié aujourd'hui au Seigneur et plus particulièrement à sa Résurrection.
La résurrection du Christ est au cœur de notre foi, elle nous sauve du péché et de la mort. C'est parce que le Christ, le Verbe de Dieu est devenu homme tout en restant Dieu que nous, hommes créés à l'image de Dieu, pouvons être sauvés. En effet, en désobéissant à Dieu, l'homme se coupe de la Vie et se précipite dans un monde de souffrances et de mort. Le Christ. en assumant la condition humaine déchue mais sans jamais commettre le péché, permet à l'homme de Le suivre dans Sa résurrection. Comme Il est Dieu, la mort n'a pu Le garder comme les autres hommes. Des païens de l'Antiquité ont eu l'intuition de ce mystère qu'ils ont exprimé dans le mythe d'Orphée. Mais Orphée n'est qu'un homme, et même si son immense amour pour sa femme peut le faire descendre jusqu'aux Enfers, il ne peut l'en arracher durablement.
La fête de Pâques ne dure pas qu'un jour mais toute une semaine, elle a pour nom : semaine radieuse ou semaine du renouveau. Comme à Pâques les offices sont chantés complètement et les portes du sanctuaire restent continuellement ouvertes. La semaine ne comporte pas de jour de jeûne.
Après cette semaine «jour unique» on s'éloigne un peu plus de la fête. A cause du combat que nous devons mener pour lutter contre nos passions nous ne pouvons tenir longtemps dans un état de fête sans tomber dans l'illusion (optimisme béat ou fierté d'avoir mérité cet état). L'Eglise, très pédagogue, propose donc assez vite de rester dans la joie pascale mais en réintroduisant dans les offices des textes sur le repentir et en retrouvant les jeûnes des mercredis et vendredis.
Jusqu'à la clôture de Pâques (veille de l'Ascension) on continue à se saluer du salut pascal: «Le Christ est ressuscité ! - En vérité, Il est ressuscité !» Pendant ce temps toutes les prières commencent et se concluent par le tropaire de Pâques. Durant ces quarante jours on propose beaucoup d'œufs, souvent peints en rouge : l'œuf et la couleur rouge sont le symbole de la vie.
Nous vivons cette fête tous les dimanches. En effet, comme nous l'avons évoqué plus haut, la Résurrection du Seigneur est commémorée le dimanche. Aux vêpres et aux matines de ce jour sont chantés des hymnes commentant cette fête sur un cycle de huit dimanches correspondant aux huit tons.
Pâque est donc le point de départ, le cœur et le point d'arrivée de l'année liturgique et de toute notre vie.
Sophie Lossky

L'OFFICE DE PAQUES

Le grand office suivant les Matines du Grand Samedi est souvent (malheureusement) anticipé dans la matinée du Samedi Saint. C'est l'antique veillée pascale des premiers siècles. Ce sont les Vêpres du Samedi Saint qui autrefois duraient toute la nuit pour s'achever à l'aube du Dimanche de Pâques par le baptême des catéchumènes et la Divine Liturgie de saint Basile. Cet office comporte toujours les Vêpres unies à la Liturgie de saint Basile. Au cours de la première partie de cette célébration nous entendons quinze longues lectures de l'Ancien Testament qui nous rappellent l'ultime préparation que les catéchumènes recevaient la nuit de Pâques avant d'être baptisés. C'est toute l'histoire du salut qui est ainsi retracée à nos oreilles, depuis le récit de la création avec le début de la Genèse, en passant par les épisodes de l'agneau pascal et de la traversée de la Mer Rouge qui relatent la première Pâque et le salut opéré par Dieu en faveur du peuple hébreu, jusqu'aux grandes prophéties d'Isaïe et de Jérémie qui annoncent la plénitude des temps messianiques où le Messie apportera aux captifs la liberté et où le Seigneur conclura avec son peuple une alliance éternelle en mettant sa loi au dedans du cœur des croyants.

Après toutes ces lectures bibliques, l'épître aux Romains au chapitre 6 évoque directement le baptême et la Résurrection : «Nous tous qui avons été baptisés en Christ, c'est dans sa mort que nous avons été baptisés. Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous marchions nous aussi dans une vie nouvelle...» Le baptême nous plonge directement dans la mort et la résurrection du Christ. C'est pourquoi, dans l'Eglise ancienne, les catéchumènes étaient baptisés durant la nuit de Pâques.

Ensuite au lieu du chant habituel de l'Alléluia pour introduire l'évangile, le chœur chante : «Ressuscite, ô Dieu, et juge la terre, car tu auras en héritage toutes les nations.» tandis que le prêtre parcourt l'église en y répandant des feuilles de laurier, symbole de la victoire.

L'évangile qui suit proclame la Résurrection du Christ, selon saint Matthieu au chapitre 28. Puis c'est la suite de la Divine Liturgie de saint Basile.

Ainsi donc la Résurrection est déjà proclamée mais ce n'est pas encore Pâques.

Il faudra attendre le cœur de la nuit pour qu'éclate réellement la joie de la Résurrection.

Il est presque impossible de traduire par des mots l'allégresse qui traverse tout l'office de la nuit de Pâques. je vais seulement essayer d'en traduire quelques aspects.

Tout d'abord, nous entrons dans une église complètement obscure pour figurer la nuit du tombeau. Dans ces ténèbres, seule brille la petite flamme d'une veilleuse à laquelle le prêtre va allumer le cierge pascal, qui est un cierge fleuri, à trois branches évoquant la Trinité. Il appelle alors tous les fidèles à venir allumer leurs cierges au sien en disant : «Venez tous et prenez la lumière de la Lumière qui est sans déclin et glorifiez le Christ ressuscité d'entre les morts».

Chacun vient prendre effectivement la lumière en répétant ce chant, et l'église s'illumine peu à peu de la clarté de tous ces cierges. Nous pouvons alors sortir de l'église en procession et en faire le tour extérieur. Arrivés ensuite devant le porte fermée de l'église, qui figure la pierre du tombeau, nous entendons le prêtre proclamer l'annonce de la Résurrection selon saint Marc et aussitôt après, tandis que les cloches sonnent, il entonne le tropaire de Pâques : «Le Christ est ressuscité des morts. Par sa mort, il a vaincu la mort et à ceux qui sont dans les tombeaux, il a donné la vie».

Ce chant est répété indéfiniment tout au long de l'office, et déjà il est chanté dix fois en alternance avec des versets du Psaume 67 : «Que Dieu se lève et que ses ennemis se dispersent... Voici le jour que le Seigneur a fait. Pour nous allégresse et joie.»

Après une litanie, les portes de l'église s'ouvrent comme la pierre a été roulée de devant le tombeau et nous pénétrons dans l'église toute rutilante de lumière et de fleurs, et parfumée d'encens. C'est une exubérance de couleurs et de parfums qui nous fait éprouver par tous nos sens la vie jailli du tombeau. Et les chants s'appellent et se répondent tandis que le prêtre sort fréquemment du sanctuaire pour encenser le peuple et lui crier : «Le Christ est ressuscité». A quoi l'on répond : «En vérité Il est ressuscité». Les chants et ces acclamations s'entremêlent comme pour signifier le trop-plein de vie qui nous vient de la Résurrection du Sauveur.

Toutes les strophes seraient à citer. En voici quelques-unes :

«jour de la résurrection, peuples rayonnons de joie. Pâque du Seigneur, Pâque ! C'est de la mort à la vie, de la terre au ciel, que le Christ nous a fait passer, nous qui chantons cette hymne de victoire».

«Maintenant, tout est rempli de lumière, le ciel, la terre et ce qui est sous la terre. Que toute la création célèbre la résurrection du Christ en qui est notre force».

«Hier, j'étais enseveli avec toi, ô Christ, aujourd'hui je me lève avec toi en ta Résurrection. Hier, j'étais crucifié avec toi, ô Sauveur ; glorifie-moi avec toi dans ton Royaume».

Puis, ce sont les Laudes avec d'autres textes évoquant les femmes qui reçoivent l'annonce joyeuse de la Résurrection et surtout ce stichère final : «jour de la Résurrection. Rayonnons de joie et embrassons-nous les uns les autres. Appelons frères même ceux qui nous haïssent. Pardonnons tout, à cause de la Résurrection, et clamons : le Christ est ressuscité des morts. Par sa mort il a terrassé la mort...».

Et tandis qu'on répète sans fin ce tropaire les fidèles vont baiser l'Evangile que leur tend le prêtre, puis embrassent le célébrant et s'embrassent les uns les autres en disant : «Le Christ est ressuscité. En vérité, il est ressuscité !» L'église devient alors une icône visible de l'amour trinitaire. La Résurrection du Christ en nous communiquant la victoire du Christ sur la mort et sur le péché, nous rend capables de nous aimer les uns les autres comme le Christ nous a aimés.

Et maintenant, pour répondre à l'invitation du sermon de saint jean Chrysostome qui nous dit : « Entrez dans la joie de notre Maître », nous allons pouvoir participer à l'Eucharistie qui accomplit la fête.

CATECHESE DE PAQUES DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME
(A la fin de la divine liturgie pascale, il devenu une coutume de lire la catéchèse de Pâques de St Jean Chrysostome)
Que celui qui est pieux, qui aime le Seigneur, vienne goûter l'enchantement de cette fête ! Celui qui est un serviteur fidèle, qu'il entre avec allégresse dans la joie de son Maître. Celui qui a porté le poids du jeûne, qu'il vienne toucher maintenant son denier. Celui qui a travaillé dès la première heure recevra aujourd'hui le juste salaire ; celui qui est venu à la troisième heure se réjouira dans l'action de grâce ; celui qui arriva seulement après la sixième heure peut s'approcher sans effroi ; il ne sera pas lésé ; si quelqu'un a tardé jusqu'à la neuvième heure, il pourra venir sans hésitation ; l'ouvrier de la onzième heure ne souffrira pas de son retard.
Car le Seigneur est libéral : il reçoit le dernier comme le premier ; il accorde le repos à l'ouvrier de la onzième heure comme à celui qui, dès l'aube, a pris le travail. Il fait donc grâce au dernier et comble le premier ; il donne à celui-ci sans oublier celui-là ; il ne regarde pas seulement l'œuvre, mais déjà pénètre l'intention.
Tous entrez dans la joie de votre Maître : premiers et seconds, recevez la récompense ; riches et pauvres, chantez en chœur; abstinents et oisifs, fêtez ce jour ; que vous ayez jeûné ou non, réjouissez-vous aujourd'hui !
Le festin est prêt, venez donc tous. Le veau gras est servi ; tous seront rassasiés. Mangez avec délices au banquet de la foi, et venez puiser aux richesses de la bonté.
Que nul ne déplore sa pauvreté : à tous le Royaume s'est ouvert ; que nul ne déplore ses péchés : le pardon s'est levé du tombeau ; que nul ne craigne la mort : celle du Seigneur nous a rendus libres ; il l'a terrassée, lorsqu'elle le tenait enchaîné ; il a jeté dans l'effroi ceux qui avait touché sa chair. Isaïe l'avait prévu, en criant à tous les vents : «l'enfer fut consterné quand il l'a rencontré»; il fut consterné parce qu'il fut terrassé ; il fut dans la tristesse parce qu'il fut joué. L'enfer a saisi un corps, et il s'est trouvé devant un Dieu ; il a saisi la terre, et rencontré le ciel ; il a choisi le visible pour choir dans l'invisible.
Mort, où est ta victoire ? Mort où est ton aiguillon ? Le Christ est ressuscité et tu as été terrassée. Le Christ est ressuscité et les démons sont tombés ; le Christ est ressuscité et les anges sont dans l'allégresse ; le Christ est ressuscité et tous les morts quittent le tombeau. Oui le Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui dorment.
A Lui, gloire et puissance dans les siècles des siècles ! Amen.

Traduction de A. Hamman LE MYSTERE DE PAQUES Ed. Grasset pp. 133-134

Tropaire de Pâques (ton 5)
Le Christ est ressuscité des morts, par la mort Il a vaincu la mort, à ceux qui sont dans les tombeaux, Il a donné la vie.

Stichère de Pâques
C'est le jour de la Résurrection, que la fête nous illumine, embrassons-nous les uns les autres et appelons frères, même ceux qui nous méprisent. Pardonnons tout dans la Résurrection et chantons: le Christ est ressuscité des morts, à ceux qui sont dans les tombeaux Il a donné la Vie.
Tropaire de la Résurrection (ton 2)
Lorsque tu es descendu dans la mort, Ô Vie immortelle, l'Enfer fui mis à mort par l'éclat de Ta divinité. Lorsque tu as fait sortir les morts des abîmes toutes les puissances célestes clamaient: Christ Dieu, Donateur de Vie, gloire à Toi.
Kondakion, t. 8
Lorsque tu gisais dans le tombeau, Seigneur immortel, tu as brisé la puissance de l'Enfer, et tu es ressuscité victorieusement,  Christ notre Dieu. ordonnant aux Myrophores de se réjouir, visitant tes Apôtres et leur donnant la paix, toi qui nous sauves en nous accordant la résurrection.
Ikos
C'est le soleil antérieur au soleil, jadis descendu au tombeau, que les Myrophores cherchaient comme le jour, avant l'aurore se hâtant et l'une et l'autre se disant : 0 mes chères amies, allons embaumer le corps vivifiant de celui qui au sépulcre enseveli après sa chute relève Adam ; allons, hâtons-nous et comme les Mages nous prosternant, offrons la myrrhe en hommage à celui qui n'est plus de langes, mais d'un suaire enveloppé, et dans les larmes crions-lui : Lève-toi, Seigneur, toi qui nous sauves en nous accordant la résurrection.

Message de Pâques de Mgr +MELETIOS (1983, ancien métropolite de France)

"Christ est ressuscité des morts, par la mort il a vaincu la mort, à ceux qui sont dans les tombeaux, il a donné la vie !"
Cette immense joie est au cour de l'Eglise orthodoxe. Chaque dimanche est Pâques ; chaque dimanche aux matines, nous lisons un évangile de la Résurrection. Chaque office du matin célèbre la victoire de la lumière, annonce la venue pascale du «jour sans déclin». «Jour de la Résurrection (...) Jésus s'est levé du tombeau (...) il nous a donné la vie éternelle et sa grande miséricorde». Toute la pensée, toute la prière de l'orthodoxie vibrent de cette annonce inouïe : Dieu s'est fait chair et dans la chair, avec elle, il a vaincu la mort, il a rouvert aux hommes le chemin de la déification, où le feu de la nature divine, à travers le Christ, embrase notre humanité.
Pourtant interrogeons-nous. Pâques est une grande et belle fête, mais que reste-t-il dans nos vies de cette exaltation passagère ? Chacun porte sa croix. Notre vie est toujours une croix. Les amours se brisent, ou la mort vient nous ravir ceux que nous aimons. Les enfants s'en vont. Les amitiés sont incertaines. L'accident, la maladie, le déclin nous guettent. L'Ecclésiaste n'ignore rien de notre tristesse : «Tout est vanité et poursuite du vent» (2, 17). «Je regarde toute l'oppression qui se commet sous le soleil : voici les larmes des opprimés, et ils n'ont pas de consolateurs» (4,1). Car non seulement nos vies personnelles, mais l'histoire toute entière est pleine de douleur et de haine. Tant d'êtres se défont dans le chômage, dans l'oppression tantôt des âmes et tantôt des corps. Tant de jeunes gens doutent de l'avenir, sont envahis par l'angoisse et la tentation du suicide...
Alors n'oublions pas que le Vendredi saint précède Pâques, et que toutes nos croix, Dieu lui-même, le Dieu fait homme les a portées. A Gethsémani il a dit : «Mon âme est triste jusqu'à la mort» (Mt 26,38), «et sa sueur devint comme de grosses gouttes de sang» (Lc 22, 44). Il a été exclu, solitaire, bafoué, flagellé, on a enfoncé sur sa tête, et dans sa tête, une couronne d'épines. Sur la croix, il a crié : «J'ai soif» (Jn 19, 28) et «Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m'as-tu abandonné ?» (Mt 27, 46). La Résurrection n'est pas une aimable fête à la surface de l'histoire, à la surface de nos vies. Elle jaillit de toute l'épaisseur de notre souffrance, de tous les massacres de l'histoire, de tout le chaos de l'univers.
Le Christ ressuscite dans l'enfer, dans la nuit, dans le tombeau fermé d'une lourde pierre. Dans notre enfer, dans notre nuit, dans notre existence qui ressemble si souvent au tombeau fermé par nos cœurs de pierre.
Alors nous comprenons que nulle part nous ne sommes perdus, orphelins, abandonnés. Le Christ souffre en nous, il nous ressuscite avec lui. Il y a des signes de Résurrection. Tout au long de l'histoire de l'Eglise, tout au long de l'histoire des hommes, et maintenant encore, oui, maintenant, il y a des signes de Résurrection. Il y a des saints qui sont capables d'accueillir chacun avec un amour infini en lui disant : «Ma joie, Christ est ressuscité !» Il y a eu, en notre siècle, des martyrs par milliers qui sont morts en priant pour leurs bourreaux : c'est en ressuscitant. Dans les camps nazis, des chrétiens de toutes confessions, un catholique comme le P. Kolbe, une orthodoxe comme la mère Marie, étaient rayonnants de paix et de joie au milieu de l'horreur. Et d'autres camps, plus récemment, n'ont cessé de connaître de semblables témoins. Partout dans le monde, d'humbles chrétiens refont patiemment le tissu de la vie, de la confiance, de la confiance dans la vie, contre les forces du néant. Partout dans le monde, des hommes et des femmes puisent dans le Résurrection, le courage de lutter pour la liberté, la justice et la paix, avec les armes d'un amour actif, créateur. Le Christ est ressuscité, et sa Résurrection est l'avenir du monde, elle nous permet de faire un peu de bien pur, sans rien demander en retour, comme la Matriona de Soljenitsine, cette figure des justes inaperçus qui sont cependant l'âme du monde.
Frères et sœurs, considérons l'histoire de notre Eglise, l'Eglise orthodoxe, en ce siècle terrible. Dans d'immenses régions la persécution l'écrasait, on croyait qu'elle allait mourir. «Mais le sang des martyrs est la semence des chrétiens», a dit Origène. L'Eglise persécutée connaît aujourd'hui un étrange renouveau, les adultes s'y font baptiser par milliers. En France même, voyez comme les orthodoxes savent maintenant se rapprocher et collaborer. Voyez la grande tâche qu'ils ont accomplie et accomplissent pour clarifier et approfondir leur message. Par la joie de la Résurrection, quelques poignées d'immigrés ont su transformer leur exil en témoignage du Royaume. Puisse-t-il, ce Royaume de la lumière, s'enraciner et grandir dans nos communautés et dans nos vies : «Jour de la Résurrection ! (...) Dans la joie embrassons-nous les uns les autres et appelons-nous frères.»
Mes amis, le monde meurt par manque d'amour. Que la Résurrection nous donne la force d'être les témoins du véritable amour, celui qui est plus fort que la mort, que toutes les formes de mort, qu'elles soient politiques, sociales, culturelles ou toujours, en définitive, spirituelles.
Que la bénédiction de Pâques soient sur vous.

LE CHRIST RESSUSCITE !

CHRISTOS ANESTI !

CHRISTOS VOSKRIESSE !

CHRISTOS A INVIAT !

ALMASSIH KAM !

KRISTUS ON ÜLESTÕUSNUD!

KRISTUS NOUSI KUOLLEISTA!

EN VERITE IL EST RESSUSCITE !

Dimanche 19 avril 2015 : 2ème dimanche après Pâques

Dimanche de Thomas

Matines : 1er Evangile

Epître : Ac 5, 12-20 ; Evangile Jn 20, 19-31

Thomas Didyme, le seul qui ait osé, en sa foi incrédule * pour notre bien, en son incrédulité qui portait la foi * enlève des confins du monde l'ignorance ténébreuse * et il tresse sa propre couronne, en disant * Tu es le Seigneur Dieu des Pères exalté au-dessus de tout * Notre Dieu, Tu es béni.
Thomas dans la crainte touchant de sa main ton côté qui porte la vie * Christ, sentit en tremblant la double énergie de tes deux natures * unies en Toi, Sauveur, sans se confondre. Et il dit dans la foi * Tu es le Seigneur Dieu des Pères exalté au-dessus de tout * Notre Dieu, Tu es béni.
Thomas Didyme mit sa main dans le côté qu'on ne peut tenir * mais quand il le toucha, ne fut pas brûlé * Il sentit les blessures et sa foi fut confirmée * Il dit à Celui qui fut percé pour nous * Quand bien Tu as souffert, Tu es mon Seigneur et mon Dieu.
Textes liturgiques orthodoxes

Texte à méditer

L'épisode de Thomas nous suggère aussi cette pensée. Pouvons-nous, aujourd'hui, toucher de nos mains la chair meurtrie du Sauveur ? Nous, à qui les extases et les visions ne sont pas accordées, pouvons-nous nous assurer que nous n'adorons pas un fantôme, mais un vivant ? Oui, et cette possibilité est donnée à tout homme. Jésus vit d'une manière invisible et réelle dans les créatures de chair qui nous entourent. Les plaies du crucifiement, nous pouvons les constater, les adorer aujourd'hui dans les malades, les pauvres, dans tous les hommes et les femmes qui souffrent, tous ceux en qui se prolonge l'agonie de Jésus, membres du Corps mystique qui participent à la Passion de leur Tête divine. Jésus nous dit: « Si tu doutes que j'aie été crucifié pour toi et que je sois ressuscité, penche-toi vers mes membres souffrants. Touche-moi en étendant vers eux une main secourable. En te donnant à eux, tu me trouveras. Fais pour eux quelque chose qui te coûte. Immole-toi pour eux selon qu'il te sera possible. Et voici que tu me découvriras en eux. Je te répondrai par une grâce Spéciale. Tu me sentiras vivant et présent. Tu éprouveras la réalité, la force de ma Résurrection». Il ne nous est pas donné de voir d'une manière constante la Sainte Face, mais, comme une vision évanescente, le visage du Christ m'apparaîtra derrière le visage de mon frère et, à travers la compassion, je rejoindrai la Passion. Je toucherai mon frère souffrant, et je dirai : «Mon Seigneur et mon Dieu !»

Un moine de l'Eglise d'orient
L'an de grâce du Seigneur

Kondakion, t. 8

De sa main fureteuse l'Apôtre Thomas * explora ton côté vivifiant, Christ notre Dieu, * et toutes portes étant fermées lorsque tu vins au milieu des Disciples, il te cria : * Tu es en vérité mon Seigneur et mon Dieu.

 

Ikos

La main du Disciple, comment n'a-t-elle pas fondu, * lorsqu'elle approcha le côté brûlant du Seigneur ? * Qui lui a donné l'audace d'y toucher? * Assurément, celui qui fut touché ! * S'il n'avait donné la force à cette pauvre main, * comment aurait-elle pu toucher les plaies qui firent trembler le ciel et la terre ? * Et Thomas reçut la grâce de toucher le Christ et de lui crier : * Tu es en vérité mon Seigneur et mon Dieu.

L'INCREDULITE DE THOMAS
(Jean 20,19-31)

Le dimanche qui suit le dimanche de Pâques, l'Eglise orthodoxe médite l'incrédulité de l'apôtre Thomas. Cette incrédulité est à rapprocher du triple reniement de Pierre après l'arrestation de Jésus. Thomas ne fut pas moins croyant que les autres disciples. Car le Vendredi Saint au soir, tous perdirent la foi. Ils eurent alors l'impression irrésistible de s'être laissé emporter par un rêve. Au choc brutal de la terrible réalité, ils se sentirent retomber sur terre d'un seul coup, avec le sentiment d'avoir vécu en songe une incroyable aventure, de s'être laissé entraîner hors du réel.
C'étaient pourtant des gens de bon sens. Un Messie qui meurt, rejeté par les officiels du Judaïsme, crucifié aux portes de la ville comme un vulgaire séditieux de bas étage, comment pourrait-il être le Messie d'Israël ? A l'instar du reniement de Pierre, l'incrédulité de Thomas n'est pas qu'une faiblesse, c'est l'effet bien compréhensible d'un doute profondément humain. Ni Pierre le Jeudi Saint, ni Thomas absent le dimanche de Pâques ne pouvaient admettre de compromettre leur vie pour une illusion, certes, les disciples n'oubliaient pas l'attrait qu'ils avaient éprouvé auprès de ce Maître incomparable, de ce merveilleux ami, de ce Rabbi prestigieux, de cet extraordinaire thaumaturge, et son souvenir était encore tout brûlant dans leur cour. Mais une chose était désormais bien certaine : Jésus n'était pas, ne pouvait pas être le Messie d'Israël puisqu'il était mort. Ce qu'ils avaient éprouvé auprès de Jésus durant trois ans, c'était la Présence, confuse mais tellement saisissante, du Tout-Autre lui-même. Et voilà qu'en quelques heures, il ne leur restait plus que l'absence la plus définitive, pensaient-ils, et la plus atroce après cette exécution sommaire et ignominieuse. Leur cour avait été trop profondément saisi par la présence de Jésus, pour ne pas être maintenant submergé par la douleur de son absence désormais aussi totale qu'imprévue. L'incrédulité de Thomas ne le distingue en rien des autres disciples. Simplement, le fait anecdotique de n'avoir pas été avec les autres le jour de Pâques, prolongea chez lui de quelques jours l'état d'amère désillusion, de déchirement profond et d'abattement désabusé que les dix autres apôtres (et les saintes femmes, Nicodème et Joseph d'Arimathie) vécurent très certainement jusqu'au matin de Pâques. Et alors, la première réaction des disciples fut d'accueillir le témoignage des myrophores comme «des radotages» et de «ne les croire point» (Lc 24,1 1 et Mc 16,1 1).
Allons plus loin: même après avoir mis les doigts dans les plaies du Ressuscité, même après l'avoir reconnu comme «(son) Seigneur et (son) Dieu» (Jn 20,28), Thomas, ni plus ni moins que les autres apôtres ne comprend la logique qui va de cette mort absurde, puisqu'elle nie la messianité de Jésus, à cette résurrection qui la démontre : peut-être bien qu'il était le Messie puisque le voilà ressuscité, mais alors pourquoi est-il mort ?
La raison de la passion et de la mort de Jésus ne fut pas seulement de détruire l'illusion messianique trop humaine et sans cesse renaissante, mais de révéler aux hommes qu'il ne pouvait leur montrer pleinement et authentiquement sa divinité que par sa résurrection. La foi chrétienne étant la foi que Jésus est le Fils Unique-Engendré de Dieu, seul Dieu lui-même peut en témoigner. Or, il nous l'a dit par la bouche de son Fils Jésus qui l'a prétendu. Et il n'avait pas de moyen plus sûr et plus humain de l'attester qu'en le faisant mourir pour le ressusciter. Jésus de Nazareth est mort avant tout afin que l'on soit bien convaincu qu'il est le Fils Unique de Dieu, grâce à l'événement de sa résurrection.
Mais, pour comprendre cela, tous les disciples sans exception (et pas seulement l'incrédule Thomas) avaient besoin que vînt le Saint-Esprit. Avant la Pentecôte, ils ne pouvaient comprendre, n'ayant par encore la Source de la compréhension. Cette Source, ce sera le Saint-Esprit. La fête de Pâques ne se comprend pleinement et ne s'achève qu'avec la fête de la Pentecôte.

Père André Borrély

Dimanche 26 avril 2015: 3ème dimanche après Pâques

Dimanche des Myrophores et du Juste Joseph d'Arimathie

Ton 2 ; Matines : 3è Evangile

Epître : Ac 6, 1-7 ; Evangile :Mc 15, 43 - 16, 8

Les porteuses de myrrhe allaient à ton sépulcre, Sauveur. Elles s 'interrogeaient en elles-mêmes et se disaient entre elles : Qui nous roulera la pierre du tombeau ? Mais elles virent que la pierre avait été roulée.
Eblouies par la forme et le vêtement de l'Ange, elles eurent peur et voulaient fuir. Mais il leur dit: Ne craignez pas : Celui que vous cherchez est ressuscité. Venez, voyez où était le corps de Jésus. Et allez annoncer aux disciples : Le Sauveur est ressuscité du sépulcre.
Les femmes en leur sagesse divine * Te suivaient avec la myrrhe * Mais Toi que dans leurs larmes elles cherchaient comme un mortel * dans la joie elles T'adorèrent en Dieu vivant * et annoncèrent à tes disciples, Christ * la bonne nouvelle de la Pâque mystique.

Textes liturgiques orthodoxes

Texte à méditer
L'entreprise des femmes ne parait pas - humainement parlant pouvoir réussir. Et cependant elles se sont mises en route. Sans savoir comment, elles entreront dans le sépulcre, elles marchent vers lui. De même, sans savoir comment sera ôté l'obstacle qui peut-être nous empêche d'avoir accès au Sauveur, ayons confiance. Faisons un premier mouvement. Levons-nous. Mettons-nous en route. Marchons vers Jésus que la lourde pierre sépare de nous. Que la foi et l'espérance nous guident.
Les femmes ne vont pas au sépulcre les mains vides. «Elles achetèrent des aromates pour aller oindre son corps». Apportons, nous aussi, quelque chose au sépulcre. Même si nous sommes souillés par les plus grands péchés, apportons au sépulcre un commencement de bonne volonté, notre peu d'amour, un acte charitable envers d'autres, notre faible prière. Sans doute ce ne sont pas nos pauvres dons qui obtiendront que la pierre soit ôtée, car notre accès à Jésus ressuscité et à la puissance de sa Résurrection demeure le présent magnifique et entièrement gratuit de la miséricorde divine. Mais le fait que nous ne nous acheminons pas vers le sépulcre avec des mains tout à fait vides montrera que notre cour non plus n'est pas vide. Où sont les «aromates» avec lesquelles nous voulons «oindre» Jésus ?
Et voici que le miracle s'est produit. «Elles virent que la pierre avait été roulée». Les femmes n'auraient pas pu enlever cet obstacle. Mais Dieu lui-même y a pourvu. L'Evangile que nous lisons ce dimanche ne précise pas comment la pierre de l'entrée du sépulcre fut roulée. Un autre Evangile est plus explicite : «Et voilà qu'il se fit un grand tremblement de terre : l'Ange du Seigneur descendit du ciel et vint rouler la pierre... » Ce verset est riche de sens. Quand l'ange du Seigneur vient ôter la pierre du sépulcre, il ne la roule pas doucement. Ce n'est pas une opération qui puisse s'accomplir sans effort, sans une commotion violente et profonde. Il y faut un tremblement de terre. De même, l'enlèvement de l'obstacle qui nous sépare de Jésus ne doit pas être conçu par nous comme un ajustement partiel. Il ne s'agit pas d ôter ou de déplacer quelques pierrailles, de modifier quelques détails en laissant l'ensemble aussi inchangé que possible. Là encore, un tremblement de terre doit intervenir. C'est-à-dire que le changement doit être total, atteignant tous les aspects de notre être. La conversion est un «tremblement de terre» spirituel.

Un moine de l'Eglise d'Orient
L'An de grâce du Seigneur

Kondakion, t. 2

Ordonnant aux Myrophores de se réjouir, * tu as fait cesser les pleurs d'Eve la première aïeule par ta Résurrection, * O Christ notre Dieu aux Apôtres tu donnas l'ordre de proclamer: * Le Sauveur est sorti du tombeau!

Ikos

Venues près de ton sépulcre, Sauveur. * les Myrophores hésitaient, l'une à l'autre se disant : * Qui donc nous roulera la pierre du tombeau ? * Mais regardant, elles virent que la pierre était roulée, * effrayées par l'aspect de l'Ange resplendissant, * elles furent saisies de peur et pensèrent s'enfuir, * mais le jeune homme leur cria : Ne craignez point ! * Il est ressuscité, celui que vous cherchez ! * venez, voyez le lieu où reposait le corps de Jésus, * courez chez les Disciples, annoncez-leur * Le Sauveur est sorti du tombeau !

HOMELIE
LES SAINTES FEMMES MYROPHORES

(Marc 15,43-16,8)

Nous autres, orthodoxes, nous devrions «baptiser» la fête des mères en la célébrant chaque année le deuxième dimanche après Pâques. En effet, ce jour-là, la sainte Eglise fait mémoire des saintes femmes «myrophores», c'est-à-dire porteuses d'aromates. Jésus était mort un vendredi dans l'après-midi. Le repos sabbatique allait commencer à la tombée de la nuit, quand apparaîtrait la première étoile. Pour ne point enfreindre ce repos, les disciples et les saintes femmes durent s'empresser d'obtenir l'autorisation de descendre de la croix le corps de Jésus et de le déposer provisoirement, à la hâte, dans un sépulcre appartenant à un certain Joseph d'Arimathie, un homme riche qui avait ses entrées chez Pilate. Le repos sabbatique s'achevait le samedi au coucher du soleil. Dès ce moment, Marie de Magdala et la mère de Jacques ainsi que Salomé entrent en scène en allant dans les boutiques «acheter des parfums pour venir pratiquer sur (Jésus) les onctions, d'huile parfumée» (Mc 16,1). Dans la précipitation du vendredi soir on avait dû parer au plus pressé. Maintenant les femmes veulent compléter les rites de la sépulture (Cf. Jn 1 9,40 ). Déjà, en Marc 14,8 on avait vu à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux, une femme verser sur la tête de Jésus «un parfum de nard authentique, d'un grand prix». Et Jésus avait remarqué : « Elle a oint mon corps d'avance pour la sépulture». Ne pouvant empêcher la mort du Sauveur, en des circonstances tragiques et qui interdisaient un deuil régulier, la femme a du moins fait ce qui était en son pouvoir. Elle a oint d'avance Jésus, elle l'a parfumé en vue de sa sépulture.
Dans la tragédie grecque antique, nous voyons l'Antigone de Sophocle désobéir, au péril de sa vie, à l'édit de Créon et donner une sépulture a son frère Polynice. Toute femme est mère : mère de son frère, mère de son époux et pas seulement mère de ses enfants. Mère, c'est-à-dire tendresse, douceur, compassion. Un monde sans femmes ne tarde pas à hypertrophier hideusement et monstrueusement la virilité, la dureté, la force et, très vite, la violence. L'univers SS des belles brutes blondes a pu comporter des «Aufseherinnen» (surveillantes portant l'uniforme SS), mais c'étaient des femmes déféminisées, des femmes virilisées, des «bourreaux femelles» qui tenaient en laisse des bergers allemands et les lâchaient sur les prisonnières de Ravensbrück.
Quoiqu'on en dise, le sexe féminin n'est pas le «sexe faible» : dans les usines, à Ravensbrück, à la campagne, la femme a pu témoigner (et elle continue à témoigner) qu'elle savait être vaillante et solide, parfois plus encore que l'homme. Mais cette solidité et cette vaillance peuvent et doivent s'allier à ce qu'on pourrait appeler une «maternité spirituelle» : encourager du regard, redonner l'espérance, pacifier par la douceur, réchauffer par la tendresse, réconforter par le sourire et la bonté. Dans le grand froid et la lourde tristesse traversée de frénésie qui s'appesantissent sur notre civilisation de technique et de drogue, les femmes chrétiennes ont un rôle essentiel à jouer : en rayonnant leur féminité ; en refusant confondre leur égalité en dignité par rapport aux hommes avec le fait de s'identifier à eux et de les singer, ce qui serait encore une façon (la pire) d'être leurs esclaves ! Il n'est pas sûr que ce soit en devenant prêtres (puis, un jour, évêques !), comme les mâles, que les femmes seront leurs égales en dignité chrétienne. Dans le Corps du Christ, aucun membre (I'oeil, la main, etc... Cf. 1 Col2,12-30) n'est inférieur ou supérieur : il doit être lui-même, irremplaçable, incomparable, irréductible dans la mesure même où il est ce qu'il doit être : lui-même. Dans l'Eglise, le charisme féminin est hors de prix : seule la femme peut apporter à l'humanité, pécheresse et déchue mais conviée aux épousailles divines, une maternité spirituelle, une douceur, une tendresse, une bonté, une compassion sans lesquelles cette humanité se déshumanise en prisant la brutalité et la dureté, la cruauté froide et systématique. L'homme (nous voulons dire : non point l'être humain, homo, mais le mâle, vir) ne saurait éviter de régresser vers l'infra-nature s'il laisse s'atrophier en lui la modalité féminine de son être. Sans une certaine féminité, l'homme est fermé au mystère. Sans la femme, la volonté virile, d'expansive et conquérante qu'elle est spontanément, devient dureté et violence, domination et possession.
Les femmes myrophores que nous voyons venir maternellement entourer de leur délicatesse et de leur amour le corps du Seigneur dont elles ignorent encore qu'il est ressuscité, sont les «mères spirituelles» de toutes les femmes chrétiennes qui, dans l'Eglise, patiemment pétrissent de douceur le cour de pierre des hommes pour en faire des cœurs de chair.

Père André Borrély

Dimanche 3 mai 2015 : 4è dimanche après Pâques

Dimanche du Paralytique

Ton 3 ; Matines : 4è Evangile

Epître : Ac 9, 32-42 ; Evangile : Jn 5, 1-15

Sauveur, mon Dieu et mon Seigneur * voulant ressusciter les mortels déchus * Tu es venu sur la terre comme un homme * pour guérir les maladies de tous en ta grande miséricorde * Tu es allé à la porte des brebis * Tu as par ta parole guéri le paralytique * couché depuis trente-huit ans.
Te voyant, le paralytique mort avant la tombe t'appela * Seigneur, aie pitié de moi * Car ma couche est devenue mon tombeau. Que me rapporte la vie ? La piscine des brebis m'est inutile * Car il n'y a personne pour me prendre quand les eaux se soulèvent * Mais je viens à Toi, la source des guérisons pour dire avec tous : Seigneur tout Puissant, gloire à Toi. Comme Tu as relevé le paralytique, Seigneur * relève à ton ordre mon âme cruellement paralysée par tant de fautes * Que, sauvé, je puisse Te dire Christ compatissant, gloire à ta puissance.

Textes liturgiques orthodoxes

Texte à méditer

L'Evangile de ce jour nous montre le Seigneur en train de guérir miraculeusement un paralytique de la ville de Jérusalem. Les guérisons miraculeuses des malades sont une preuve inéluctable que le Seigneur est véritablement Dieu-Homme, notre divin Sauveur. «Le paralytique, semble-t-il, n'avait ni parents ni autres membres de famille. Et il ne se trouva ni homme compatissant, ni ami pour s'occuper de son sort de malade. Comment est-ce possible ? Et pourtant il en fut malheureusement ainsi : pas un seul ami. L'ami ! Voici une réalité qui est honorée du plus profond des siècles... Tel est l'ami : celui qui édifie, console, corrige, soutient, donne de la joie»

Métropolite de Nikala GEORGES in Lumière à mes pieds, Athènes 1965, pp. 21-25).

Kondakion, t. 1

A mon âme tristement paralysée * par mes péchés et mes transgressions * veuille, Christ, comme au Paralytique de jadis * en ta divine providence accorder la guérison * afin que, délivré, je puisse te chanter : * Dieu de tendresse, gloire à ta puissance infinie.

 

Ikos

Toi qui tiens en ta main tout l'univers. * Seigneur Jésus co-étemel à ton Père divin * et partageant avec l'Esprit le pouvoir souverain, * tu apparus dans la chair guérissant les maladies et chassant les passions, * aux aveugles tu as rendu la clarté, * tu as fait surgir le Paralytique par ton verbe divin, * lui ordonnant aussi de marcher et de prendre sur ses épaules son grabat, * avec lui nous te célébrons et chantons : * Dieu de tendresse, gloire à ta puissance infinie.

HOMELIE
LE PARALYTIQUE DE BETHESDA

(Jean 5,1-15)

La lecture liturgique et ecclésiale, le troisième dimanche après Pâques, du passage du quatrième évangile nous relatant la guérison par Jésus du paralytique de Béthesda, se justifie doublement.
D'abord, tout comme le Grand carême a pour origine la préparation des catéchumènes au baptême dans la nuit de Pâques, le temps pascal est le temps liturgique au cours duquel la sainte Eglise parachève la catéchèse de ses enfants nouveaux-nés, les «illuminés» de la nuit de Pâques, les nouveaux baptisés.
Or, cette guérison du paralytique a une résonance incontestablement baptismale: la croyance selon laquelle celui qui descendait le premier dans la piscine des brebis, à Béthesda, y était guéri, l'Eglise l'a utilisée liturgiquement pour nous parler du baptême pascal où le néophyte est descendu dans la piscine baptismale pour en remonter (pour en ressusciter!) né de nouveau, re-né.
La paralysie de l'infirme de Béthesda est un cas désespéré : il est dans cet état depuis trente-huit ans. Il est le symbole de l'humanité tout entière qui, laissée à ses propres forces, ne peut que vivoter d'une vie morte mais non point vivre, ce qui s'appelle vivre. Et le Christ guérit cet infirme, c'est la Vie elle-même, c'est le Dieu Vivant devenu l'un des hommes et qui vient se pencher sur cette humanité pécheresse et déchue pour la faire renaître, pour l'arracher à la mort, ainsi que nous le montrent les icônes de Pâques : piétinant les portes de l'Hadès (disposées en forme de croix), le Ressuscité prend par la main Adam et Eve, l'Homme et la Femme, l'Humanité. Et, en hébreu, hawa, « Eve », signifie : la Vivante. Il les arrache aux ténèbres de l'Hadès et les amène à la lumière fulgurante de sa résurrection.
En second lieu, la lecture liturgique de ce texte johannique en temps pascal se justifie pleinement par le fait que toute paralysie, partielle ou totale, de notre corps, nous «parle» de notre mort qui se profile à l'horizon de toutes nos joies, de tous nos succès, de toutes nos espérances. La position normale d'un cadavre est la position allongée et l'un des signes cliniques de la mort est la rigidité. Inversement la preuve qu'un homme est bien vivant, c'est qu'il peut se tenir debout et se déplacer. Le vingtième canon du premier concile œcuménique (Nicée, 325), que nous serions bien inspirés d'un peu mieux respecter, dit qu'il ne faut pas « plier le genou le dimanche et aux jours du temps de la Pentecôte» : un chrétien qui croit à la résurrection avec tout son corps et non point seulement avec ses hémisphères cérébraux, c'est un homme debout. Et quand Jésus ressuscite, il se relève de la mort. L'Un de la Trinité est devenu l'un des hommes pour nous rejoindre en tout, hormis le péché, dans notre condition désembrayée de Dieu. Il a donc voulu connaître même cette paralysie intégrale qu'est toute mort. Et Pâques, c'est la victoire de la filiation divine de Jésus de Nazareth sur cette paralysie effroyable dont la perspective nous désespère, nous révolte et nous affole.
Il est ressuscité pour faire de chacun de nous un vivant, pour nous guérir de toute paralysie spirituelle. Car enfin, en quoi consistent, le plus souvent, nos pauvres existences ? Nous sommes paralysés par les œuvres à faire, par le temps «perdu» (Proust) qui fuit et par la crainte angoissée du futur, par la mort qui vient, par la maladie qui nous manifeste impitoyablement que notre vie galope ventre à terre vers son terme dernier. Nous sommes paralysés par le regret du passé, de notre enfance qui n'est plus, de notre jeunesse que jamais plus nous ne retrouverons. Le Christ ressuscité, lui, vient essentiellement libérer notre liberté. Il vient nous donner la joie de laisser s'écouler le temps sans s'agripper pour le retenir, de n'avoir d'autre sécurité que le dessein inconnu de son Père sur chacun d'entre nous. Ne plus être des paralytiques, c'est consentir, onéreusement, certes, mais salutairement, à tout perdre afin de tout posséder, c'est accepter, dans la foi vive et l'amour, d'être délivré de soi pour se livrer tout entier à l'Amour. C'est ouvrir le fond de notre être personnel à notre Père céleste dans la démission de soi-même. C'est le fait de bondir dans la jubilation de n'être rien parce que le Ressuscité est tout ; dans l'allégresse d'être dépouillé de tout parce que, dans le Ressuscité, tout est retrouvé ; dans l'exultation d'être inutile parce que le Ressuscité seul est nécessaire. Le contraire du paralytique c'est l'homme libre, l'homme libéré par le ressuscité. Et il n'est de fondement inattaquable à notre liberté (à l'égard du temps, de la corruption et de la mort) que dans la résurrection du Vivant, dans l'événement de Pâques.

Père André Borrély

Mercredi 6 mai 2015 : Fête de la Mi - Pentecôte

Epître : Ac 13, 13-24 ; Evangile : Jn 6, 5-14

Il existe dans la liturgie byzantine une fête intitulée la Mi-Pentecôte ou Méso-Pentecôte qui se célèbre le Mercredi de la quatrième semaine après Pâques, soit à égale distance dans le temps entre Pâques et Pentecôte. Cette fête existait aussi en Occident aux quatrième - cinquième siècles. Nous en avons pour preuve des sermons de saint Pierre Chrysologue qui fut archevêque de Ravenne au milieu du cinquième siècle.

Vous vous rappelez peut-être ce que nous avions dit à propos du Dimanche de la Croix situé à la Mi-carême. Il s'agissait d'une étape au milieu de la route qui nous menait à Pâques, cette étape nous faisait déjà participer à ce que nous trouverions au terme du chemin, c'est-à-dire la Passion et la Résurrection.

La célébration de la Mi-Pentecôte relève d'une idée semblable. Cette fois, nous sommes en route vers la Pentecôte, c'est-à-dire vers l'effusion de l'Esprit Saint. Nous avons tellement hâte d'y parvenir que l'Eglise nous ménage une étape où nous aurons un avant-goût de ce vers quoi nous cheminons. C'est ce que nous dit un chant des Vêpres de la fête : «Voici qu'approche la surabondante effusion de l'Esprit divin sur toute créature, selon qu'il est écrit. Etant à mi-terme, l'échéance de la promesse faite sans mensonge par le Christ après sa mort, son ensevelissement et sa Résurrection, annonce en la montrant la manifestation du Paraclet».

Le chant principal de la fête, l'apolytikion, nous le dit aussi à sa façon : «Au milieu de la fête, abreuve aux flots de la piété mon âme assoiffée. Car tu as crié à tous, ô Sauveur : Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive. 0 Christ Dieu, source de vie, gloire à toi».

C'est l'eau vive promise par le Christ dont nous anticipons la réception. Le choix de l'Evangile de la Divine Liturgie nous l'indique à sa manière. C'est le passage de saint Jean, au chapitre 7, qui commence par : « Au milieu de la fête, jésus monta au Temple et se mit à enseigner... » Ce passage ne parle pas de l'eau vive, mais si nous allons jusqu'au verset 37, nous trouvons alors ce qui sera lu au jour de la Pentecôte, à savoir : «Le dernier jour de la fête, le grand jour, Jésus lança à pleine voix : Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive... Selon le mot de l'Ecriture : de son sein couleront des fleuves d'eau vive. Il parlait de l'Esprit que devaient recevoir ceux qui croient en lui».

Pour le moment, nous sommes au milieu de la fête. Mais nous savons que le dernier jour de la fête verra la réalisation de la promesse, l'envoi de l'Esprit Saint.

L'Eglise a un sens profond du temps et aussi de l'espace qui prennent leur consistance propre du fait que Dieu, dans le Christ, est intervenu directement dans notre temps et notre espace. Voici un texte des Matines de la Mi-Pentecôte qui le suggère : «Toi qui tiens en main le cœur et la fin de toutes choses ainsi que leur commencement, ô toi sans commencement, tu te dressas au milieu de tous et tu crias : «Venez jouir des dons divins, vous dont la sagesse vous est donnée par Dieu».

C'est parce que le Christ a vécu au milieu de nous que nous pouvons accepter d'être encore en chemin, d'être encore au milieu de la route, au milieu de la vie, à mi-chemin entre notre baptême et son accomplissement ultime à la fin des temps, quand Dieu sera tout en tous. Il y a une impatience normale qui pourrait nous suggérer que le temps que nous vivons ne sert à rien et qu'il nous faudrait dès maintenant rejoindre la plénitude de la vie éternelle qui nous est promise. Ce serait oublier que dès maintenant nous pouvons participer à la vie éternelle grâce à l'Eucharistie qui nous fait partager la vie même du Christ.

Le Christ qui est l'alpha et l'oméga, le commencement et la fin de tout, est aussi « au milieu » de nous et de tout, et nous donne en Lui de participer à la plénitude.

Dimanche 10 mai 2015 : 5ème dimanche après Pâques

Dimanche de la Samaritaine

Ton 4 ; Matines : 7è Evangile

Epître : Ac 11, 19-26, 29-30 ; Evangile : Jn 4, 5-42

des sts Constantin et Hélène : Epitre : Ac 26, 1-5, 12-20 Evangile : Jn 10, 1-9

Près du puits de Jacob, trouvant la Samaritaine Jésus lui demande de l'eau, Lui qui couvre la terre de nuées *  le miracle, Lui qui est porté sur les Chérubins parlait avec une femme prostituée * Il demande de l'eau, Lui qui a suspendu la terre sur les eaux, * Il désire de l'eau, Lui qui répand dans les mers les sources des eaux * Il veut reprendre celle que poursuit l'ennemi qui nous combat * et donner à celle que brûlent cruellement ses fautes l'eau de la vie * Lui le seul Miséricordieux qui aime l'homme.
Comme un fleuve de la gloire divine au milieu de la fête le Seigneur donne, à tous, les ondes de la miséricorde Il dit : Venez, vous qui avez soif et puisez * Car Il est la source de la compassion et l'océan de l'amour * Il répand sur le monde le pardon * Il lave les fautes, Il purifie les maladies * Il sauve ceux qui célèbrent sa résurrection * Il couvre ceux qui vénèrent de leur désir son ascension dans la gloire * et Il donne à nos âmes la paix et le grand amour.

Textes liturgiques orthodoxes


Texte à méditer

Le mercredi qui précède ce dimanche notre Eglise a célébré la Mi-Pentecôte. Cette fête des Juifs nous rappelle comment ils puisaient de l'eau de la piscine de Siloé qu'ils versaient sur l'autel où l'on offrait des sacrifices à Dieu. Le Seigneur saisit cette occasion pour nous rappeler qu'Il est « l'Eau vive». L'Evangile de ce dimanche nous enseigne des vérités essentielles pour notre existence. «Le dialogue du Seigneur avec la Samaritaine demeure l'un des passages les plus essentiels de l'Evangile. Le Seigneur saisit ici l'occasion pour révéler les vérités les plus grandes. Le fait qu'Il est le Messie, le sens du vrai culte et la force rafraîchissante de sa grâce».

JEAN FOUNTOULIS in Culte raisonnable, Salonique 197 1, p. 105).

Kondakion, t. 8

Venue près du puits, la Samaritaine te contempla, Source de sagesse, avec les veux de la foi * en abondance elle y puisa le royaume d'en-haut; * et sa mémoire est glorifiée pour l'éternité.

 

Ikos

Ecoutons dignement l'Evangile où saint Jean * nous enseigne clairement les mystères sacrés * survenus jadis au pays de Samarie : parlant à une femme, le Seigneur lui demande de l'eau, lui qui Jadis ordonna que les eaux se rassemblent en un seul lieu, * le Verbe de Dieu qui partage même trne avec le Père et l'Esprit, * car il est venu chercher son image perdue, * et sa mémoire est glorifiée pour l'éternité.

HOMELIE
L'ENTRETIEN DE JESUS AVEC LA SAMARITAINE

(Jean 4, 5-42)

Tout comme dans le récit de la guérison du paralytique de Béthesda l'eau vive est, ici dans l'entretien de Jésus avec une femme de Samarie, pour nous «parler» du baptême administré par l'Eglise aux catéchumènes dans la nuit pascale. Cette eau vive, c'est la Vie divine elle-même. Quiconque aura puisé l'eau vive promise par Jésus à cette femme découvrira une source en lui-même. Il s'agit d'une vie simultanément divine et éternelle.
Il nous faut bien saisir qu'ici, Jésus, à travers cette Samaritaine, s'adresse à chacun d'entre nous pour lui parler de ce qu'il y a en nous de plus intime en même temps que de plus tragique. En effet, notre drame est d'être incapables d'assumer correctement la rencontre du désir et de la finitude. Nous sommes assez fous pour vouloir infiniment le fini avec la bien vaine illusion d'oublier ainsi la mort inéluctable. Le désir infini de Lui que notre Père céleste a enfoui dans nos pauvres cœurs de pierre, nous le dévoyons vers la jouissance de la violence et de la malice, vers la possession satanique du monde et des autres avec une passion idolâtrique et destructrice. Nous nous entêtons à vouloir conférer une consistance au néant. Nous dilapidons et défigurons l'amour comme des païens du Bas Empire, souvent bien davantage que la Samaritaine aux cinq maris.
A cette femme Jésus promet une eau susceptible d'étancher toute soif. Il lui promet de mettre un terme à la monotonie de l'incessante reproduction du désir, reproduction elle-même consécutive à la négativité qu'implique le désir humain. Ce dernier, en effet, est manque d'un objet dont la consommation enfin réalisée réamorce le désir et le remet en scène. La satisfaction du désir n'est ainsi qu'apparente. En réalité, elle engendre un désir plus vif et plus grand. La jouissance ne nous stabilise pas. L'assouvissement fait renaître la représentation du désir comblé et la conscience malheureuse du manque. Insatiable, le désir est indéfiniment hanté par la réalité dont il est désir et qui jamais ne le comble. Le désir ne trouve pas de limite dans l'objet poursuivi. Il ne peut fixer un terme à son amour. Dans la douloureuse tension vers la possession de cette fin sans limites, l'homme nourrit en soi un désir toujours plus insatisfait et un amour toujours plus inassouvi. Jésus dénonce à la Samaritaine le caractère foncièrement illusoire, parce que nécessairement répétitif du désir humain dès lors que l'homme l'investit dans du fini alors que le cour de l'homme est pré-construit pour le Saint-Esprit.
Car c'est du Saint-Esprit que Jésus entend, en fin de compte, entretenir la Samaritaine. Jésus lui parle d'un culte rendu à Dieu «en Esprit et en Vérité». Il ne s'agit pas d'un culte « spirituel » et «sincère» : Jésus ne s'abaisse pas à faire de la psychologie religieuse ! Il s'agit du culte rendu en nous par le Saint-Esprit au Père céleste, du culte de l'Esprit Saint intercédant lui-même en nous. Saint Jean est ici très proche de saint Paul qui, dans son épître aux Galates parle de l'Esprit que «Dieu a envoyé en nos cœurs» et « lui crie : Abba ! Père » (Ga 4,6).
C'est que, depuis mercredi dernier, le «vent» liturgique a «tourné» : l'Eglise commence à nous préparer à la fête «terminale» de la Pentecôte (matines de Pentecôte, premier cathisme, ton 4 ) qui donne tout son sens à celle de Pâques. La vie libérée de la peur de la mort et de la tyrannie du désir, c'est la vie dans le Saint-Esprit. Mais celui-ci n'est «vivifiant», comme dit le Credo, que si l'homme consent à mourir pour vivre. Le Saint-Esprit ne peut dispenser la Vie divine et agir au plus intime des cœurs que par la fécondation de la souffrance. Il a besoin de l'humaine souffrance pour tendre de toute sa virtualité divine à transformer toute la pâte, à agir sur la masse humaine comme le ferment réalisateur progressif du Royaume. La souffrance tombe essentiellement sous l'emprise de l'Esprit Saint comme le corrosif qui doit lui ouvrir l'entrée dans le creux fermé du cour humain. Une intime corrélation s'exerce entre la souffrance et l'Esprit. La souffrance est le glaive par lequel l'Esprit Saint tue la chair, c'est-à-dire non point le corps (encore moins la sexualité!) mais «l'humain trop humain» qui doit mourir à la pseudo-humanité afin d'être divinisé et d'accéder ainsi à l'humanité véritable, à l'humanité ressuscitée.
L'eau vive promise à la Samaritaine et qui jaillit en vie éternelle, c'est l'Esprit Saint, c'est le Principe de vie filiale et divine en Jésus-Christ Fils Unique-Engendré de Dieu, c'est la Semence du Ressuscité ici-bas. Il y prolonge le mystère de la mort glorificatrice inaugurée par Jésus en sa chair jusqu'à l'absorption totale de celle-ci en l'Esprit, par la Résurrection d'entre les morts et l'Ascension à la droite du Père. Pâques et Pentecôte, la résurrection du Fils et la venue de l'Esprit sont inséparables parce que, de toute éternité, le Fils et l'Esprit sont les deux Mains jointes du Père.

Père André Borrély

Dimanche 18 mai 2015 : 6è dimanche après Pâques

Dimanche de l'Aveugle-né

Ton 5 ; Matines : 8è Evangile

Epître : Ac 16, 16-34 ; Evangile : Jn 9, 1-38

Seigneur, allant sur la route * Tu as trouvé un homme aveugle de naissance * Et les disciples étonnés T'interrogeaient * Maître, qui a péché, "Iui ou ses parents, pour qu'il soit né aveugle ? Mon Sauveur, Tu leur as dit : Ni lui ni ses parents n'ont péché * Mais les œuvres de Dieu seront révélées en lui * Il me faut faire les œuvres de Celui qui M'a envoyé, que personne ne peut faire * Alors Tu as craché par terre. Tu as fait de la boue * Tu as ouvert ses yeux et Tu lui as dit * Va te laver dans la fontaine de Siloé * Il se lava, fut guéri et Te dit * Je crois, Seigneur et je T'adore * Disons, nous aussi : Aie pitié de nous.
Rendant la vue à celui qui ne voyait pas la lumière sensible * et illuminant les yeux de son âme * Tu lui as donné de glorifier * et de reconnaître en Toi le Créateur * qui T'es fait homme en ta miséricorde.
Privé des yeux de l'âme * je viens à Toi, Christ, comme l'aveugle de naissance * Te dire dans le repentir * Tu es la lumière qui brille dans les ténèbres.

Textes liturgiques orthodoxes

Texte à méditer

Avec le miracle de ce dimanche, le Seigneur nous révèle qu'Il est le Dieu véritable, qui illumine l'homme dans son malheur. Il nous aide à mieux comprendre qu'Il est la Lumière du monde (Jn.8/12). Cette lumière nous rappelle l'Esprit Saint que nous allons recevoir bientôt à la Pentecôte.
«L'aveugle a clairement manifesté son amour profond pour la vérité ainsi que sa foi inébranlable en Jésus-Christ. Et nous, avons-nous cette audace de défendre la vérité ? Voilà pourquoi le Christ, en s'adressant à chacun de nous en particulier, nous demande : « Crois-tu au Fils de Dieu ? »

(JEAN KALTEKI, in Messages radiophoniques matinaux, Athènes 197 1, p. 109).

Kondakion, t. 4

Comme en l'Aveugle de naissance * les yeux de mon âme sont clos * et, Seigneur. dans la repentante * je viens à toi et je m'écrie : * pour ceux des ténèbres tu es la suprême clarté.

Ikos

0 Christ, accorde-moi le flot de l'ineffable sagesse * et de la connaissance d'en haut, * Lumière des cœurs enténébrés * et conducteur des errants, * afin que j'annonce le miracle de l'Aveugle-né, * comme l'enseigne le divin livre, l'Evangile de paix: * un aveugle de naissance recouvre l'organe de la vue, * mais aussi les yeux de l'âme, et s'écrie dans la foi. Pour ceux des ténèbres tu es la suprême clarté.

HOMELIE
LA GUERISON DE L'AVEUGLE-NÉ

(Jean 9,1-38)

Dans la vision du monde et de l'homme qui est celle de la Bible aussi bien que dans la grande Tradition de l'Eglise, le monde est une unité complexe et hiérarchisée où toutes choses se tiennent, quoique épanchées sur des plans distincts. Le monde des réalités visibles et extérieures signifie et pré-contient celui des réalités intérieures et invisibles : pour atteindre celles-ci, il faut passer par celles-là. Le vent «parle» à l'homme de l'Esprit, l'eau lui «parle» de la Vie. Et nous avons vu que la paralysie nous «parle» de la mort et de la résurrection. Il en est de même de la vision et de la cécité. La cécité «ophtalmologique», pourrait-on dire, nous «parle» de la cécité du cour, de la cécité spirituelle.
Arthur Rimbaud définissait le poète comme un «Voyant». L'Evangile de Jean et la Tradition orthodoxe vont beaucoup plus loin que Rimbaud. Tout de suite après avoir communié, le chœur de l'église se met à chanter : «C'est la vraie lumière que nous avons vue... » Et, à l'autel, les célébrants récitent le tropaire qu'aux matines dominicales on a déjà récité après avoir lu l'Evangile de la Résurrection : «Ayant contemplé la Résurrection du Christ... » Communier, c'est devenir un Voyant. C'est entrer physiquement en contact spirituel (« pneumatique »: il ne s'agit pas d'états psychologiques, de sentiments) avec le Ressuscité. Il n'est pas de plus grande cécité ici-bas que d'être insensible à l'événement de Pâques, de chanter avec Juliette Gréco: «Je hais les dimanches» ou de dire avec le Roquentin de La Nausée de Sartre : «Dimanche: un homme boit du vin devant des femmes à genoux».
L'Orthodoxie ne pratique pas l'adoration occidentale du « Saint Sacrement»: le Corps et le Sang du Ressuscité ne sont pas à regarder mais à consommer pour en être divinisé. Pour ce qui est de la vision sensorielle, l'orthodoxie a les icônes. Mais, même dans ce cas il s'agit de «voir» au-delà du visible : une icône n'est pas une photographie, elle est éclairée du dedans, elle diffuse une lumière incréée qui n'est pas de ce monde et qui nous «parle» de divinisation, de transfiguration par la lumière sereine et joyeuse du Thabor.
Et quand nous clamons après avoir communié au Ressuscité que nous avons «vu» sa résurrection, nous voulons dire qu'en communiant à son Corps et à son Sang de Ressuscité nous expérimentons un mode d'existence qui est le contraire absolu de celui des adversaires pharisiens de Jésus et des interlocuteurs de l'aveugle-né qu'il vient de guérir. «Contempler» la Résurrection du Christ en communiant à son Corps et à son Sang tout entiers pénétrés du Saint-Esprit, c'est vivre en ressuscités, c'est devenir effectivement ce que nous contemplons. Ou plutôt, c'est devenir Celui que nous contemplons. Ici encore nous rejoignons l'épître aux Galates : «Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi» (Ga 2, 20).
Vivre en ressuscité, en Voyant de la Résurrection (laquelle n'est pas du tout un spectacle mais une Réalité dont le propre est de devoir être vécue), c'est savoir distinguer les ténèbres de la lumière par une humilité profonde du cour et une vigilance de tous les instants. Si le Christ s'attaque si violemment aux pharisiens, dans les Evangiles, c'est parce qu'ils croient marcher dans la lumière alors qu'ils sont dans les ténèbres. Ce qui est ténèbres pour les uns peut être lumière pour les autres et vice versa. Vivre en Voyant de la Résurrection, c'est posséder le critère interne qui permet de distinguer la lumière véritable : «C'est la vraie lumière que nous avons vue... » C'est ce critère qui nous rend capables de recevoir la Lumière véritable du Ressuscité. Vivre en ressuscité c'est avoir l'œil sain, qui fait que notre cour brille tout entier de l'éclat de la lumière sans déclin.
Ce critère, c'est l'humilité du cour. C'est l'attitude de l'homme soumis aux impulsions de l'Esprit de la Pentecôte qui agit secrètement en nous. Il s'agit que notre cour se donne à la Lumière du Ressuscité. Il s'agit que cette lumière puisse briller en nos cœurs dès lors que nous refusons d'accueillir en nous les ténèbres. Nous sommes dans les ténèbres sans le Christ ressuscité : voilà l'humilité. Voir «la Lumière véritable», c'est «sentir», c'est savoir que nous tenons tout du Christ par la puissance de son Saint-Esprit qui demeure en nous.
La liberté humaine a reçu de Dieu le redoutable pouvoir de transformer la lumière en ténèbres. Mais c'est l'office de l'Esprit Saint, donné à l'Eglise à la Pentecôte, d'empêcher, si peu que nous le voulions, les ténèbres d'obscurcir notre cour. La vie de tout chrétien est un parcours du combattant au cours duquel le chrétien est tantôt attiré par la lumière sereine et joyeuse du Christ, tantôt séduit par les ténèbres qui se parent de cette lumière. L'enjeu de ce combat du chrétien jusqu'à son dernier souffle, c'est la soumission du coeur, dans l'humilité, à la lumière du Christ, c'est la liberté de ce même cour dans le Saint-Esprit.

Père André Borrély

Jeudi 21 mai 2015

Ascension de notre Seigneur, Dieu et Sauveur Jésus-Christ

Liturgie : Epître : Ac 1, 1-12 ; Evangile : Lc 24, 36-53

Seigneur, lorsque tes Apôtres te virent enlevé au-dessus des nuées, au milieu de leurs lamentations et de leurs larmes,  Christ vivifiant, ils étaient tout rempli d'abattement et, au milieu des pleurs ils disaient : «Maître, ne nous laisse pas orphelins, nous que Tu as aimés par compassion, nous tes serviteurs. car Tu es ami des hommes. Mais, comme Tu l'as promis, envoie nous ton très Saint-Esprit qui illumine nos âmes».
Ayant accompli l'économie divine nous concernant, et ayant uni les habitants de la terre à ceux du ciel, Tu T'es élevé au ciel dans la gloire, Christ notre Dieu, pour ne plus jamais T'en éloigner mais pour y demeurer sans cesse ; et Tu dis à ceux qui T'aiment : «Je suis avec vous, et personne ne prévaudra contre vous».
0 Christ, après avoir chargé sur tes épaules la nature égarée, Tu t'es élevé et Tu l'as présentée à Dieu le Père.
Les Apôtres sont transportés de joie en ce jour, en voyant leur Créateur élevé sur les nues ; espérant fermement recevoir l'Esprit, ils s'écrient dans la crainte : «Gloire à ton Ascension.»

La prière des Eglises de rite byzantin

Texte à méditer
Après l'Ascension du Seigneur, les Apôtres s'en retournèrent, comme il est dit dans l'Evangile, avec une grande joie (Lc 24, 52). Le Seigneur sait quelle joie Il leur a donnée, et leur âme éprouva intensément cette joie. Leur première joie était de connaître le véritable Seigneur, Jésus Christ. La deuxième joie, de L'aimer. La troisième, de connaître la vie éternelle et céleste. Et la quatrième joie, de désirer le salut pour le monde comme pour eux-mêmes. Et enfin, ils étaient dans la joie parce qu'ils connaissaient le Saint-Esprit et voyaient comment il œuvrait en eux. Les Apôtres parcouraient la terre et parlaient au peuple du Seigneur et du Royaume des Cieux. mais leurs âmes languissaient et aspiraient à voir le Seigneur. Aussi ne craignaient-ils pas la mort, mais allaient avec joie à sa rencontre, et, s'ils désiraient vivre sur terre, c'était uniquement par amour des hommes.

Saint SILOUANE de l'Athos

L'ASCENSION ET LA MERE DE DIEU

La fête de l'Ascension, célébrée traditionnellement dans toute l'Eglise le quarantième jour après Pâques, se réfère à ce que nous disent les Evangiles de Marc et de Luc et les Actes des Apôtres au sujet de la fin de la vie terrestre de Jésus. Après sa Résurrection, pendant quarante jours, le Christ se montra à ses disciples et leur promit d'envoyer sous peu de jours l'Esprit Saint, puis tandis «qu'il les bénissait , il fut enlevé au Ciel. Alors deux hommes vêtus de blanc apparurent aux apôtres et leur dirent : «Hommes de Galilée, pourquoi restez-vous à regarder le ciel ? Ce Jésus qui, d'auprès de vous, vient d'être enlevé au ciel, reviendra de la même manière que vous l'avez vu partir vers le ciel.» Et saint Luc ajoute : «Ils revinrent à Jérusalem en grande joie et ils étaient continuellement dans le Temple à louer Dieu».

Les textes liturgiques byzantins vont reprendre ces faits en les méditant.

Le premier hymne des Vêpres de la fête nous met tout de suite dans l'atmosphère si particulière de l'Ascension : "Le Seigneur est monté aux cieux afin d'envoyer le Paraclet au monde. Les cieux ont préparé son trône ; les anges sont saisis d'admiration en voyant l'Homme au dessus d'eux. Le Père accueille celui qui demeure éternellement en son sein. L'Esprit Saint ordonne à tous ses anges : Elevez vos portes, princes. Toutes les nations applaudissez. Car le Christ est remonté, là où il était depuis toujours".

Nous voyons bien la scène. C'est le moment de préciser que cette montée aux cieux exprimée de façon spatiale, comme si une fusée emportait le Christ au-delà des nuages, n'est qu'une façon de parler. Il s'agit de dire que Jésus a quitté visiblement la terre et a rejoint Dieu le Père pour régner avec Lui.

Il est clair que c'est un langage symbolique et que Dieu n'est pas à situer dans ce qu'on peut appeler le « ciel terrestre », ni même le ciel astronomique. Il est dans une autre dimension.

Le Fils de Dieu retrouve donc une existence invisible après avoir vécu sur terre une trentaine d'années. Cela pourrait sembler normal, si j'ose dire.

Mais ce qui est tout à fait extraordinaire c'est qu'il monte aux cieux avec son corps. C'est si extraordinaire que le texte cité ci-dessus précise que les anges sont dans l'admiration - on peut traduire aussi qu'ils sont dans la stupeur - en voyant un homme au-dessus d'eux. Et tout au long de l'office, nous entendrons évoquer l'étonnement, la stupeur des anges. Non seulement l'Invisible s'est fait voir, l'Incorporel a pris un corps, comme nous l'avons chanté à Noël, mais quand Il quitte la terre, il emporte son corps avec Lui. On ne peut que balbutier en évoquant ce mystère, mais tous les textes liturgiques sont très clairs, comme celui-ci, par exemple : «En toi-même ô Dieu, tu renouvela la nature d'Adam tombée au plus profond de là terre. Et en ce jour tu l'élevas au-dessus de toutes les Principautés et Puissances ( c'est à dire au-dessus de tous les anges car dans ton amour pour elle, tu la fis siéger avec toi...»

Et les Incorporels, c'est-à-dire encore les anges, de s'interroger : «Quel est-il, cet homme magnifique ? C'est qu'il n'est pas seulement homme, il est Dieu et homme à la fois.»

Cela, c'est la merveille qui rend les anges stupéfaits. Le Fils de Dieu, s'il est toujours Dieu, est désormais toujours homme, et par Lui la nature humaine est élevée jusque auprès du Père. Un tropaire dit : «Tu as assumé sur tes épaules, ô Christ, la nature égarée et, t'élevant aux cieux, tu l'as présentée à Dieu, ton Père.»

Le Christ est à jamais Dieu et Homme, et notre nature humaine, jadis déchue, est transfigurée et déifiée en Lui par son contact avec la divinité. C'est pourquoi il est si important de communier au Christ dans l'Eucharistie. C'est dans cette communion que nous participons nous aussi à la divinisation de la nature humaine du Christ.

Maintenant je voudrais évoquer la place de Marie, la Mère de Dieu, lors de l'Ascension de son Fils. Dans l'Evangile il n'en est rien dit. Dans les textes liturgiques il est précisé : «... Tu es allé vers le Mont des Oliviers avec tes disciples ainsi que celle qui t'avait enfanté, toi le créateur et l'artisan de toutes choses. Car elle qui, étant ta mère, avait souffert plus que quiconque lors de ta Passion, il était juste qu'elle soit comblée d'une joie sans pareille, par la glorification de ton corps...».

Ainsi, de même que la Mère de Jésus avait vécu d'une façon intense la Passion de son Fils, de même était-elle associée à sa glorification. Il est vrai que plus qu'aucune mère, elle pouvait dire du corps de son fils qu'il était sa propre chair, puisqu'elle l'avait enfanté virginalement.

L'icône de la fête de l'Ascension transcrit de façon visible cette présence de la Mère de Dieu lors de l'Ascension et elle le fait de façon très marquée qui n'est pas sans signification. L'icône représente le Christ bénissant porté par des anges et situé dans la partie supérieure de l'icône. En dessous se trouvent les apôtres qui entourent Marie. Celle-ci est au centre, toute droite, exactement sous le Christ et deux fois plus grande que Lui qui est représenté assis et déjà s'éloignant. De part et d'autre de la Vierge et un peu en arrière se trouvent deux anges vêtus de blanc qui montrent le Christ et s'adressent aux apôtres, lesquels, divisés en deux groupes de part et d'autre de Marie forment un cercle parfait.

La Vierge a une attitude hiératique à la fois de prière, une main dressée vers le haut, et de compassion pour le monde, l'autre main ouverte vers le bas. Son immobilité verticale contraste avec les silhouettes animées des apôtres dont plusieurs tendent les mains vers le Ciel.

Il est certain que l'ensemble du groupe formé par les apôtres et la Vierge représente l'Eglise ; et que Marie, comme l'indique sa place centrale et unique, encadrée par deux anges lumineux, est - dans le contexte de l'icône représentant aussi la marche de l'Eglise vers le Second Avènement - la figure privilégiée de l'Eglise (1).

Sa représentation entre les anges symbolise aussi l'aspect spirituel de l'union liturgique du ciel et de la terre. C'est en Elle d'abord que, comme le dit Nicolas Cabasilas, « les anges et les hommes sont devenus une même Eglise par la manifestation du Christ qui est à la fois du ciel et de la terre ».

(1) Ce thème de la représentation de la Mère de Dieu dans l'icône de l'Ascension a fait l'objet d'un travail théologique présenté en 1989 à l'Institut Saint-Serge à Paris par le Hiéromoine Gabriel : LA MERE DES VIVANTS, La représentation de la Mère de Dieu dans l'icône de Ascension et sa signification ecclésiale. On en trouvera un résumé dans un article publié par le même auteur, Le Christ Grand-Prêtre et la Nouvelle Ève, dans la revue Paix n° 63, à propos de la relation entre la femme et le sacerdoce ministériel. A la suite de Vladimir Lossky et de Léonid Ouspensky, cet auteur met en relation l'icône de l'Ascension avec celle de la Pentecôte. La glorification ultime de la Mère de Dieu a eu lieu, historiquement, lors de la Pentecôte, comme pour les autres disciples, sans qu'aucune anticipation de cette descente hypostatique de l'Esprit n'ait été possible avant la Résurrection du Christ. L'Esprit Saint vient à ce moment reposer sur elle en plénitude comme Personne divine ; il porte alors à son ultime aboutissement le cheminement dans la Grâce de la Mère de Dieu. Ce cheminement, accompli à la suite de son Fils, a commencé lors de l'Annonciation, laquelle ne pouvait constituer une fin en soi, et s'est accompli parallèlement à l'engagement de son Fils vers l'ultime Pâque de la Nouvelle Alliance, à travers sa prédication, sa Passion, sa Résurrection et son Ascension. C'est, entre autres choses, tout ce cheminement qu'exprime l'icône de l'Ascension de manière synthétique, comme archétype de la marche de l'Eglise vers le Second Avènement, au-delà du simple événement historique. (Note de l'Editeur)

Kondakion, t. 6

Ayant accompli en notre faveur ton œuvre de salut, après avoir uni les cieux et la terre et les hommes avec Dieu. * dans la gloire,  Christ notre Dieu, tu montas vers le ciel * sans pour autant nous délaisser, * mais restant toujours parmi nous * et disant à ceux qui conservent ton amour : Je suis toujours avec vous * et personne à jamais ne peut rien contre vous.

Ikos

Laissant à la terre les terrestres soucis, * à la poussière ce qui est fange et rebut., * venez, sortons du sommeil et portons vers le haut nos yeux et nos cœurs, * élevons aussi nos regards et nos pensées de la terre vers les portes du ciel, * comme si nous étions sur le mont des Oliviers, * les yeux fixés sur le Rédempteur emporté par la nuée, * c'est de là que le Seigneur est parti pour le ciel, * c'est là aussi qu'aux Apôtres il distribua ses dons largement, * leur donnant force et comme un Père les consolant, * les conduisant comme des fils et leur disant : Je ne m'éloigne pas de vous, * je suis toujours avec vous * et personne à jamais ne peut rien contre vous.

HOMELIE
L'ASCENSION DU SEIGNEUR

(Luc 24,36-53)

St Luc nous a donné deux récits de l'événement de l'Ascension (Luc 24,50-53 et Actes 1,9-11) qu'en dehors de lui la finale de Marc seule signale d'un mot (Mc 16,19). Le premier récit de Luc ne dit même pas que Jésus est monté aux cieux, mais seulement qu'il quitta ses disciples en les bénissant. A la fin de son Evangile, Luc a voulu demeurer dans le vague afin d'introduire son récit circonstancié du début des Actes.
Depuis Pâques, Jésus avait surtout parlé aux disciples du Royaume de Dieu. Puis, dans les derniers jours de la Quarantaine, il leur avait laissé entendre qu'un grand événement allait se produire en leur faveur à Jérusalem. Simultanément, il leur prescrit une mission précise de prédication par toute la terre après cet événement mystérieux qui les revêtira d'une Force venue d'en haut (Lc24,49), de ce Souffle Saint de Dieu qui doit les baptiser d'un baptême de feu et non plus d'eau comme avait été celui de Jean que Jésus lui-même avait reçu dans le Jourdain (Actes 1, 8).
Il n'en fallait pas davantage pour porter au paroxysme l'espérance messianique encore très humaine des disciples. Ceux-ci savaient que l'ère messianique se caractériserait par le débordement de cette toute-puissance du Souffle divin qui, par son feu purificateur, opérerait le jugement final (Mt3,11 ; Lc3,17). Dans leur impatience, ils questionnaient Jésus et leur interrogation est tout à fait révélatrice à la fois de leurs espérances, de leurs illusions et du malaise en lequel ils se trouvent : « Est-ce en ce moment-ci que tu établis le Royaume en faveur d'Israël ? ». Ils ont cru comprendre que Jésus leur annonçait comme imminente cette ultime manifestation que, simultanément, d'autres indices ou paroles de Jésus semblaient différer : le pressentiment de son nouveau départ, l'élargissement de cette nouvelle œuvre de prédication. Et la réponse de Jésus ne dut guère les satisfaire. Car elle est évasive et équivoque.
Jésus savait parfaitement que les disciples ne pouvaient être instruits que par le choc existentiel des événements. Il se borne à les préparer à ce choc. Ils recevront le Souffle divin qui les portera, témoins du Ressuscité, en dehors même des frontières d'Israël auquel naguère encore ils restreignaient le Royaume. Quant à la nature exacte de ce dernier, c'est le secret du Père. Et sur ces mots, il les quitte en s'élevant en l'air. Aussi habitués qu'ils dussent être depuis Pâques aux allées et venues d'un corps ressuscité, ils durent être tout de même assez stupéfaits de cet insolite départ. Jusqu'ici, Jésus disparaissait (Cf. Lc24,31 ). Cette fois, c'est sous leurs yeux qu'il s'élève en un mouvement qui indique bien un transfert vers un autre monde. Ils en demeurent le nez en l'air ! Et voici qu'une apparition les avertit que, cette fois, c'est un départ définitif, et qu'ils ne verront plus Jésus avant son retour décisif.
Il nous semblerait qu'à cette annonce leur cour eût dû se contracter douloureusement. Or, Luc nous dit qu'ils rentrèrent à Jérusalem «avec une grande joie» (Lc24,53). C'est parce qu'ils ont cru comprendre que ce départ de Jésus serait de très courte durée et qu'il serait assez vite suivi de l'inauguration des derniers temps avec le don du Souffle de Dieu. Ce serait l'événement décisif qui leur ferait rejoindre leur Maître dans sa gloire de Ressuscité et consacrerait l'événement de son Royaume glorieux.
Ce que les disciples ne pouvaient alors savoir, nous, nous le savons : Jésus est remonté auprès de son Père afin que vienne l'Esprit Saint. Désormais, le mode de présence ici-bas sera le Saint-Esprit. Ce sera ce qu'on pourrait appeler paradoxalement la présence dans l'absence. Ceci doit nous faire comprendre que l'expérience chrétienne n'est pas psychologique (du moins dans son essence), mais pneumatique. L'expérience que nous avons à faire est celle du Saint-Esprit et chacun saint qu'en grec «Esprit» se dit «Pneuma». Ce qui ne va jamais sans la souffrance, la prière et l'ascèse. Cette expérience peut avoir des contrecoups, des retentissements dans notre affectivité. Mais nous ne devons jamais confondre cette dernière, « humaine trop humaine», avec le Saint-Esprit ! Les belles liturgies, les volutes parfumées de l'encens, le beau chant liturgique, les beaux vêtements des célébrants, rien de tout cela ne doit être l'occasion d'un retour sur soi-même générateur d'une complaisance envers des émotions agréables et susceptibles de produire la jouissance de notre conscience religieuse par elle-même. Le Ressuscité a quitté cette terre afin que le Saint Esprit de son Père qui, de toute éternité repose sur Lui, le Fils Unique-Engendré, vienne opérer en chacun d'entre nous une greffe divinisatrice, nous fasse pénétrer dans l'Acte générateur éternel de son Père sur Lui.
L'Ascension n'a de sens qu'en fonction de la Pentecôte. Les disciples avaient pourtant été prévenus et, deux mille ans plus tard, que faisons-nous de cet avertissement salutaire ? dans l'intimité de la dernière scène : «Il est de votre intérêt que moi je m'en aille, car si je ne m'en vais pas, le Paraclet ne viendra pas à vous. Si je vais, je lui donnerai mission auprès de vous» (Jn16,7). Le «Paraclet» est, en quelque sorte, dans saint Jean, le nom propre du Saint-Esprit. Il signifie «celui qui se tient à côté» de quelqu'un pour le défendre, le conseiller, le consoler, le réconforter, le soutenir. Parlant de l'Ascension nous ne pouvons que faire déjà référence à la Pentecôte.

Père André Borrély

Dimanche 24 mai 2015: 7è dimanche après Pâques

Des Saints Pères du 1er Concile Oecuménique

Ton 6 ; 10ème Evangile

Epître : Ac 20, 16-18, 28-36 ; Evangile : Jn 17, 1-13

Recevant toute clarté de l'Esprit saint, les Pères saints ont proclamé sous Inspiration de Dieu le mystère de la foi * court en paroles mais riche de sens, * et comme des hérauts du Christ, * s'inspirant des évangéliques enseignements * et de la sainte tradition, * ils ont reçu d'en haut la lumineuse révélation * et tout brillants de clarté * ils ont défini les dogmes divins.


Assemblez devant lui tous les Saints qui par un sacrifice scellèrent l'alliance avec lui.
Réunissant tout leur savoir pastoral * et mus par une juste indignation, les saints Pasteurs chassèrent comme avec la fronde de l'Esprit * les loups redoutables et pestiférés * qui de la plénitude de l'Eglise avaient glissé * dans une incurable maladie conduisant à la mort ; * en cela les Pères saints ont agi comme les nobles serviteurs du Christ * et les initiateurs du message divin.

Gloire au Père...

Le chœur des Pères saints * accourus depuis les confins de l'univers * a proclamé l'unique essence et l'unique nature * du Père, du Fils et de l'Esprit et transmis à l'Eglise clairement * le mystère de l'enseignement divin ; aussi, les célébrant dans la foi. * nous les disons bienheureux et chantons : Divine garde du Seigneur, astres étincelants du spirituel firmament, * imprenables donjons de la mystique Sion, * suaves fleurs de Paradis, * bouches du Verbe toutes dorées, * vous la gloire de Nicée, * de l'univers la splendeur, * intercédez pour nos âmes auprès du Seigneur.

Textes liturgiques orthodoxes

Textes à méditer

L'Evangile de ce jour nous offre la prière du Seigneur à Gethsémani après la Dernière Cène. Elle est connue sous le nom de prière archihiératique du Seigneur. Notre Eglise lit ce jour ce passage évangélique car elle fête la mémoire des Saints Pères du 1er Concile œcuménique (325 ap. J.-C.). L'Orthodoxie est aujourd'hui en fête parce que lors de ce Concile a triomphé la vérité de la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

« Etre dans l'Eglise qu'est-ce que cela signifie ? Cela veut dire de ne pas abandonner notre religion et notre foi. Cela veut dire d'avoir en nous l'amour, cet amour que le Christ nous enseigne. Cela veut dire d'assister à la divine Liturgie, de nous confesser et de communier. L'Eglise c'est le Christ et celui qui est dans l'Eglise est avec le Christ».

Métropolite de Kozanis DIONYSSIOS in Parole de Supplication, Kozani 1967

Notre Credo comporte comme deux aspects : un aspect statique, si l'on veut, ou plutôt acquis, donné, le roc de notre certitude de foi, et un aspect dynamique, le chant de louange que l'intelligence humaine, mourant et renaissant dans les eaux du baptême, ne cesse de faire résonner à la gloire de la Trinité. Symbole donc de l'Eglise, le Credo de Nicée-Constantinople fait partie intégrante de la liturgie eucharistique : de la sorte il signifie que le don total de Dieu dans la communion ne peut se faire qu'au don total de l'homme dans l'eucharistie, au sens propre d'action de grâce, et que notre eucharistie, notre merci doit être un engagement personnel, qui exige notre adhésion consciente à la Parole de Dieu, si nous voulons que notre confession de foi devienne ouverture à la vie.

Kondakion, t. 8

Le message des Apôtres et des Pères l'enseignement pour l'Eglise affermissent l'unité de la foi : * portant la tunique de vérité * tissée par la céleste révélation, * elle dispense fidèlement * et glorifie le grand mystère de la foi.

Ikos

Ecoutons l'Eglise de Dieu nous crier en une sublime proclamation : * Qu'il vienne à moi et qu'il boive, celui qui a soif ! * c'est dans le cratère de la Sagesse que je mêle mon vin ; * je l'ai mêlé à la parole de vérité ; * et l'eau que je verse n'est pas celle de la contestation, * mais celle de la concorde dans la foi, * dont boit le nouvel Israël à qui Dieu apparaît en disant : * Regardez et voyez, je suis le même, je n'ai pas changé, je suis Dieu au commencement comme après le temps, il n'en existe pas d'autre que moi. * Ceux qui prennent part seront rassasiés * et loueront le grand mystère de la foi.

HOMELIE
LE DIMANCHE DES SAINTS PERES DU PREMIER CONCILE ŒCUMENIQUE

(Jean 17,1-13)

Le dimanche après le jeudi de l'Ascension, l'Eglise orthodoxe commémore les 318 Pères (évêques) du premier concile œcuménique convoqué et réuni à Nicée par l'empereur Constantin pour mettre fin aux troubles suscités par l'hérésie d'Arius dans les provinces orientales de l'empire. Il s'ouvrit le 20 mai 325 et fut clos le 25 août de la même année.
Arius (260-336) était un prêtre d'Alexandrie ( Egypte). Son hérésie consista à prétendre que le Dieu Unique, fondamentalement simple, inengendré par essence, éternel, sans commencement, totalement transcendant et à l'homme et au monde, ne saurait en aucune manière communiquer à qui que ce soit ce qu'Il est. La conséquence inévitable était que, pour Arius, le Fils, le verbe, est «étranger et sans ressemblance aucune avec l'essence et l'identité du Père». Il n'est donc qu'une des multiples puissances créées par le Père céleste. C'est cette hérésie que condamna le concile de Nicée qui, à l'inverse d'Arius, affirma la consubstantialité, c'est-à-dire l'identité dans l'essence divine, du Père et du Fils, autrement dit : la divinité du Verbe lui-même.
Mais pourquoi célébrer la mémoire de la condamnation de cette hérésie le dimanche qui suit la fête de l'Ascension ? Quel rapport peut-il bien y avoir entre cette condamnation et le temps pascal ? Pour le saisir il faut bien apercevoir en l'événement de l'Ascension le mouvement inverse et complémentaire de celui effectué par le Fils de Dieu à l'Annonciation et à Noël. A l'Annonciation et à Noël, le Tout-Autre, infiniment transcendant et au monde et à l'homme, sort de sa propre essence inaccessible pour devenir ce qu'il n'est pas: l'un des hommes, Emmanuel, «Dieu avec nous». A l'Ascension, en la personne du Ressuscité remontant vers son Père, la nature humaine transcende à son tour sa propre essence pour pénétrer dans l'intimité de la vie trinitaire. Mais le Christ d'Arius n'est pas «I'Un de la Trinité», et c'est tout le christianisme qui s'effondre. Si Jésus de Nazareth n'est qu'une créature, fut-il le plus grand de tous les prophètes, quel salut peut-il apporter à l'homme qui ne soit une réalité créée (comme lui), donc morale et humaine?
Et il y a une continuité théologique profonde et tragique, qui ne va pas seulement d'Arius à tous nos modernes Drewermann ou Barraut, mais encore d'Arius, qui tient pour inconcevable l'affirmation que le Père engendre son Fils Unique de toute éternité sans pour autant le créer, à tous les chrétiens ( et ils sont légion! ) qui tiennent pour inconcevable l'affirmation selon laquelle Dieu sauve l'homme en le divinisant et non point en se contentant de produire en lui des effets créés qui le laissent désespérément dans l'humain. Si le Christ n'est pas Dieu, à l'égal de son Père, si donc en lui ne se sont point unies et compénétrées sans se confondre la nature divine et l'humaine nature, le christianisme n'est qu'une religion parmi d'autres et une morale, un fait de culture et de civilisation. Mais la belle affaire que de confesser la divinité de Jésus de Nazareth si l'on ne comprend pas que le salut en Christ consiste pour l'homme lui-même en une communication effective de la divinité de l'Unique-Engendré du Père ! C'est la réalité de cette communication qui est affirmée par l'Eglise lorsqu'aux Vêpres de l'Ascension, il y a trois jours, celle-ci chantait que le Ressuscité a «relevé par compassion notre nature déchue pour l'asseoir à côté du Père avec (lui)». Ou bien Arias a raison et alors Jésus de Nazareth n'est pas ressuscité. Ou bien Jésus est bel et bien ressuscité, mais alors il est infiniment plus que le Jésus d'Arius.
L'événement de la résurrection est l'exigence même de la réalité vivante de ce qu'était Jésus. En le ressuscitant, le Père céleste nous a donné la preuve expérimentale de sa filiation divine. Et notre foi en cette filiation serait vaine si elle ne devait aboutir à notre propre divinisation. Si Jésus de Nazareth n'est infiniment davantage qu'un homme, s'il n'est pas «l'Un de la Trinité», il n'est pas considérablement plus intéressant que Sourate ou Gandhi. Et si, en ressuscitant, il a très clairement manifesté qu'il était bel et bien «l'un de la Trinité » devenu l'un des hommes, c'est afin que notre propre nature humaine, à chacun d'entre nous, si pécheresse et déchue qu'elle puisse être, soit « relevée » et « assise à côté du Père avec (lui)».

Père André Borrély

Dimanche 31 mai 2015: Dimanche de Pentecôte

Fête de la Très Sainte Trinité

Descente du Saint Esprit sur les apôtres

Liturgie : Epître : Ac 2, 1-11 ; Evangile : Jn 7, 37-52 8, 12

L'Esprit Saint qui fut à l'origine de l'Incarnation de Dieu assume désormais dans le feu de la Consolation la Rédemption de l'homme (son passage du corps charnel au corps lumineux) par le chemin de l'impossible ouvert au souvenir et à l'espérance.
La source de l'Esprit répandue sur les enfants de la terre, et divisée en fleuves de feu, a couvert les apôtres de douceur et de lumière. Sur eux le feu fut un nuage de rosées, une pluie de flammes qui les éclaira Par eux nous avons reçu la grâce dans le feu et dans l'eau. La lumière du Consolateur est venue, elle a éclairé le monde.
Lumière est le Père, Lumière est le Verbe. Lumière est le Saint-Esprit qui fut envoyé aux apôtres dans les langues de feu. Par lui, le monde entier illuminé vénère la Sainte Trinité.
L'Esprit Saint était, est et sera toujours. Jamais il n'a commencé. Jamais il ne cessera. Mais il est toujours compté à sa place avec le Père et le Fils. Il est la vie et il crée la vie. Il est la lumière et il donne la lumière. Il est bon et il est la source de la bonté. Par lui le Père est connu, le Fils est glorifié, et tous apprennent l'unique puissance, l'ordre unique, l'adoration unique de la Sainte Trinité.
L'Esprit Saint est la Lumière, la Vie et la Source vive. Il est l'Esprit de sagesse, l'Esprit de connaissance. Il est bon et droit. Il porte l'intelligence. Il dirige. Il enlève les fautes. Il est Dieu et il déifie. Il est le Feu et il vient du Feu. Il parle, il agit, il partage les charismes. Par lui tous les prophètes. les apôtres de Dieu et les martyrs furent couronnés. Nouvelle étrangère et vision étrangère. Il est le Feu qui se divise dans le partage des grâces.
L'Esprit Saint qui procède du Père, qui est adoré dans le Fils, célébrons-le. Par lui l'univers est porté, gardé, maintenu en vie. Par lui tout vit, tout demeure, tout est sauvé. Incompréhensible Consolateur, donne à ton monde la paix.

Roi céleste, Consolateur, Esprit de vérité, Toi qui es partout présent, Toi qui emplis tout, Trésor des biens et Donateur de vie, viens et demeure en nous, purifie-nous de toute souillure, et sauve nos âmes, toi qui est bonté.

Textes liturgiques orthodoxes

Texte à méditer

La fête de ce jour est appelée Pentecôte. Le Seigneur parlait toujours à ses disciples du Saint Esprit, qu'Il enverrait dans le monde de son Père afin qu'Il reste à jamais dans l'Eglise. Et avant son ascension Il leur disait encore, parlant de l'Esprit Saint : «Restez à Jérusalem jusqu'à ce que vous soyez revêtus de l'armure de la puissance qui vient d'en haut» (Luc 24/49). En d'autres circonstances, Il leur enseignait ce que nous rapporte l'évangile de ce jour.
«Le récit des Actes (2,3) contient encore une importante et dernière précision sur l'action de l'Esprit : «Les langues... se divisaient, et il s'en posa une sur chacun d'eux», chaque apôtre reçoit une langue personnellement. Si le Christ récapitule et intègre la nature humaine dans l'unité de son corps, L'Esprit Saint, par contre, se rapporte au principe personnel de la nature, aux personnes humaines. Il les fait épanouir dans la plénitude des dons, selon un mode unique. personnel pour chacun. Nous sommes comme fondus en un seul corps, mais divisés en personnalités», explique saint Cyrille d'Alexandrie. Au sein de l'unité en Christ, l'Esprit diversifie et rend chacun totalement charismatique».

Paul Evdokimov
Les étapes de l'an de grâce

Kondakion, t. 8

Ayant confondu les langues de l'univers, * le Seigneur du haut des cieux dispersa les nations ; * mais en partageant les langues de feu, * il invite tous les hommes à l'unité * et tous ensemble nous glorifions le très-saint Esprit.

Ikos

Accorde à tes serviteurs, Ô Jésus, un prompt et ferme réconfort * dans la tristesse où se trouvent nos esprits, * n'abandonne pas nos âmes dans l'affliction, * ne t'éloigne pas de nos cœurs éprouvés, mais sans cesse préviens-nous. * Viens tout près de nous, Seigneur partout présent, * à ceux qui t'aiment demeure uni, dans ta bonté, * comme à tes Apôtres tu le fus en tout temps, * afin qu'unis à toi nous puissions chanter * et glorifier ton Esprit très-saint.

«Nous fêtons la Pentecôte, la venue du Saint-Esprit, accomplissement de la promesse et réalisation de l'espérance. Quel mystère ! Qu'il est grand et vénérable C'est pourquoi nous crions : 0 créateur de l'univers, gloire à toi !»

Comme l'exprime ce stichère qui ouvre la célébration des Vêpres de la Pentecôte, cette fête est : «accomplissement de la promesse et réalisation de l'espérance». Nous allons donc être comblés de ce que : «L'œil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu... tout ce que Dieu a préparé pour ceux qu'il aime» comme le dit saint Paul aux Corinthiens.

Quelle est donc cette promesse qui voit son accomplissement au jour de la Pentecôte ? C'est le don de l'Esprit que les prophètes avaient annoncé pour les temps messianiques. Ainsi l'une des lectures bibliques de Vêpres nous fait entendre la prophétie de Joël : « je répandrai mon Esprit sur toute chair, dit le Seigneur.» Et dans les Actes des Apôtres, saint Pierre proclame de Jésus : «Dieu l'a ressuscité, nous en sommes témoins. Et maintenant, exalté par la droite de Dieu, il a reçu du Père l'Esprit Saint, objet de la promesse, et l'a répandu».

Au moment de l'Ascension, Jésus lui-même l'avait annoncé : «Vous donc, demeurez dans la ville jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la force d'en-haut.» Et encore : «Vous allez recevoir une force, celle de l'Esprit Saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux confins de la terre.»

L'envoi de l'Esprit Saint vient donc parachever l'œuvre du Christ. C'est à la fois un achèvement et un point de départ. Achèvement, parce qu'avec Lui, nous avons tout ! Dieu est en nous désormais et nous pouvons vivre de sa vie. Point de départ, parce que c'est l'Esprit qui fait l'Eglise, qui transforme les disciples du Christ en son Corps et qui en fait des témoins du Sauveur. Par conséquent l'histoire s'ouvre sur une nouvelle réalité.

On pourra objecter que cela s'est passé il y a deux mille ans. Mais en fait, comme nous l'avons déjà dit, la vie liturgique n'est pas seulement la commémoraison d'événements passés. Elle les actualise pour nous et fait de nous chaque année les contemporains de tel ou tel événement de la vie du Christ ou, ici, de la naissance de l'Eglise. Ainsi à chaque fête de la Pentecôte, nous recevons nous aussi l'Esprit Saint comme les apôtres l'ont reçu lors de la première Pentecôte.

Quand on entre dans une église orthodoxe le jour de la Pentecôte, on trouve le sol jonché de verdure. C'est comme si ce jour-là l'herbe des champs poussait dans l'église. Peut-être est-ce une réminiscence de la première signification de la Pentecôte chez les juifs. En effet la Pentecôte juive était la fête de la moisson avant d'être celle du don de la Loi. Mais cette verdure évoque surtout la Vie que nous confère l'Esprit. L'herbe des champs représente d'abord, évidemment, la vie biologique que Dieu nous donne en faisant pousser les plantes qui deviendront notre nourriture. On passe aisément de l'idée de cette vie biologique à celle de la Vie avec un grand V, la Vie déifiée que Dieu nous donne par les sacrements et en laquelle nous participons à la Vie même de Dieu. Or c'est la venue de l'Esprit qui nous fait entrer dans la Vie Trinitaire.

Au début de chaque office, nous invoquons l'Esprit en tant que dispensateur de vie, ou vivifiant. Et dans le Credo même c'est la caractéristique qui est attachée à l'Esprit. L'Esprit Saint est celui qui nous fait vivre de la vie de Dieu. C'est cela que suggère l'herbe répandue dans nos églises à la Pentecôte.

Or cette vie divine n'est autre que la vie de la Trinité. C'est la raison pour laquelle dans le rite byzantin, la célébration de la Pentecôte est à la fois célébration de la venue de l'Esprit Saint et fête de la Sainte Trinité. Un texte liturgique nous dit : «L'Esprit instruit les croyants dans la connaissance de la Trinité en qui nous sommes fortifiés.»

Et ailleurs, nous entendons : «Par la grâce de l'Esprit qui répand la lumière, la création reconnaît dans la Trois Personnes l'unique essence, inaccessible et éternelle.»

D'autres textes chanteront soit la venue de l'Esprit, soit la Trinité elle-même. D'autres engloberont les deux comme cet exapostilaire : «Lumière est le Père, lumière est le Fils, lumière aussi le Saint-Esprit qui descendit sur les apôtres sous forme de langue de feu. Par lui le monde entier est illuminé pour adorer la Sainte Trinité.»

L'Esprit Saint nous donne de connaître et de célébrer le Mystère du Dieu Un en Trois Personnes. En même temps il nous fait participer à cette vie de communion, d'unité dans la diversité. C'est ce que suggère les langues de feu qui se sont réparties sur les apôtres. C'est le même Esprit symbolisé par le feu que reçoivent les apôtres, mais chacun en reçoit une flamme pour bien montrer l'unicité de chaque personne dans la communion de l'unique Esprit.

Pour nous faire mieux comprendre ce paradoxe, la liturgie évoque la tour de Babel : «jadis, quand le Très-Haut descendit, il confondit les langues et dispersa les peuples. Quand il distribua les langues de feu, il appela tous les hommes à l'unité».

La Pentecôte est l'inverse de Babel. Au lieu d'une union des hommes contre Dieu qui aboutit à la séparation et à l'incompréhension mutuelle, la venue de l'Esprit restaure l'unité de tous les hommes, chacun recevant une flamme unique qui marque l'unité dans la différence. C'est ainsi que la vie de la Trinité va se refléter dans celle de l'Eglise comme communion de personnes, chaque personne humaine ayant un visage unique qui n'est vraiment personnel que lorsque la personne accepte d'aimer les autres, fût-ce au prix de sa vie, comme le Christ nous a aimés en nous montrant ce qu'était l'Amour au sein de la Trinité. C'est l'Esprit que nous recevons à la Pentecôte, qui nous permet à notre tour d'aimer en vérité.

HOMELIE
LA VENUE DE L'ESPRIT LE DIMANCHE DE PENTECOTE

(Jean 7,37-52)

Au moment de les quitter définitivement, Jésus dit aux disciples : «Je vais envoyer sur vous la Promesse de mon Père » (Lc24,49). Car Jésus n'est mort que pour ressusciter et il n'est ressuscité que pour nous envoyer l'Esprit Saint. Par le Saint-Esprit du Père qui repose pleinement sur Lui, Il reconstitue et restaure notre humanité, il nous unit à sa nature divine.
«Mieux vaut pour vous que moi je m'en aille car si je ne m'en vais pas le Paraclet ne viendra pas vers vous ; mais si je pars, je vous l'enverrai» (Jn 16,7). L'Unique Nécessaire affirme paradoxalement la nécessité en laquelle se trouvent les disciples (et nous-même par conséquent) de vivre en son absence. Nous devons vivre par le Christ, nous devons vivre dans le Christ mais aussi, d'une certaine manière, nous devons vivre sans le Christ : sans sa présence visible et sensible.
C'est que le Fils ne s'est pas fait homme seulement pour nous délivrer le plus sublime enseignement moral et religieux, ni pour nous éblouir par ses prestigieux miracles. On ne peut même pas dire qu'il se soit fait homme pour seulement nous donner le témoignage (combien salutaire et précieux cependant !) de sa résurrection. L'Un de la Trinité est devenu l'un des hommes essentiellement pour nous communiquer le Fond même de Dieu, la vivante Racine de Dieu. Et quel est donc ce Fond, quelle est donc cette Racine ? C'est l'Esprit Saint, lequel, nous dit saint Paul, « scrute tout, jusqu'aux profondeurs de Dieu » (1 Co 2, 1 0).
En effet, le Fils est l'Intimité la plus profonde du Père dont il est la Parole et l'Unique-Engendré. Et l'Esprit Saint est l'Intimité même du Fils sur lequel Il repose depuis toujours en plénitude. Ainsi en nous faisant accéder à l'expérience de la Réalité la plus intime du Fils, en nous le faisant connaître non point d'une manière seulement intellectuelle et extérieure, relative et abstraite, conceptuelle et donc nécessairement superficielle, mais par le dedans, par la vie et l'amour, par une connaissance inséparable de l'amour, l'Esprit Saint nous introduit dans l'intimité très secrète du Père céleste afin que nous devenions nous-mêmes ses fils.
Et c'est pour cela qu'à l'Ascension le Ressuscité s'en est allé. Il s'est effacé devant l'Esprit afin que l'Esprit nous fasse pénétrer existentiellement par la divinisation jusqu'en l'intimité du Père. Le Fils est notre Sauveur, le Saint-Esprit, Lui, est notre Salut. Notre salut ce n'est pas la «grâce», ce n'est pas quelque chose, mais Quelqu'un. L'événement de la Pentecôte nous dit le contenu spécifique du salut chrétien, à savoir le Don inexigible et inouï aux hommes de la Vie incréée et de la Puissance divine et divinisante du Fils devenu l'un des hommes. Or, ce Don c'est la divinisation de l'homme par la présence personnelle de l'Esprit Saint. L'Annonciation et la nuit de Bethléem signifièrent la divinisation de l'humanité en la personne de Jésus de Nazareth. L'événement de la Pentecôte signifie la divinisation, par et dans le Saint-Esprit, offerte à tout homme qui confesse la filiation divine de L'Enfant de Bethléem devenu le Ressuscité. A Noël, la nature humaine fut assumée, épousée, renouvelée, divinisée par le Fils Unique-Engendré. Mais elle le fut alors, par Jésus, d'une manière personnelle et limitée à un seul homme. A la Pentecôte, l'humanité tout entière devient le Corps du Christ, reçoit le Ressuscité pour participer effectivement à sa Vie divine.
Etre chrétien, c'est essentiellement recevoir la révélation du Mystère du Père, c'est confesser que le Ressuscité est la Révélation même de Dieu, sa Parole consubstantielle et coéternelle. Ce n'est que par l'entremise du Fils, du Témoin par excellence, que nous pouvons apprendre que Dieu est notre propre Père. Mais nous ne pouvons confesser la filiation divine du Ressuscité et, partant, nous ne pouvons savoir que Dieu est notre Père, et encore moins pouvons-nous devenir ses fils, si nous ne recevons l'Esprit qui procède du père et repose sur le Fils. Mais si nous accueillons l'Esprit Saint en nous, alors l'Acte générateur éternel du Père sur son Fils se prolonge sur nous. Le chrétien est fondamentalement un oint, un «messie», un «christ», c'est-à-dire un homme qui a reçu l'Esprit-Saint du Père si peu qu'il confesse la divinité du Fils. La Pentecôte signifie que nous sommes engendrés, à la suite du Fils, à la Vie même, incréée et proprement divine du Père.
Le Saint-Esprit met en mouvement la fine pointe de notre âme, féconde la racine même de notre être personnel, donne à notre «pneuma» la force de manifester la Puissance même du Christ. Vivre, pour un chrétien, c'est participer à l'Esprit Saint, c'est «acquérir le Saint-Esprit» (saint Séraphin de Sarov), c'est exister dans une attention de tous les instants à l'événement de Pentecôte.

Père André Borrély

Lundi 1er juin 2015

Jour du Saint-Esprit

Epître : Ep 5, 9-19 ; Evangile : Mt 18, 10-20

Dimanche 7 juin 2015

1er dimanche après la Pentecôte

De tous les Saints

Ton 8 ; Matines : 1er Evangile

Epître : Hb 11, 33 - 12, 2 ; Evangile : Mt 10, 32-33, 37-38, 19, 27-30

Tropaire du dimanche de Tous les saints, ton 4

En tout l'univers tes martyrs * ont orné l'Eglise de leur sang. * Revêtue de pourpre et de lin fin, * par leur bouche elle te chante, ô Christ notre Dieu : * A ce peuple qui est tien manifeste ta compassion, * donne la paix à ceux qui veillent sur notre nation, * accorde à nos âmes la grande miséricorde.

Kondakion, ton 8

Comme les prémisses de la terre sont offertes au Créateur, * l'univers te présente les saints martyrs habités de Dieu ; * à leur prière et à celle qui t'enfanta * garde ton Eglise dans la paix, * Seigneur riche en miséricorde.

Synaxaire du dimanche de Tous les saints

Aujourd'hui, en ce dimanche après la Pentecôte, nous célébrons la fête de Tous les saints qui ont vécu dans le monde entier, en Asie, en Europe, dans les terres boréales et australes. Par les prières de notre ambassadrice, ta Mère et de tous les saints, Christ notre Dieu, aie pitié de nous et sauve-nous, unique ami des hommes. Amen.

DIMANCHE DE TOUS LES SAINTS
Homélie donnée le 14 juin 1998
en l'église St Irénée à Marseille (France) par P. Denis Guillaume

Frères et sœurs, en ce dimanche après la Pentecôte. nous célébrons la mémoire de tous les Saints. Ce n'est pas un hasard, mais l'aboutissement logique de tout le Pentecostaire. Le Pentecostaire, du grec (pentècostè)qui veut dire cinquantième, c'est le livre contenant les offices des cinquante jours qui vont de Pâques à la Pentecôte. Sept semaines de sept jours, cela fait quarante neuf, et la Pentecôte, c'est le cinquantième jour. Mais un jour ne suffit pas pour méditer le mystère de la Pentecôte, descente de l'Esprit et révélation de la Trinité : on lui a donc ajouté une semaine. Et le Pentecostaire s'achève par le dimanche de Tous les Saints.
Notre "Toussaint" à la différence de la Toussaint occidentale, est une fête mobile, qui dépend de la date de Pâques. Elle achève le cycle de huit semaines qui nous ont fait revivre le mystère de notre rédemption par la mort et la résurrection du Christ, de notre illumination par la foi et le baptême, de notre sanctification par la descente de l'Esprit divin.
Dans l'Eglise occidentale, la Toussaint est une fête fixe célébrée le premier novembre. C'est le jour anniversaire de la dédicace d'une église de Rome, Sainte-Marie-des-Martyrs, qui était d'abord un temple païen, celui de tous les dieux, en grec "Pan-théon". Peu à peu, lorsqu'aux martyrs des premiers siècles vinrent s'ajouter les ascètes et les autres saints, la fête commémorative est devenue la "Toussaint".
Puis l'on fixa au 2 novembre la commémoration de tous les défunts, ce qui a eu pour effet de jeter un voile sur la fête de la Toussaint et même de condamner au cimetière les pauvres chrysanthèmes, dont le nom grec veut dire "fleurs d'or" et qui en Grèce, continuent à être des fleurs joyeuses !
Nous aussi, nous avons eu, la semaine dernière, notre commémoration des défunts : c'était le samedi avant Pentecôte, et leur souvenir n'était pas absent des longue prières de la Goniklissia, l'office de la Génuflexion célébrée le soir de la Pentecôte. Mais avouez qu'on passe plus facilement de la tristesse à la joie, du souvenir des défunts au triomphe de la sainteté.
De la même façon, nous avons eu, au début du Triode de Carême, un Samedi des Défunts à la veille du dimanche de Carnaval et, la semaine suivante, le samedi des saints ascètes. Et, dans les Menées ou livres mensuels, il y a d'autres fêtes de saints groupés, telles que la Synaxe des Douze Apôtres, le 30 juin, la Synaxe des soixante-dix Apôtres, le 4 janvier, les Synaxes des Pères conciliaires, qui sont au nombre de trois au cours de l'année liturgique, et enfin, le 8 novembre, le Svnaxe des archanges Michel et Gabriel et de toutes les autres Puissances incorporelles. c'est-à-dire les Anges, qui se comptent par myriades.
Or, chaque jour, à Vêpres, à Matines, ait cours des Petites Heures et, de la Liturgie, on commémore un ou plusieurs saints, pas plus de deux ou trois, en général, à moins qu'il ne s'agisse d'un groupe de saints, martyrisés le même jour. Dans le Synaxaire ou Martyrologe on en commémore davantage, jusqu'à un, vingtaine par jour. Si vous multipliez vingt par 365 jours. cela ne fait jamais que 7 300 noms.
Or les Saints doivent se compter par myriades, eux aussi : dans l'épître de ce jour, Paul nous a parlé d'une immense foule de martyrs, littéralement une "grande nuée de témoins". Pensez aux nuées du ciel : la Voie lactée et les autres galaxies, les Nuages de Magellan, etc. Les astronomes v dénombrent des étoiles par milliards. Eh bien, entre 7 300 noms et les myriades, cela fait un grand. nombre de saints anonymes, connus de Dieu seul, dont l'histoire n'est pas arrivée jusqu'à nous, et qu'il était juste de commémorer en ce jour.
Mais au-delà de ce devoir de piété de l'Eglise envers tous les Saints, connus ou inconnus, il v a, comme je le disais en commençant, la logique de notre commune sanctification, vue comme l'aboutissement, l'achèvement de l'histoire du salut commencée par la Croix et la Résurrection. Après la fête de Pâques, nous avons célébré les témoins de la Résurrection du Christ : Thomas, dont le doute a rendu plus sûre notre foi, et les Myrophores qui, ayant participé à l'ensevelissement, ont pu, de façon d'autant plus véridique, annoncer le Christ ressuscité. ensuite nous avons médité pendant trois dimanches sur les miracles du Paralytique, de la Samaritaine, et de l'Aveugle-né, considérés comme des catéchèses baptismales. Enfin, les trois derniers dimanches du Pentecostaire ont tiré les fruits de l'Ascension et de la Pentecôte : notre nature assise, en Jésus, à, la droite du Père, et la descente de l'Esprit qui, en nous sanctifiant, permet aux imitateurs du Christ de monter à leur tour, par la sainteté, dans la gloire du ciel. A cela nous sommes tous appelés, pour remplacer auprès de Dieu les anges déchus, qui sont "légions", pour remplacer, quand ce monde finira, les myriades d'étoiles qui le chantent au firmament. A lui la gloire dans les siècles.

in "Orthodoxes à Marseille" N°70 (mai-août 1999)

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